2.3.2. Les Signes de Terre: généralités

Tous les signes de Terre ont en commun leur relation directe avec le monde matériel de la réalité. L’homme de type Terre est avant tout un Homme engagé dans la réalité concrète et dans l’action dans ce monde. L’organe par lequel il peut seul agir dans ce monde de la réalité est, comme celui-ci, de nature matérielle: c’est le corps physique, dont le membre le plus important [186] et le plus différencié est la main, ce membre du corps humain qu’Aristote a appelé « l’instrument des instruments« . L' »action » devient ainsi le signifiant relèvant du domaine des Signes de Terre. Les Romains appelaient Manus cet organe des organes, par lequel l’Homme peut laisser une trace dans la matière, trace im-« manente » de son champ d’action.

Saisi ésotériquement, l’ensemble du corps humain dans son apparence physique devient une sorte de main qui sera l’instrument du reste de l’Homme composé des Éléments Feu, Air, Eau. L’Élément Terre, constituant le corps physique, devient l’organe exécutif qui permet aux autres dimensions de l’Homme (Feu, Air, Eau) d’intervenir dans le monde physique.

Cette « intervention » dans le monde terrestre devient ainsi la véritable mission vitale de tous les Hommes du type Terre. Mais dès que cette intervention a lieu, elle se heurte aussitôt à la résistance de la matière, et ce qui se manifeste alors est déjà une sorte de compromis entre la volonté qui a conduit à cette intervention et la résistance de la matière qui indique à cette volonté les limites de sa possibilité de réalisation. Dans cet effet de compromis se révèlent trois facteurs qui se manifestent dans chaque action:

  1. la volonté de réalisation, dans la mesure où elle peut se communiquer à l’organe exécutif physique de l’Homme, c’est-à-dire l’expression de la force de l’Homme;
  2. la résistance de la matière ou son inertie au sens physique;
  3. le compromis ou l’effet visible: l’action accomplie.

En physique, nous parlons de force, de charge et de travail et exprimons l’interdépendance entre ces trois éléments de base de tout événement physique par la formule: Travail = Force x Charge.

Cette formule permet de résumer toutes les relations dans lesquelles l’Homme vit les énergies qui lui parviennent des Signes de Terre:

  • S’il porte son attention sur la force et son destin, il fait l’expérience du genre rajas de sa destinée terrestre,
  • s’il fait attention à la charge en portant son intérêt principal sur celle-ci et son destin, il fait l’expérience du genre tamas de sa destinée terrestre,
  • et s’il porte son intérêt principal sur l’effet du travail, il fait l’expérience du genre sattwa de sa destinée terrestre.

Un simple exemple peut nous le faire comprendre, un exemple qui se rattache aux plus anciennes formes de travail [187] de l’Homme en général: son travail de jardinier qui cultive la terre cultivée, son « travail de la terre » qui est κατ’ ἐξοχήν, l’archétype de l’agere par excellence étant le labourage – qui vient du latin labor: ‘travail’.

Arare, « labourer », qui a donner ‘araire‘ – la première charrue – c’est préparer la terre pour y mettre la graine – soit la composante rajas de l’Élément Terre, l’attention étant ici tournée vers la composante force. Le soin et l’entretien du sol après les semailles, l’entretien et la surveillance de la culture des semences et son soin peuvent être présentés comme la composante tamas, l’attention étant ici tournée vers la charge; et enfin la récolte après les semailles mûres, son apport et son utilisation constituent la composante sattva: l’attention étant maintenant tournée vers l’effet du travail et son utilisation. Ainsi est déjà donnée la tonalité fondamentale du contenu de la vie que doivent présenter les trois sous-espèces de la qualité globale de l’Élément Terre:

  • le Capricorne comme Signe de l’ensemencent,
  • le Taureau comme Signe de l’entretien,
  • la Vierge comme signe de la récolte et de son exploitation.

Il nous suffit d’apprendre à interpréter correctement cette image pour voir apparaître devant nous les trois sous-espèces du type « Homme de type Terre ». Mais en toutes circonstances, le contenu de sa vie est consacré à tout ce qui peut être obtenu par l’action par laquelle l’Homme de type Terre intervient dans la manifestation extérieur du monde, que ce soit en bien ou en mal, que ce soit pour le bien ou pour le mal.

Ainsi, il arrive que le succès devienne, dans la mesure où il se manifeste matériellement, le critère de toute sorte d’évaluation:

  • sous forme physique: en tant qu’augmentation ou accroissement de la valeur des biens,
  • au sens psychique: en tant que joie du succès et de l’augmentation de la réputation qui y est liée,
  • sous forme spirituelle (mentale, intellectuelle): par l’augmentation du savoir, dans la mesure où l’intervention dans le monde physique peut ainsi se faire avec plus de succès et de profit,
  • sous forme morale: dans la mesure où il permet de créer des institutions et des lois qui réduisent autant que possible le mal dans le monde.

Il en résulte des caractéristiques essentielles qui sont communes aux trois sous-espèces du type Terre.

Tout d’abord, la tendance à tirer le critère de jugement de toutes les valeurs des faits et des réalités du monde matériel extérieur, qui est ainsi élevé au rang d’instance ultime, suprême et décisive pour toutes les questions de doute, car il présente le plus haut degré de « réalité ».

L’expérience acquiert ainsi le rang d’autorité suprême et décisive dans tous les domaines et devient la pierre de touche même pour [188] les valeurs de tout ce qui appartient aux domaines de l’âme, du spirituel et de la morale. L’Histoire devient le censeur incorruptible de toutes les valeurs idéales.

Si nous essayons maintenant de décrire brièvement la position de l’Homme de type Terre par rapport aux faits de la vie psychique, spirituelle et morale, il résulte de ce qui a déjà été dit à peu près l’attitude suivante:

Les sentiments constituent un supplément malheureusement inévitable aux réalités effectives de la vie. Il n’y a cependant aucune tendance à s’y plonger ou même à s’y abandonner durablement. Il est particulièrement difficile de les maintenir séparés des processus corporels – leur contenu se mêlant fortement aux états corporels, ce qui leur fait perdre une grande partie de leur intensité psychique; une particularité que l’on ne trouve que dans les Signes de Terre: l’implication du corps dans presque toutes les expériences psychiques; cette circonstance assure à la « sensualité » une part prépondérante dans la vie psychique et provoque aussi, comme nous le verrons encore, un rapport à l’art et à la morale, et même à la science en général, caractéristique de cette qualité Terre. Mais c’est précisément ce caractère de liaison au corps des affects psychiques qui fait qu’ils peuvent être plus facilement surmontés et qu’ils dominent donc beaucoup moins la vie que ce n’est le cas par exemple chez l’Homme de type Eau. C’est pourquoi les Hommes de type Terre semblent plus froids dans leur vie affective et ne sont pas enclins à prendre en compte les sentiments d’autrui s’ils ne se manifestent pas avec une pleine clarté physique. Les sentiments qui ne sont pas assez forts pour conduire à des actions doivent être cachés autant que possible!

Le type Terre n’apprécie pas la pleurnicherie, ni chez lui ni chez les autres. Les sentiments doivent se transformer en actions pour être pris en compte, ce qui permet alors d’adapter son comportement en fonction d’eux.

De même, la vie spirituelle (mentale, intellectuelle) de l’Homme de type Terre tourne son intérêt en premier lieu vers le monde extérieur réel, qui constitue le seul critère fiable pour la connaissance scientifique, de sorte que même les faits de l’expérience intérieure, donc de la vie psychique et spirituelle (mentale), ne peuvent être considérés comme « scientifiques » que lorsqu’ils peuvent être soumis à un critère tiré du monde extérieur. C’est pourquoi l’Homme de type Terre est plus enclin à mettre en doute sa propre existence que celle du monde extérieur, dont le témoignage de ses organes des sens possède la plus grande force probante. [189] La base de toutes les sciences empiriques dites exactes provient de cette perception. Les sciences exacte doivent leur naissance au besoin pratique (rajas) de pouvoir maîtriser par la pensée l’histoire du déroulement de chaque type de processus ou d’événements (tamas), afin de la rendre utile à des fins pratiques (sattwa).

C’est ainsi que naît non seulement l’histoire humaine en tant que registre chronologique des événements extérieurs, mais aussi et surtout l’histoire naturelle, c’est-à-dire la science descriptive de la nature. Toutes les sciences, dans la mesure où elles sont cultivées du point de vue de l’Homme de type Terre, ont ce caractère d’histoire. L’histoire est toute sorte de statistique ordonnatrice. Appliquée à la vie mentale de l’Homme lui-même, elle devient ici la psychologie empirique, puis ce qu’on appelle l’histoire de l’esprit, l’histoire de la philosophie, de la religion, de l’art, en un mot l’histoire culturelle.

Dans le domaine de l’art, l’homme de la Terre est enclin à appliquer avant tout le critère esthétique et à voir partout à l’œuvre une loi qui lui fait apparaître l’apparence extérieure de l’œuvre d’art dans des rapports mesurables et l’empêche de se perdre dans des allusions. C’est l’équilibre parfait dans toutes les parties de l’œuvre d’art accessibles à la perception directe qui est ici posé comme exigence esthétique et qui constitue en même temps le critère de ce qui est considéré comme l’idéal du classique dans l’art. Tous les Hommes de type Terre sont donc avant tout des adeptes du « classique » dans l’art.

La position de l’Homme de type Terre sur le problème de la morale est particulièrement intéressante. Il y a ici une tendance à faire de l’acte accompli et de ses conséquences le critère de toute évaluation morale. Ce ne sont ni les sentiments, ni les intentions, ni les passions, ni les luttes de conscience qui l’ont précédé – c’est uniquement le fait de l’acte posé qui décide du rang moral de celui qui a posé cet acte. Il doit en porter toute la responsabilité. Que l’acte s’avère bénéfique ou nuisible dans ses effets devient le moment moralement décisif.

Ainsi, à la place de ce qui apparaît par exemple à l’Homme de type Feu comme une constitution divine qui s’annonce immédiatement à lui par la voix de sa conscience, naît l’idée d’un ordre juridique humain dans lequel l’idée de devoir prend la forme d’une obligation fondée sur la réciprocité d’un [190] type quelconque, dans lequel les avantages et les dommages sont partout déterminés à l’aune d’une justice compensatoire qui a en quelque sorte son modèle dans l’inexorabilité des lois de la nature, selon laquelle chaque type d’action reçoit une réponse qui lui correspond, mais qui est dirigée en sens contraire. C’est de cette réponse ou réaction au sein de l’environnement matériel qu’il doit porter la responsabilité, dans la mesure où elle a été provoquée consciemment ou inconsciemment par son action.

En ce sens, le problème moral prend pour l’Homme de type Terre une forme que nous pouvons sans doute qualifier au mieux de forme juridique de ce problème, qui est à nouveau indissociable de l’évolution historique de la structure sociale de la communauté humaine.

Il est intéressant de voir comment les différents penseurs adoptent une position différente sur le problème moral en fonction de leur nature. Ainsi, Emmanuel Kant, dont l’horoscope présente une influence importante du Signe de Terre du Taureau, en arrive à faire débuter son impératif catégorique par les mots suivants: « Agis – notez bien! – agis uniquement d’après la maxime qui fait que tu peux vouloir en même temps qu’elle devienne une loi universelle! » – c’est-à-dire une sorte de version juridique de la loi morale, tandis qu’Arthur Schopenhauer, chez qui le Signe du Poisson, c’est-à-dire un Signe d’Eau, jouait un rôle particulièrement important, a élevé la compassion au rang de fondement de la morale et a substitué à cette « maxime » indéterminée la phrase indienne: Tat twam asi – « Voilà qui tu es. »

« Je suis cela »

Les trois prochains articles seront consacrés à la description des principales caractéristiques des différents Signes du zodiaque de la qualité Terre.

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