Si nous appliquons ce qui vient d’être dit au monde des Planètes, nous obtenons effectivement toutes les conditions sur la base desquelles l’énigme de la fonction propre de chacune des sept Planètes promet d’être résolue.
Tout d’abord, les orbites des Planètes elles-mêmes se révèlent être l’unification de Rajas et de Tamas réalisée dans Sattwa, dans la mesure où les contradictions de la force centrifuge et centripète cachées dans leur mouvement circulaire autour du soleil apparaissent comme l’éjection de Rajas et la liaison centrale de Tamas – soit le phénomène de gravitation ou de pesanteur –, et que l’équilibrage provoqué par le mouvement circulaire lui-même représente Sattwa. Mais si nous nous plaçons du point de vue opposé, si nous considérons le même fait du mouvement planétaire non pas du point de vue du soleil, mais comme destin Planétaire, alors ce qui est force centrifuge n’apparaît pas comme Rajas, mais comme composante de souffrance, comme exil, comme être jeté, comme passion, et la force centripète comme la force Rajas, comme action s’arrachant des profondeurs de la Planète de son aspiration à l’union universelle avec le Soleil, qui est maintenant devenu l’idéal du futur. Seul Sattwa conserve ici son sexe dans le changement de point de vue.
Il en va de même pour l’Homme qui, vivant sur la Terre, doit participer à son voyage à travers l’espace, tournant autour du soleil dans une ellipse qui se renouvelle d’année en année, exposé ici en tant qu’être de la région Tamas, mais devenant un être Rajas en aspirant vers sa patrie par résolution intérieure, se sait maintenant Un avec le Soleil qui l’a libéré un jour, et devient dans cette connaissance, « connaissant et reconnu », un être Sattwa auquel il est réservé, en retournant à l’univers, d’être racheté.
Jupiter et Mercure
[376] Essayons maintenant d’appliquer les connaissances acquises jusqu’à présent tout d’abord à la paire de Planètes Jupiter-Mercure. Les deux pôles de cette dualité sont des organes de connaissance. Dans les deux paires, Jupiter-Sagittaire, Mercure-Gémeaux ainsi que Jupiter-Poissons, Mercure-Vierge, Jupiter est masculin par rapport à Mercure. C’est donc en Jupiter que vit l’impulsion masculine fécondante de toute connaissance, de revenir dans un avenir lointain au germe de la sagesse immédiate cachée dans la première révélation ou de la conscience sans reste dans l’être. Dans le processus de connaissance, Jupiter est ainsi l’élément qui donne la direction, qui indique, comme une boussole interne à tous les chemins de la connaissance, un but lointain dans lequel toutes les connaissances individuelles doivent se rencontrer comme dans le foyer de l’unique vérité éternelle. C’est cette force qui, vécue au plus profond de soi, devient la voix jugeante de la conscience universelle ou cosmique qui, comme le daimonion de Socrate, se manifeste chaque fois que l’on s’écarte du « bon chemin » de la connaissance. La force qu’elle confère à la faculté de connaissance humaine s’appelle la foi, le précurseur de tous les chemins de la connaissance, que Mercure a pour tâche de parcourir et de développer en détail, de fixer dans des concepts et des mots et d’en détacher à nouveau dans une infatigable diversité.
Le rôle de Mercure – la singularisation ou la multiplication, la concrétisation et la généralisation, et finalement la formulation de toutes les connaissances exprimables en mots – est une production féminine; ce qui engendre, ce qui s’enracine dans la conviction, ce qui donne l’impulsion à cette production, est masculin, c’est la fonction jupitérienne:
- Jupiter est l’inspiration spirituelle; Mercure est l’expiration spirituelle.
- Jupiter est la foi; Mercure est l’intelligence.
- Jupiter est l’ingéniosité; Mercure est l’intellectualité.
- Jupiter enseigne comment reconnaître le chemin; Mercure enseigne comment le suivre…
Toute connaissance qui peut être exprimée appartient à Mercure; Jupiter demeure dans l’ineffable – comme l’affirme Lao Tseu au tout début de sa première leçon:
Le nom que l’on peut nommer, n’est pas le nom.
[377] Nous comprenons maintenant la double forme sous laquelle Jupiter et Mercure se présentent tous deux:
- En tant que du Sagittaire, avec Jupiter la foi devient sagesse;
- en tant que messager des Poissons, avec Jupiter la foi devient amour;
- en tant que messager des Gémeaux, avec Mercure le savoir devient le chemin de la connaissance de l’esprit en recherche;
- en tant que messager de la Vierge, avec Mercure le savoir devient le chemin de connaissance de l’intellect qui ordonne.
Nous en parlerons plus en détail au cours de ce livre à l’occasion du traitement des différentes Planètes.
Mars et Venus
Nous nous tournons maintenant vers le couple Planétaire Mars-Vénus. De quelle manière la sexualité mondiale se manifeste-t-elle ici? Nous n’avons plus affaire au genre Sattwa, mais à Rajas et Tamas qui s’opposent directement comme l’action et la passion, de la même manière que les Luminaires Soleil-Lune s’opposent à Saturne. Mais en quoi ces deux paires se distinguent-elles l’une de l’autre? Dans les deux cas, Mars ou Soleil-Lune se trouvent du côté masculin de cette polarité, Vénus ou Saturne du côté féminin; mais il s’agit de comprendre le sens de la présentation précédente:
- Soleil-Lion – Tamas, donc au féminin, mais dans un Signe de Feu, donc masculin: – + + +;
- Lune-Cancer – Rajas, donc masculin, dans un Signe d’Eau (féminin): + – + –;
- Saturne-Verseau – Tamas (féminin), Signe d’Air (masculin): – + – +;
- Saturne-Capricorne – Rajas (masculin), dans un Signe de Terre (féminin): + – – –.
De même:
- Mars-Bélier – Rajas, dans un Signe de Feu: + + + +;
- Mars-Scorpion – Tamas, dans un Signe d’Eau: – – + –;
- Vénus-Balance – Rajas, dans un Signe d’Air: + + – +.
- Vénus-Taureau – Tamas, dans un Signe de Terre: – – – –.
[378] Résultat:
- Soleil – + + + & Lune + – + –: 5+, 3–.
- Saturne – + – + & + – – –: 3+, 5–.
- Mars + + + + & – – + –: 5+, 3–.
- Venus + + – + & – – – –: 3+, 5–.
En partant de cette hypothèse, nous tournons d’abord notre attention vers le couple planétaire Mars-Vénus.
Nous ne pouvons pas ignorer le fait astronomique que la Terre se trouve directement entre les orbites de Mars et de Vénus, ce qui fait que ces deux planètes sont les plus proches de la scène terrestre de l’existence humaine, aussi bien dans le temps que dans l’espace. Si nous ajoutons à cela que la polarité Mars/Vénus se présente sous deux formes, une fois comme Scorpion-Taureau et ensuite comme Bélier-Balance, il en résulte la conclusion évidente que les fonctions attribuées à Mars et à Vénus en tant que pôle masculin et féminin de la sexualité mondiale se présenteront ici d’une double manière, directement proche de l’expérience humaine, à savoir, dans le cas du Scorpion-Taureau, sous la forme de l’expérience sexuelle organique dans la partie Tamas de l’entité humaine et, dans le cas du Bélier-Balance, dans sa partie Rajas, sous la forme de l’expérience sexuelle spirituelle. Ainsi, dans la relation Mars-Vénus, nous avons devant nous l’ensemble des événements qui concernent la vie érotique, sauf que ces événements présentent un double visage, selon qu’ils se produisent dans la région Terre-Eau (Tamas) ou Air-Feu (Rajas). Dans les deux cas, nous aurons à relier à Mars ce qui reste porteur de l’impulsion masculine, à Vénus ce qui accueille, traite et reflète cette impulsion.
Il existe ici une relation similaire à celle qui existe entre Jupiter et Mercure, Mercure se présentant comme le réflecteur des impulsions d’intuition et guidant ainsi le mental réflecteur, donc fécondé, à s’élever dans la région de Jupiter. [379] Et de même que la contemplation du rapport Jupiter-Mercure nous conduira toujours plus profondément dans le mystère de la connaissance, il faut s’attendre à ce que la contemplation du rapport Mars-Vénus nous conduise toujours plus profondément dans le mystère de l’amour sexuel. Car celui-ci est la forme sous laquelle se renouvelle sans cesse dans la conscience humaine le témoignage éternel de la vie révélée, comme l’implication de l’Homme dans la révélation du monde, placée dès le commencement entre le temps et l’éternité, ou son initiation primitive dans l’acte de création lui-même. C’est pourquoi l’Homme reçoit cette initiation comme une transformation intérieure qui, pour reprendre la parabole de Ramakrishna, ressemble à la dissolution du grain de sel (le petit moi) dans l’océan du Tout-Monde ou à l’expérience ésotérique fondamentale de l’effusion du moi.
Dans l’union de l’homme et de la femme, la gloire du premier jour de la création, lorsque Rajas et Tamas se séparèrent dans la révélation originelle et se réunirent à nouveau par Sattwa, se fait jour dans les profondeurs de la conscience et saisit l’ensemble de l’être humain. Mais de la même manière que l’événement mondial est né du mariage céleste ainsi réalisé, en se séparant et en s’unissant sans cesse dans toutes ses parties, en cherchant et en luttant pour la rédemption dans une division et une réunification continues, de même celui-ci se transforme en passant par la porte d’entrée de la conscience humaine pour devenir la part de l’Homme dans le destin la rédemption mondiaux. Tout objectif dans l’action humaine se situe dans le champ d’action des deux grands messagers de la sexualité mondiale, Mars et Vénus. Ce champ contient tout ce qui est lié à l’activité humaine. Seulement, dans ce monde, le principe de Mars, en tant que porteur du principe paternel, reste invisible et n’a d’impulsion reconnaissable que dans ses effets – tandis que Vénus, en tant que porteuse du principe féminin, devient le collecteur de toutes les énergies créatrices déployées ici, réalisées ou prêtes à être réalisées, et devient le principe maternel auquel il est donné le pouvoir de produire – de donner naissance.
Déjà en observant la relation Jupiter-Mercure, il s’est avéré que Mercure devait être considéré comme une sorte d’exécuteur de ce qui émanait de Jupiter comme impulsion de fécondation. Toute connaissance de la raison fécondée par la foi et toute pensée ne s’avèrent fructueuses que si elles sont en même temps remplies de gratitude, si elles sont l’accomplissement reconnaissant de ce qui a été reçu des régions de la Foi (Feu) ou de l’Amour (Eau), respectivement en Sagittaire et en Poissons. C’est dans ce sens qu’il faut comprendre l’expression Kabbale [380] qui, prise au pied de la lettre, signifie conception: la connaissance mercurienne se féconde sur l’impulsion masculine de la force de la foi, qui reste invisible et insaisissable, ne peut être vécue qu’en silence, et le fruit de cette fécondation est la plénitude des connaissances individuelles et leur systématicité. Tous les livres de philosophie et de sciences de toutes sortes sont en somme des commentaires mercuriens de la sagesse de Jupiter, des tentatives d’interprétation plus ou moins parfaites de l’unique grand livre de la sagesse qui n’a jamais été écrit; savoir le lire, c’est être kabbaliste. Il en va de même pour ce que Mars-Vénus accomplit au sein de l’être humain.
Mais alors que Jupiter et Mercure sont des variantes masculine et féminine de Sattwa où les modifications de ce principe ne s’affrontent qu’avec la force modérée propre à cette région d’équilibre, l’opposition entre Mars et Vénus révèle une opposition beaucoup plus forte, voire la plus aiguë qui puisse être déchaînée dans la nature créée.
Car Mars est le porteur et le transmetteur de toutes les forces masculines actives dans le monde, qui se déversent sans limite à travers les quatre règnes; mais celles-ci ne deviennent reconnaissables que lorsqu’elles peuvent être absorbées par le féminin qui les rend fécondes. Sans cette absorption dans le sein féminin, elles se répandraient sans limites, dévastatrices, comme la « force céleste féconde » du feu.
Vénus, en revanche, est porteuse de toutes les énergies féminines qui, absorbant et recevant sans limites, s’étendent à travers les quatre règnes, mais révèlent tous les trésors enfouis lorsqu’elles sont fécondées par l’élément masculin. Sans cette fécondation par la semence Marsienne, ils dévoreraient sans limite tout ce qui vit, comme la terrible bouche du chaos, ou seraient plongés dans un sommeil éternel dont il n’y aurait pas de réveil.
Au sein de l’être humain, l’intégration de ces deux énergies primaires s’effectue, comme nous l’avons déjà expliqué, de deux manières. Dans la partie féminine de notre être (Éléments Eau et Terre), elles apparaissent comme la sexualité liée à la sphère terrestre et astrale de l’âme, avec toutes ses conséquences, dont la finalité ultime est l' »enfant », qui apparaît à son tour comme le commentaire, revêtu de substance humaine, né femme sous d’innombrables formes vivantes sans cesse renouvelées, de l’impulsion de vie éternelle descendue par Mars, qui émane de l’Adam Kadmon. [381] Dans la partie masculine de notre être (Éléments Feu et Air), il se produit un autre type de fécondation. Ici, la « fécondation de l’esprit » se fait par l’inspiration morale de la région du Feu dans un « mariage » dont l' »enfant » porte maintenant, comme un microcosme de seconde main, le visage de l’Homme spiritualisé tourné vers le Très-Haut: l’œuvre d’art. Au-dessus de toutes les œuvres d’art plane, comme l’inspiration du feu, ce que les Grecs appelaient l’enthousiasme – le sentiment nuptial de l’union des dieux. Toutes les œuvres d’art issues de l’union des dieux sont des gages d’amour qui, dans la main de l’Homme, deviennent des forces magiques qui l’aident à construire l’échelle céleste; et chaque barreau de cette échelle, non encore gravi, Mars est celui qui veut monter, et Vénus, qui est gravi, gratifie de manière apaisante.
Le Soleil & la Lune, et Saturne
Nous nous tournons maintenant vers la dernière paire de Planètes le binôme Soleil-Lune et Saturne. Nous nous trouvons ici devant une opposition sexuelle qui n’est plus directement vécue dans l’organisation corporelle de l’être humain. Pour essayer d’élucider le sens profond de la fonction Planétaire de la polarité Saturne-Soleil et Saturne-Lune, partons d’abord de l’aspect purement astronomique. L’orbite planétaire de Saturne indique la limite extrême de l’espace planétaire, tandis que le Soleil correspondrait héliocentriquement et la Lune géocentriquement au centre. La Terre occupe à nouveau une position intermédiaire entre le Soleil et Saturne, sauf que ces deux opposés forment maintenant le troisième couple, Saturne à la limite la plus extérieure, le Soleil à la limite la plus intérieure du système: Soleil-Mercure-Vénus-Terre avec Lune-Mars-Jupiter-Saturne.
Voyons clairement ce que cela signifie. L’orbite de Saturne représente la limite la plus extérieure du système planétaire, c’est en quelque sorte le mur périphérique à l’intérieur duquel s’accomplit le jeu de forces de la gravitation. Toutes les énergies qui, partant du Soleil, traversent le système planétaire, arrivent sur l’orbite de Saturne comme sur un mur, contre lequel elles doivent « se transformer » si elles ne veulent pas être complètement absorbées. Seulement, nous devons maintenant comprendre ce retournement dans un sens ésotérique. Une image simple, tirée de la physique, nous permettra de comprendre de quoi il s’agit. [382] Imaginons qu’une pierre soit lancée verticalement en hauteur, nous observerions que la force de projection qui lui a été donnée à l’origine semble s’épuiser peu à peu; arrivée à une certaine hauteur, la pierre perd son énergie cinétique, comme si elle se heurtait à un mur invisible contre lequel elle commence à se retourner pour revenir à son point de départ et, une fois revenue, rapporter finalement la même énergie avec laquelle elle avait quitté la main du lanceur.
La même énergie? Peut-être plus tout à fait la même. Car elle a eu entre-temps un destin étrange: elle a dû expérimenter comment son intensité a progressivement diminué, s’est progressivement éteinte, jusqu’à ce qu’intervienne le retournement contre lequel elle s’est à nouveau agrippée, maintenant retournée, transformée après avoir semblé s’éteindre, condamnée à la mort et ressuscitée sur ce mur.
Ce n’est plus la même énergie, c’est une énergie transformée qui revient maintenant à la maison. Ce que nous avons devant nous n’est rien d’autre que ce que nous avons déjà reconnu comme l’interaction entre Rajas et Tamas ou que nous avons pu voir plus clairement encore dans la relation entre le masculin et le féminin, qui prend ici la place du mur sur lequel a lieu le changement. Si nous transposons l’image ci-dessus – toujours de manière exotérique – dans la vision physique du monde, l’opposition bien connue entre force et substance ou « matière » s’y révèle.
Nous n’entrons pas en… matière sur le concept très controversé de matière… Disons simplement que pour nous, la matière représente le côté négatif de ce que nous appelons force1; elle est le grand sarcophage de toutes les forces vivantes et pourtant leur indispensable réflecteur – le porteur de leurs énergies vitales consommées dans le processus de vieillissement cosmique.
La matière est la mater rerum, la « mère », qui conserve et porte fidèlement dans son corps tous les germes de forces vivantes, afin de les restituer au cours du monde en attendant leur résurrection. C’est en cela que nous reconnaissons à nouveau le Tamas, qui fait sortir de son sein le Rajas lui-même en tant qu’enfant « rajeuni ». Natura – le principe féminin originel éternellement prêt à enfanter et prêt à donner naissance2, que les Grecs appelaient φύσις – physis – : la vessie tendue jusqu’à l’éclatement.
Si nous appliquons tout d’abord la compréhension acquise jusqu’ici au couple de polarité Soleil/Lune-Saturne, il est clair que nous avons ici devant nous cette opposition de la force (Soleil-Lune) et de la matière (Saturne), Saturne représentant le rôle de ce sarcophage des [383] forces Solaires et Lunaires, à partir duquel doit se produire la résurrection de leurs énergies émises dans le « monde ». Saturne serait alors le mur sur lequel s’effectue la transformation de toutes ces forces consumées, après qu’elles aient d’abord subi la mort dans la matière.
Nous nous trouvons ici devant l’un des plus grands mystères de la révélation universelle; disons-le avec des mots sobres: nous nous trouvons devant ce mystère de la transformation ou du retournement que les physiciens appellent la nécessité, mais que le penseur ésotérique doit considérer comme le lieu de naissance de la liberté!
C’est ainsi que Saturne nous apparaît sous deux formes, dont l’une est l’inéluctable nécessité: le tombeau de tout espoir de liberté, la résistance contre laquelle s’épuisent toutes les forces vives; mais son autre forme constitue la source de tout rajeunissement des forces déjà vieillies qui s’épuisent.
Au sein de l’être humain, l’opposition Soleil-Lune d’une part et Saturne d’autre part prend la signification de deux valeurs limites, dont l’une représente la région de la liberté directement vécue – appelons-la la composante du moi – et l’autre la région de l’absence de liberté tout aussi directement vécue – appelons-la la composante du non-moi –; Soleil-Lune représente l’aspect originel et familier de notre moi, Saturne l’aspect originel et étranger, l’aspect inquiétant:
- Dans la vie corporelle (Élément Terre), tout ce qui est inquiétant dans le sarcophage de la vie adhère au corps et se présente comme sa lourdeur terrestre, sa maladiveté, son processus de vieillissement, sa décadence et sa menace de mort.
- Dans le psychisme (Élément Eau), nous vivons l’étrangeté sous la forme de toutes les misères de l’âme qui nous font apparaître comme la victime involontaire des pulsions et des passions auxquelles nous n’avons pas su opposer notre résistance morale. Ce qui, dans le physique, sous une forme matérielle, était le mal au sens le plus large du terme, devient ici, dans l’âme, une faute.
- Dans le domaine intellectuel (Élément Air), nous vivons le sinistre sous la forme d’un sentiment d’impuissance face à la domination de la nécessité logique, qui contraint nos énergies de connaissance au joug de cercles conceptuels, dont le résultat, comme dans le physique la maladie et la mort, menace ici, face à l' »énigme du monde », la confusion et enfin la résignation, voire le désespoir.
- Et dans le domaine moral enfin (Élément Feu), l’inquiétant se présente à nous sous la forme d’une volonté « étrangère », qui se tient à côté et au-dessus de la mienne, dont la supériorité [384] menace d’anéantir la propre volonté, et dont la défaite semble inévitable malgré la révolte totale contre cette forme morale du non-moi. Nous regardons ici dans la région profondément triste où sont érigés les sarcophages de la morale en nous – dans la région où réside ce qui devient ici l’équivalent moral du mal et de la faute: le « péché ».
Cette région de Saturne serait terrible, épouvantable et désolée si elle n’avait pas aussi l’autre visage, « tourné » vers l’avenir, du libérateur du mal, de la culpabilité, du désespoir et du péché, qui aide à surmonter la quadruple détresse en enflammant les forces du « moi » qui appartiennent à la région du Soleil et de la Lune et qui sont seules capables d’accomplir le miracle de faire émerger la liberté du tournant de la détresse.
Le Soleil et la Lune sont le côté positif de la polarité dont Saturne représente le côté négatif – la « force » qui se reflète dans la matière ou qui « reflète », comme on pourrait aussi appeler ce processus de transformation. Au sein de l’entité humaine, les Luminaires représentent le moi par opposition au non-moi. Cette composante du moi se présente donc avec une double face: le Soleil correspondant à la face positive du moi orientée vers l’avenir; et la Lune, correspondant à la face négative du moi orientée vers le passé.
Si nous mettons ces deux visages du moi en face l’un de l’autre, nous reconnaissons sans peine ce que nous avons déjà exposé en détail comme appartenant au caractère intelligible et au caractère empirique dans la première conférence sur le zodiaque et l’Homme. Nous verrons donc dans le Soleil le représentant de notre expérience directe du moi, et dans la Lune le représentant de notre expérience indirecte du moi ou de notre moi empirique – ce moi (Yesod; la persona) dans lequel se reflète notre vrai moi (Tipheret, l’individualité), sur lequel il se réfléchit, comme la force se reflète dans la matière. Ainsi, dans la partie Lunaire de notre moi, nous faisons l’expérience de tout ce qui appartient à la région de l’attachement dans la matière – chargée d’héritage, de poids du passé, le fils de la terre.
Le Soleil serait donc le représentant de notre moi supérieur, immuable, tourné vers l’éternité, la Lune du moi changeant, tourné vers la temporalité, soumis à la transformation. Le Soleil, l’immortel, la Lune, l’éphémère en nous, dont les phases se succèdent en un cycle constant, s’approchant bientôt de l’éternel, mais, lunatique, s’y opposant soudain, s’évanouissant dans sa proximité immédiate [385] et recommençant le cycle après un contact immédiat et très profond, ressuscitant sans cesse d’une mort constamment répétée, renaissant sans cesse comme une Nouvelle Lune; la matière du moi sans laquelle notre force du moi resterait sans essence dans ce monde, véhicule sans lequel le moi Solaire ne pourrait pas trouver à s’exprimer dans ce monde de la matière. Attardons-nous encore un peu sur cette pensée.
Si nous considérons le Soleil et la Lune comme les organes sensoriels supraterrestres du cosmos et de l’Homme en même temps, qui nous ouvrent le regard au mystère du miroir de la divinité situé en nous, laquelle se reflète dans notre moi permanent (Tipheret, le Soleil), comme celui-ci dans son moi changeant (Yesod, la Lune), alors le Soleil et la Lune, vécus intérieurement, nous deviennent en vérité les lumières du ciel – la grande et la petite lumières; « Lumières » qui s’éveillent en l’Homme au quatrième jour de la Création – car c’est à ce moment que celui-ci commence à se reconnaître dans le reflet de son ego en même temps que dans son corps.
Ainsi, à proprement parler, la Lune devient l’expression de ce qui, dans l’introspection, se présente comme la « personnalité » antérieure au vrai moi, qui devient dans le monde intérieur l’équivalent de ce qui, dans le monde extérieur, était la matière, le « mur » contre lequel le vrai moi s’éprouve sans cesse. La Lune représente donc en ce sens le principe de Saturne au sein de la sphère du moi, ce à quoi nous avons déjà pu faire allusion.
Du point de vue le plus élevé, il faut noter que de même que la Lune, après avoir été consumée par la lumière du Soleil, renaît toujours de l’extinction en tant que Nouvelle Lune, purifiée et rajeunie, émergeant de ses cendres avec un mince croissant, le Soleil lui-même, qui, par rapport à l’apeiron situé éternellement dans l’au-delà, ne représente qu’une sorte de Lune en grand et qui, au début de chaque période du monde, réapparaît de la nuit cosmique avec un nouvel éclat en tant que Nouveau Soleil, correspondant au moi Solaire immortel qui, après la mort corporelle, revient toujours à la vie.
Or il existe aussi un tel « Nouveau Soleil » dans les événements astronomiques – lorsque la Nouvelle Lune se place devant le Soleil de telle sorte qu’elle semble l’obscurcir complètement, c’est-à-dire lorsque nous assistons à une éclipse du Soleil3, à partir de laquelle le Soleil renaît pour ainsi dire après le passage de la Lune. Eh bien, nous pouvons aussi vivre cette éclipse en nous-mêmes. Lorsque l’opposition entre la Lune et le Soleil est devenue si forte en nous qu’il semble que la personnalité héréditaire (Yesod) qui précède le vrai moi veuille l’ensevelir – l’éclipse du Soleil en nous (Tipheret) – lorsqu’il semble, que notre vrai moi doit céder à l’emprise du [386] moi apparent, lorsque la détresse et l’angoisse de l’âme du désespoir intérieur sont montées jusqu’au danger imminent de l’extinction des deux lumières du ciel et que l’expérience de la mort veut s’emparer entièrement de nous, alors le moment est venu où nous devons nous assurer du sacrifice volontaire, du sacrifice de notre moi apparent pour l’amour du vrai moi. Et lorsque le Soleil extérieur se réveille peu à peu de son éclipse et redevient visible sous la forme d’un mince croissant, ce signe lumineux du « Nouveau Soleil » qui se lève nous annonce symboliquement un événement intérieur, nous annonce le moi sauvé de la mort imminente, renouvelé à un niveau supérieur par la seconde naissance, échappé en toute liberté à la « nécessité ». C’est ce mince croissant de Soleil, appelé « Phénix » en raison de sa ressemblance avec les feuilles du palmier4, qui représente le messager ailé qui transporte le moi maintenant racheté vers Héliopolis, la ville du Soleil, après qu’il soit né de nouveau de ses propres cendres dans la mort ignée.
Ainsi, toutes les Planètes retourneront un jour au Soleil et celui-ci s’enfoncera dans le sein de l’apeiron – pour renaître dans un nouveau rajeunissement.
Il est temps pour nous aussi de mettre un terme à ce chapitre, dans lequel nous avons essayé de nous rendre compte du rôle que les Planètes, elles-mêmes imbriquées dans la sexualité cosmique du monde révélé, entre Rajas, Tamas et Sattwa, ont à jouer en tant que médiatrices entre le temps et l’éternité au sein de l’être humain. En l’Homme, le Céleste et le Terrestre se donnent ainsi la main pour une alliance matrimoniale et lui promettent, en progressant vers une naissance toujours renouvelée et plus élevée, de monter comme sur les barreaux de sa propre échelle céleste qu’il a lui-même tissée « barreau par barreau », en marchant dans la nécessité et la liberté, dans la mesure où il comprend que ces « barreaux » de l’échelle ne peuvent être rien d’autre que le Soi toujours engendré par le mariage auto-accompli du temporel en lui avec l’éternel, et donc éternellement jeune: l’enfant qui retourne au Père.
Le prochain chapitre terminera les considérations générales sur l’essence du monde Planétaire; nous serons alors mûrs pour nous tourner ensuite vers l’étude des différentes Planètes, en détaillant leur signification particulière pour le caractère de l’être humain.
1 On est moins loin qu’il n’y paraît de E=mc2…
2 Comme en témoigne très exactement l’étymologie du terme.
3 Le Canada, le Mexique et les États-Unis seront sur la trajectoire de l’éclipse totale du 08 avril 2024. Celle-ci traversera le nord du Mexique et l’est du Canada. Aux États-Unis, elle passera par le Texas, le Midwest et le nord-est du pays – sauf erreur de notre part, aucune des villes américaines dénommées Phenix ou Phoenix n’est touchée… L’éclipse totale de 2024 sera la dernière éclipse solaire à traverser l’Amérique du Nord avant le 30 mars 2033. Et encore, le seul État qui en verra la totalité en 2033 sera l’Alaska.
4 φοῖνιξ en grec ancien signifie en effet palmier-dattier.