2.4. Les Signes d’Eau: généralités

[209] Nous avons aujourd’hui pour tâche d’étudier les régions de rayonnement des trois Signes d’Eau, c’est-à-dire les Signes du Cancer, du Scorpion et des Poissons, et leur signification particulière pour la formation générale du caractère des Hommes dont l’horoscope ne présente pas d’autres influences que celles qui leur parviennent précisément de ces régions du zodiaque. Il s’agira donc ici encore d’une simple fiction. Or cette fiction de l’Homme « aquatique » pur et ses caractéristiques nous placent devant une tâche incomparablement plus difficile que la construction de l’Homme « terrestre » pur, puisque la Terre apparaît comme l’incarnation dans la réalité matérielle extérieure objective, perceptible par les sens, tangible et claire devant nous, comme le monde de la loi naturelle immuable, soit l’autorité suprême de la réalité commune à tous les Hommes! Nous sommes familiarisés avec elle depuis notre jeunesse, son existence indubitable nous est garantie par un instinct inné en chacun de nous – avant que les philosophes dépressif ne s’en mêlassent, à la lecture peut-être des textes hindouistes et bouddhistes; puis les adeptes de la « physique quantique », qui ne voient pas qu’il n’y a encore et toujours là qu’une mécanique sujette à des interprétations le plus souvent loufoques. C’est pourquoi la description des types humains appartenant à la « Terre » ne pouvait guère se heurter à des difficultés majeures, même s’ils correspondaient à de simples fictions.

Il en va autrement du monde « aquatique », celui des sentiments et des humeurs, des pulsions, des désirs et des souffrances. Il n’est pas accessible à la perception objective, il ne se trouve pas devant nous de manière tangible; il ne nous est donné que subjectivement, il ne peut être saisi que par l’immersion dans les expériences de notre âme et, dans la mesure où cette saisie est importante, il n’est accessible à chacun de nous que pour sa propre personne.

On peut laisser libre cours à la thèse réaliste qui affirme que le monde terrestre objectif existe sans être l’expérience de quiconque, sans être perçu par quiconque. Mais on ne peut pas se livrer à la même pensée en ce qui concerne le monde des sentiments, on ne peut pas croire à l’existence de processus de l’âme qui ne seraient les expériences de l’âme de personne. [210] Ainsi, le monde aquatique sort du domaine de la détermination objective.

Dans notre avant-dernier exposé, nous avons déjà donné quelques explications sur l’essentiel de ce monde aquatique. Si nous nous souvenons tout d’abord qu’il fait partie, avec la qualité terrestre, de la composante féminine du rayonnement global du zodiaque, nous arrivons tout d’abord à une image simple et pourtant à nouveau assez étrange, lorsque nous pensons à la correspondance physique de la « Terre » et l' »Eau », dont le mélange donne ce qu’on appelle l' »argile ».

La Terre « froide et sèche » devient malléable et façonnable grâce à l’Eau « froide et humide », elle devient le golem de la Bible, à partir duquel le corps de l’Homme a été façonné avant que le souffle de vie (air), le רוּחַ (rûaḥ – « esprit » en hébreux), ne lui soit implanté par Dieu. Notons qu’en latin aussi le principe de vie apparaît sous la forme du souffle (spiritus !), de l’air, mais sous deux genres: animus, la volonté [courage] – forme masculine –, et anima – forme féminine –: l’âme tournée vers le corps). L’Eau est ainsi l’avant-poste le plus bas de l’irradiation divine (+) dans le monde de la matière:

  • Terre: – – –
  • Eau: + – –

Si l’opposition entre la Terre et le Feu est parfaite: – – – (Terre) vs + + + (Feu), créant ainsi entre ces deux opposés extrêmes une relation qui, du point de vue exotérique de la simple observation psychologique, se fait déjà sentir dans la conscience naïve de l’Homme en ce sens qu’il suppose partout, dans la résistance de la matière, l’expression d’une volonté naturelle implacable que sa propre volonté s’efforce de surmonter.

La Terre, c’est aussi le corps de l’Homme, la délimitation spatiale de son être, la confirmation physique de son « je » et son réflecteur, l’enveloppe extérieurement visible de son monde intérieur, qui est intégré dans la matière du monde extérieur. C’est pourquoi, de tous les mondes Élémentaires, c’est le monde Terrestre qui défie le plus la volonté de l’Homme – celle-ci étant – fréquemment – opposée à la volonté naturelle. C’est pourquoi la Terre impose aussi le plus fortement et le plus directement l’intervention active dans ce monde de la matière, qui apparaît à la conscience naïve de l’Homme comme le précipité d’une implacable et puissante volonté naturelle.

La situation est différente dans le monde aquatique, dont les formes et les manifestations ne sont pas soumises aux lois de la matière physique. Il ne s’agit pas aujourd’hui d’étudier le monde aquatique en général, comme nous l’avons déjà fait l’avant-dernière fois, mais de caractériser les types d’êtres humains pour lesquels ce monde est la seule scène où se déroulent leur existence et leurs activités. Pour ce faire, nous aurons donc à créer la fiction d’un Homme qui ne vit que psychiquement – la fiction de l’Homme liquide pur!

Peut-être qu’en nous rappelant l’état dans lequel nous nous trouvons tous lorsque nous dormons et rêvons la nuit, nous nous rapprochons le plus de l’idée que nous nous faisons d’un tel « Homme liquide pur ». Nous vivons alors effectivement une vie purement psychique.

Le corps physique est aboli. En tant que rêveurs, nous n’avons plus de corps matériel réel, il est bien dans le lit, mais ce n’est pas le corps que le rêveur s’attribue; il a un autre corps, on pourrait presque dire un corps fictif, qui est soumis à des lois tout à fait différentes de son corps physique réel. Et dans un certain sens, le « corps mental » et son « moi » sont également abolis. La vie de la pensée est considérablement réduite et cesse de fonctionner selon les lois de la logique stricte, mais tous les souvenirs acquièrent immédiatement une réalité plastique et se présentent sous la forme de toutes sortes d’images et de figures symboliques qui cherchent leur place dans l’environnement onirique en mouvement ascendant et descendant ou qui, assez souvent, ne nous parlent que par la bouche d’êtres fraîchement créés à cet effet, sous forme de mots et de phrases, comme s’il ne s’agissait pas de nos pensées et opinions, mais de celles des autres.

Et tout comme notre pensée est dépossédée, notre moi moral l’est aussi. Nous ne pouvons plus vouloir, mais seulement désirer, et même, dans de nombreux cas, la dépossession de notre « moi » va si loin que nous observons nos destins oniriques d’un point de vue invisible pour ainsi dire [212], comme s’il s’agissait de la destinée de quelqu’un d’autre. Comme l’exprime Rudolf Steiner: nous nous vivons souvent dans le rêve non pas à la première, mais à la troisième personne.

Le « moi » et le corps nous font donc défaut dans la vie onirique. La volonté fait défaut; c’est le désir qui prend la direction des événements du rêve et est en même temps le représentant de ce qui est la loi naturelle dans le monde extérieur et la loi morale dans le monde intérieur.

Pour comprendre le comportement de l’Homme aquatique et son attitude psychologique fondamentale, voire son attitude face à la vie et à ses problèmes, il est utile de prendre comme point de départ la vie onirique et sa psychologie. En s’appuyant sur les résultats des recherches du génial chercheur sur les rêves, Sigmund Freud, peut-être peut-on considérer que la force motrice de l’ensemble du mécanisme onirique est la pulsion de désir et de convoitise. Le contenu du rêve se regroupe alors autour d’un seul élément de base – la réalisation du désir. Mais nous ne devons pas oublier que le désir a lui aussi deux formes d’expression: l’une positive et l’autre négative – on souhaite que quelque chose se produise ou qu’il ne se produise pas.

Le désir et la peur sont les deux metteurs en scène de la vie de l’Homme aquatique. Christian Dietrich Grabbe écrit dans son Duc Theodor von Gothland:

L’homme croit ce qu’il espère, croit ce qu’il craint.

La peur et l’espoir dominent la vie, et ce qui est respiration libre et détresse respiratoire dans la vie physique, est sperare et desperare – espérer et désespérer – dans la vie psychique! Il en résulte une alternance périodique de satisfaction et de détresse de l’âme. L’analogue dans l’Éric Terre, dans le monde physique, sera l’alternance entre la satiété et la faim. De même que le corps physique doit absorber la nourriture matérielle de l’environnement, le corps de l’âme a besoin d’une sorte de nourriture de l’âme – et cette nourriture, il ne peut la tirer que de l’environnement psychique; et cet air qu’il respire, la nourriture qu’il absorbe, il les tire uniquement de sa relation psychique avec l’autre.

[213] Deux caractéristiques importantes découlent de ces conclusions provisoires. La première concerne le comportement de l’Homme aquatique face au monde matériel ou à la réalité physique, dans laquelle il se sent comme dans un monde étranger. Il fuit la confrontation avec lui, et son problème principal n’est pas de savoir comment il s’y prend, mais comment il évite cette confrontation tant qu’il le peut.

La deuxième caractéristique est le fait d’être dépendant de l’existence d’autrui – la dépendance psychique au « toi ». Mais là encore, ce « tu » n’existe qu’en tant qu’âme, il est, lui aussi, en quelque sorte privé de son corps physique; dès lors son aspect extérieur devient sans importance. La forme et l’apparence du corps, le rang social, l’âge, la santé ou la maladie, l’intelligence élevée ou faible jouent un rôle secondaire par rapport à l’intérêt d’une relation d’âme réciproque de « l’être ensemble », de la compréhension mutuelle par le partage de la joie et de la souffrance!

Mais il y a plus!

La forte dépendance à l’égard de la relation psychique avec l’autre et l’attention intense portée à ses propres processus psychiques créent un degré élevé de sensibilité psychique, allant jusqu’à l’envie de pleurer. Il en résulte une forme particulière d' »égoïsme », qui est toutefois d’un tout autre type que l’égoïsme du type f (Vierge). Il s’agit plutôt ici d’égocentrisme. Le souci constant de la pureté de sa propre vie spirituelle, nourri par la peur et l’espoir, engendre cette forme d’égoïsme que nous ne rencontrons que chez l’Homme aquatique. Ce n’est pas l’avantage matériel de quelque nature que ce soit qui le dicte, et il ne cherche pas non plus à obtenir des avantages particuliers aux dépens des autres. Son égoïsme est un pur égoïsme émotionnel: il veut savourer jusqu’au bout la joie et la douleur sans les dégrader; il veut se vivre et se savourer le plus intensément possible dans la joie et la douleur et dans la manière dont il les vit, oubliant ainsi la « réalité ». Cela fait de l’Homme aquatique un romantique de la vie, par opposition à l’Homme terrestre, que nous avons appelé le classique de la vie. L’Homme de la Terre veut achever quand l’Homme de l’Eau fuit tout achèvement – car ce serait le réveil de son rêve de vie! La fin de son monde de conte de fées romantique.

Faisons maintenant un pas de plus en nous inspirant de notre image du rêveur.

[214] Nous avons dit que le rêveur n’a pas de corps physique, mais seulement un corps fantôme, qui n’est pas du tout identique au corps réel. Mais cela nous amène à une autre comparaison qui, à première vue, semble grotesque: la comparaison avec un nombre énorme d’autres êtres vivants qui se trouvent à proximité immédiate de nous et qui, comme les « Hommes-âmes » (autre nom pour les Hommes de type Eau) fictifs, vivent également sans corps physique dans ce monde – nous voulons parler des « animaux ». Dans ce monde, l’animal vit pour ainsi dire désincarné, car il lui manque la relation « je » qui seule pourrait faire du corps de l’animal son corps. L’animal ne souffre pas autrement de son propre corps qu’il ne souffre du monde extérieur, qui ne lui est révélé que sous la forme de cette souffrance. La pierre qui blesse l’animal fait exactement le même mal que la partie du corps touchée. Pour l’animal, il n’existe pas de « monde extérieur » qui s’opposerait à un monde intérieur; il ne peut pas encore faire la différence entre l’intérieur et l’extérieur et n’a donc pas encore de corps au sens où l’homme éveillé l’investit. L’animal aussi est un être qui ne vit que psychiquement: il vit, dans le langage de l’Homme, une pure vie de rêve. Dans cette vie de rêve, ce que nous appelons la réalité n’existe pas en tant que telle, elle constitue une partie de sa vie psychique, dans laquelle le sujet et l’objet ne sont pas encore séparés.

Il résulte de ce qui vient d’être dit un rapport étrange, propre à l’Homme aquatique, à l' »animal ». Cette relation doit d’abord nous aider à comprendre une autre caractéristique de l’Homme aquatique.

Si l’Homme entre dans une relation intérieure avec les animaux qu’il a choisis pour lui tenir compagnie, cette relation ne peut être que psychique. S’il n’utilise pas son chien pour garder sa maison, ni son chat pour attraper les souris, mais s’il cherche à atteindre l’âme de l’animal, alors il commence à jouer avec lui. Je trouve mon chien prêt à « jouer » à toute heure du jour et de la nuit.

Mais c’est souvent la raison d’une grave incompréhension de ce que ce « jeu » signifie pour l’animal et de ce qu’il signifie pour l’Homme. Si le chien rapporte toujours le caillou que j’ai jeté dix fois et qu’il est prêt à me supplier de le reprendre la onzième fois, alors je joue, mais pour le chien, ce qu’il fait est très sérieux. Ce que le chien fait lorsqu’il m’apporte la pierre dans sa gueule est pour lui comme un acte de sacrifice qu’il m’offre pendant que je joue. Et c’est justement dans ce sens que nous pouvons maintenant [215] comprendre que l’Homme aquatique pur a une tendance indéracinable à jouer. L’Homme aquatique n’est pas seulement un Homme « rêveur », il est aussi un Homme « joueur », et le jeu prend aussi pour lui la signification d’un sérieux vital et sacré.

Certes, l’Homme du type Terre joue aussi, le jeu peut aussi l’intéresser; mais alors que pour lui, le gain et la perte ont une signification essentielle sans laquelle le jeu n’a pas de sens, l’homme de l’eau joue pour le plaisir de jouer.

Le jeu, détaché de toute finalité pratique et de toute contrainte, devient ici la caractéristique de ce qui est spécifiquement humain dans le domaine de l’Eau.

L’Homme n’est pleinement Homme que là où il joue.

dit Schiller, qui avait en lui une grande partie de la disposition de l’Homme aquatique.

Ainsi, la vie elle-même devient un vaste terrain de jeu pour les passions et les sentiments, et les vivre est plus important que les occasions qui les font naître.

Il apparaît déjà clairement que l’image de l’Homme aquatique, telle qu’elle se présente jusqu’à présent, ressemble beaucoup à l’image que l’Homme présente dans sa première enfance. L’enfant vit lui aussi dans une sorte de monde onirique et irréel, il est lui aussi rêveur et joueur. On peut dire que presque tous les Aquatiques gardent en ce sens une grande part d’enfance durant toute leur vie, qu’ils restent globalement de grands enfants durant toute leur vie. Mais l’enfance des Aquatiques se caractérise généralement par le fait que leur rêverie atteint un degré particulièrement élevé et se rapproche fortement de la vie onirique réelle.

La comparaison avec la vie psychique de l’animal nous donne l’occasion de parler de quelque chose qui a trait à l’apparence physique de l’Homme aquatique. Il convient de souligner deux points.

Tout d’abord, la parenté qui existe entre les types de vie des différentes espèces animales et la vie passionnelle de l’Homme aquatique est liée au fait que certains types d’animaux lui sont apparus comme l’expression symbolique la plus proche de ce qu’il ressentait lui-même comme le caractère fondamental de ses états d’âme, de sorte que le choix de certains animaux héraldiques en a résulté dès les temps les plus anciens, une circonstance qui s’est particulièrement exprimée dans l’attribution des noms individuels. Des noms tels que lion, loup, ours, bœuf, aigle, etc. correspondent à une ressemblance extérieure qui, si je puis dire, ne peut pas être vue avec l’œil physique de l’Homme Terre, mais avec l’œil « astral » [216] de l’Homme aquatique. Car ce qui se présentait ainsi dans l’image physionomique extérieure de l’Homme, c’était le visage de son « âme animale », comme on a toujours appelé le « corps astral » de l’Homme, tel que nous l’avons utilisé lors de l’examen du monde aquatique et de ses lois. Et c’est précisément ce visage qui se manifeste avec une force particulière dans l’apparence de l’Homme aquatique, parce que la vivacité des humeurs de l’âme, toujours changeantes, imprime ses traces dans la physionomie de l’Homme d’Eau de façon plus nette et plus parlante que ce n’est le cas pour les autres qualités Élémentaires. – C’est peut-être là aussi qu’il faut chercher l’origine de la fable animalière.

Il y a encore une autre chose à signaler, mais qui ne retient généralement pas l’attention. La caractéristique de l’apparence extérieure de l’Homme aquatique serait un développement particulier, voire une accentuation consciente de la croissance des cheveux. On peut peut-être voir dans la pilosité une sorte de formation atavique, une réminiscence du stade animal; les animaux ont en général une pilosité beaucoup plus importante que l’Homme. Or, ce fait de la pilosité est justement en relation étroite avec le degré d’intensité de la vie de l’Homme aquatique dans son âme animale. Ce n’est pas non plus un hasard si les femmes, qui mènent dans l’ensemble une vie « astrale » beaucoup plus intense que l’homme, sont particulièrement attentives au soin de leur chevelure principale, parce qu’elles sont instinctivement conscientes de l’importance biologique de la croissance des cheveux pour l’hygiène de la vie de l’âme.

Or, comme nous le savons grâce aux recherches du chercheur Gustav Jaeger de Stuttgart, les cheveux sont en relation très étroite avec la vie « astrale ». Jaeger a démontré que chaque processus d’excitation psychique s’accompagne de l’apparition dans le corps physique de substances volatiles et très fines, qui ne sont certes pas décelables chimiquement, mais qui se manifestent à l’odorat. Un odorat finement développé serait donc capable de percevoir infailliblement les passions et les humeurs changeantes des Hommes. (Gustav Jaeger, La Découverte de l’Âme).

Or, comme l’enseigne Gustav Jaeger, les cheveux sont le véritable organe d’excrétion de ces « substances de l’âme » subtiles, mais aussi des organes de protection astraux, car ils possèdent la capacité de retenir les substances de l’âme qui sont favorables à la vie psychique, comme les « substances odorantes » de la satisfaction, joie, le plaisir, en bref les substances euphoriques, ainsi nommées par Jaeger, et de séparer les substances dysphoriques [217], c’est-à-dire les substances odorantes de la colère, de la haine, de la peur et de l’angoisse, qui ont une influence défavorable sur la vie de l’âme. Les substances retenues donnent aux cheveux le parfum de la personnalité qui leur est propre. Les personnes au parfum euphorique suscitent la sympathie, celles au parfum dysphorique l’antipathie. La comparaison faite plus haut avec la nourriture de l’âme et le changement d’état de l’âme trouve dans cet éclairage de Gustav Jaeger une confirmation presque matérialiste.

Nous pouvons maintenant très bien comprendre que la pilosité ainsi que l’attrait qu’elle exerce deviennent particulièrement importants dans la vie de l’Homme aquatique, alors qu’ils jouent un rôle beaucoup moins important dans la vie de l’Homme mental (c’est-à-dire du type Air): pour l’Homme mental, la calvitie n’est pas liée à une perte de vitalité.

Avant d’aborder la description des différents Signes d’Eau, il convient d’évoquer brièvement le comportement de l’être humain aquatique en général par rapport aux trois autres domaines de la vie, la Terre, l’Air et le Feu.

En ce qui concerne le comportement face aux réalités du monde physique, il a déjà été expliqué que tous les Signes d’Eau fuient ces réalités aussi longtemps que possible et cherchent à éviter la confrontation avec elles. Ils veulent repousser le plus longtemps possible le réveil du rêve, rester aussi longtemps que possible des enfants qui « jouent ».

Mais comme cette échappatoire n’est pas possible à long terme, on trouve tôt ou tard une solution qui pourrait peut-être être mieux caractérisée par les mots que Goethe a choisis comme titre de sa confession de vie – « Poésie et Vérité« . Poésie et vérité ne désignent pas une coexistence, mais un « ensemble », selon lequel toute poésie est en même temps la vérité, qui garantit à l’Homme aquatique une réalité plus élevée que la simple vérité historique, qui était l’idéal de l’Homme terrestre. Ainsi, sans qu’il ait besoin de s’en rendre compte, tout ce que l’Homme aquatique absorbe de la réalité de la vie est ensuite réinterprété par lui de manière à ce qu’il puisse le transférer dans sa vie de rêve. La réalité devient pour lui l’habillage symbolique de sa vie – et celle-ci un roman. Le monde aquatique devient le sol sur lequel tous les événements réels se transforment en roman, et au sein du roman de la vie, le monde extérieur prend une signification symbolique similaire à celle des réalités de son environnement onirique. De même que l’enfant ferme délibérément les yeux parce qu’il pense [218]que les autres ne le verront plus, de même la politique principale de l’Homme aquatique, avant qu’il ne se soit détaché de son monde, reste la politique de l’autruche.

Nous ne pouvons pas prendre congé de la description des relations de l’Homme aquatique avec son environnement physique sans effleurer encore en quelques mots le domaine érotique, qui se trouve dans sa vie d’une nature essentiellement différente de celle de l’Homme terrestre. Ici aussi, l’opposition entre les deux types d’expérience peut être caractérisée au mieux par l’opposition entre le classique et le romantique.

La vie érotique de l’Homme Terre est bien évidemment placée sous le Signe de la sensualité. Le pur Terrien n’est pas un amant langoureux. S’il ne parvient pas à ses fins, il se console au bout de peu de temps, comme les jeunes gens de la Rome antique, avec un autre partenaire qui lui fait oublier le précédent.

La situation est différente pour l’Homme aquatique, car il n’existe pas dans son monde d’union du même degré de réalité que dans le monde physique, puisque les âmes ne peuvent pas être unies de la même manière que les corps.

C’est pourquoi l’érotisme de l’Homme aquatique se nourrit du sentiment d’une éternelle nostalgie de l’inaccessible. Mais, de même que toute réalité physique est pour lui le symbole d’une vérité située au-delà de cette réalité, qui devient en même temps un joint, de même chaque être humain n’est pas pris dans sa forme physique, donc pas dans son apparence sensuelle, mais également comme symbole d’un fantôme suprasensible pour lequel il est entré dans le jeu amoureux. C’est ainsi que l’Homme aquatique devient, de par sa nature, un « prétendant sensuel et suprasensible » autour de la forme fantôme, jamais réalisable, d’une création de l’âme, seule aimée dans une affection mystique au nom du désir et de la souffrance, chaque femme et chaque homme n’étant qu’un substitut de l’inaccessible!

Sur le plan spirituel, l’Homme Eau montre une tendance à faire du désir le véritable censeur de ses pensées. La logique qui naît de cette manière est très différente de celle de l’Homme Terre. Alors que ce dernier est toujours prêt à se soumettre à la censure de la réalité, à en faire la pierre de touche de la valeur de vérité de ses pensées, et peut ainsi être qualifié essentiellement de logique inductive, la logique de l’Homme aquatique ne reconnaît pas la réalité comme instance d’appel ultime pour la valeur de vérité des pensées. Elle ne voit au contraire dans le réel [219] ou dans ce qui est devenu réel qu’un cas particulier du « possible ». Car en effet, avant que quelque chose ne devienne réel, il faut qu’il ait été possible auparavant! Du sein des possibilités, une autre réalité aurait aussi pu surgir, de sorte que ce qui contraint la pensée dans chaque réalité, c’est seulement que sa possibilité était nécessairement donnée. C’est pourquoi la possibilité est plus importante que la réalité. Le besoin logique est satisfait si la possibilité est reconnue dans sa racine; la réalité qui en découle est indifférente.

Dans une telle logique se révèle déjà un élément positif et créateur (– + –), qui n’a bien sûr qu’un caractère post-créateur. Il s’agit essentiellement de l’art non pas de calculer, mais de deviner un état de fait à partir des conditions d’une loi pressentie, dont la loi reconnue par induction ne représente qu’un cas particulier. En attribuant à ce pressentiment une grande force de connaissance, il devient le terrain sur lequel s’élèvent les constructions intellectuelles qui, de manière imagée ou symbolique, veulent représenter dans le sensible un suprasensible, dans le particulier un général, et dans le réel en même temps le domaine plus vaste du possible. On voit déjà ici la part prépondérante accordée à l’imagination dans la vie de l’esprit, une situation qui, dans des cas extrêmes, peut conduire à une désorientation totale dans le monde physique.

Parmi les sciences, on privilégie celles qui laissent une certaine marge de manœuvre à la « devinette »; ce sont principalement les sciences qui ont à voir avec la vie psychique elle-même, comme la psychologie appliquée ou la psychanalyse et autres, ou les sciences qui se rapportent à l’art, non pas dans le sens de l’esthétique, mais dans le sens d’une interprétation de l’art.

On comprend donc aisément le rapport de l’Homme aquatique à l’art. Ce n’est pas le corps de l’œuvre d’art, mais l’âme sous-jacente de celle-ci qui l’intéresse avant tout en tant que substrat quasi mystique de toutes les possibilités dont l’une s’est matérialisée dans le corps de l’œuvre d’art.

Les plus belles chansons sont celles qui ne sont pas chantées.

Ces mots, que lbsen met dans la bouche de Skalden Jatgejr dans les Prétendants à la Couronne, pourraient être la devise de l’Homme aquatique. Il en résulte déjà que celui-ci reste romantique même dans l’art et que, dans sa volonté de laisser le dernier non-dit, parmi les arts, c’est la musique qui l’attire le plus et les [220] beaux-arts le moins, ceux-ci restant davantage le domaine de l’Homme Terre.

Dans le domaine de la morale, nous rencontrons la tendance à prendre comme base de l’évaluation morale non pas l’acte, mais son arrière-plan psychique, le combat de l’âme qui l’a précédé. Il est plus important de ressentir cette lutte, de la partager, afin de la comprendre psychologiquement, que de siéger au tribunal. Si l’on peut comprendre, on peut aussi pardonner. L’Homme Terre a affaire au mal qui a été mis au monde par l’action, l’Homme de Eau a affaire à la culpabilité. Le mal appartient au monde extérieur, la culpabilité au monde intérieur. Et cette culpabilité naît déjà lorsque le mal est simplement souhaité, même si le souhait ne s’est jamais transformé en acte. C’est pourquoi, parce que nous sommes tous, comme nous le montrent nos rêves, pleins de mauvais désirs, personne ne doit chercher à jeter la pierre sur autrui. Il en résulte une attitude morale qui peut apparaître à l’Homme Terre comme de la tiédeur, voire de l’indifférence morale, mais qui, en général, doit être considérée comme une forte tendance à la clémence, ce qui la distingue fortement de l’attitude morale de l’Homme Terre ou de l’Homme Feu.

Et maintenant, encore quelques mots sur les trois modes de qualité de l’Eau. Il est clair que l’équation Travail = Force x Charge, qui s’appliquait aux conditions du monde physique, ne peut pas être utilisée directement ici, car il ne s’agit pas d’action mais de souffrance, l’élément « passif » remplace donc l’élément « actif », ce qui fait que les significations des modalités Rajas et Tamas semblent être inversées. Ainsi,

  • le Signe cardinal du d (Cancer), c’est-à-dire la composante d’émission ou de force, devient une sensibilité accrue à la souffrance – appelons-la « force de souffrance » –;
  • le Signe fixe du h (Scorpion), c’est-à-dire la composante de rassemblement ou de charge, devient une passion – appelons-la « puissance de souffrance » –;
  • et le Signe d’équilibre des l (Poissons), c’est-à-dire le travail de souffrance, devient la « crainte de la souffrance », c’est-à-dire la purification et la transformation de l’âme,

de sorte que l’équation ci-dessus prend maintenant la forme:

Solution au malheur = force de souffrance x puissance de souffrance.

Passons maintenant à l’examen de ces différents Signes.

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