Ce qui vient d’être dit pourra sembler à certains n’être qu’un ravissement poétique, un mysticisme oriental. C’est pourquoi j’attache de l’importance à montrer quelle forme ont pris ces courants de pensée dans l’esprit d’un penseur occidental qui était à la fois un représentant éminent de la science exacte et l’un des philosophes allemands les plus profonds: Gustav Theodor Fechner.
Il a exposé les principes essentiels de sa philosophie dans deux ouvrages, dont le plus important et le plus complet porte le titre de Zend-Avesta, et le plus petit a été publié sous le titre Die Tagesansicht gegenüber der Nachtansicht [La vue de jour par rapport à la vue de nuit]. Zend-Avesta: Living Word – Living Knowledge [Mot vivant – Connaissance vivante], est le titre de son œuvre principale, pour indiquer qu’il ne veut pas « fouiller dans les mots », il ne veut pas traiter de ces mots morts que sont les concepts, mais il désire tirer la connaissance de l’expérience la plus directe.
Fechner part du fait que notre corps est composé de millions de millions de minuscules êtres vivants – les fameuses cellules. Chacune de ces cellules a une existence relativement indépendante, une vie propre avec tous les critères que cela implique: avec le métabolisme, avec la prise de nourriture, avec l’excrétion, la croissance, la reproduction et enfin avec la mort. Et en liaison avec tous ces critères extérieurs de la vie, nous devons aussi imaginer une sorte de vie intérieure, par exemple sous la forme d’une sensation de vie sourde, sous la forme des sentiments les plus primitifs de plaisir et de déplaisir. Aucune des cellules ne peut avoir directement en elle-même une sensation distincte du contenu de vie d’une autre cellule du même corps humain; mais l’être humain, dont toutes ces cellules sont des composantes intégrantes du corps, a dans ses sensations de vie les sensations de vie de toutes les cellules du corps, non pas chacune séparément, mais additionnées comme la somme des sensations de vie de toutes les cellules. Or cette somme n’est pas la simple addition des sensations individuelles, pour ainsi dire, leur unité supérieure: leur résumé sur un niveau supérieur, qui est d’autant plus élevé que la conscience humaine se situe au-dessus de la conscience cellulaire. La conscience de toutes les cellules est contenue dans la conscience de l’être humain en tant qu’unité supérieure. Le remplacement perpétuel des cellules mourantes par leurs successeures ne signifie donc pas une rupture dans la conscience de l’être humain tout entier; la continuité de sa sensation de vie s’accommode de celle de tous ces millions de cellules. De même, à l’inverse, chaque fluctuation de la vitalité de l’organisme total de l’Homme, chaque excitation, chaque pensée telle qu’elle naît du contact avec l’environnement, chaque humeur de l’âme et de l’esprit: La joie, la douleur, la colère, l’amour, le contentement et l’agitation, la tranquillité, les sentiments de santé et de maladie, bref, tout ce que la conscience humaine expérimente à son niveau de manière humaine, trouve d’une manière ou d’une autre son chemin jusqu’à ces cellules et s’y exprime dans la conscience cellulaire: comme une élévation de cette vitalité, s’il s’agit d’états élevés, comme une diminution, s’il s’agit d’états déprimés de l’être humain.
Mais si nous supposons qu’une telle cellule possède la faculté de pensée critique de l’être humain, dans l’organisme total duquel elle n’est qu’une particule infiniment petite, elle n’aurait cependant aucune idée du corps total de l’être humain, ni de son aspect extérieur, qu’elle ne pourrait jamais voir, ni de son « intérieur »; elle n’aurait également aucune idée de l’origine des fluctuations de son état vital, elle ne pourrait croire que les causes de toutes ces fluctuations se trouvent en elle-même ou résultent du contact avec les cellules immédiatement voisines. D’autre part, l’idée qu’elle est non seulement physiquement mais aussi mentalement et spirituellement contenue comme une partie d’un organisme supérieur avec des millions d’autres cellules en même temps et de la même manière que celles-ci devrait lui paraître fantastique et inacceptable, incompatible avec sa pensée exacte; en effet, il lui faudrait accepter que ce qu’elle a toujours considéré comme sa vie individuelle indépendante ne serait qu’une vie partielle, qui ne doit son être et son destin jusque dans les moindres détails qu’à son intégration dans cet organisme supérieur, d’où découlent en vérité – inconsciemment pour elle-même – toutes les impulsions et les énergies de son apparente vie propre.
Mais si cette cellule unique pouvait franchir les limites de sa conscience cellulaire et s’élever jusqu’à la conscience supérieure de l’être humain, elle apprendrait alors à comprendre la loi à partir de cette nouvelle perspective supérieure qui détermine sa connexion avec l’ensemble de l’être humain.
Nous pouvons maintenant étendre cette pensée encore plus loin.
Source: Das Testament der Astrologie, tome 1, Oskar Adler, 1930-38