1.6.2. La signification du moment de la naissance

Nous avons déjà expliqué précédemment que dans la vie cosmique de la Terre, il y a un être humain générique – comme dans la vie de l’être humain lui-même, il y a une pensée qui germe à un moment donné comme un élément transitoire dans le contexte de sa vie psychique et spirituelle.

Or, lorsqu’un être humain naît, ce moment dans la vie de la pensée de la Terre correspond au processus de la vie spirituelle de l’être humain générique par lequel celui parvient à exprimer la pensée qu’il n’avait jusque-là portée que potentiellement, mettant ainsi en œuvre, en la faisant devenir réalité manifeste – certains diront « concrète » –, l’intention qui a vécu, travaillé et maturé en lui pendant un temps certain.

Tant que la pensée n’était pas encore exprimée, sa forme non actualisée se trouvait dans l’être générique, comme une intention, une partie de l’inépuisable pépinière d’avenir de la vie. Mais si la parole s’est échappée de « l’enclos des dents », si l’intention est passée à l’acte, [102] si ce qui était jusqu’alors potentiel est maintenant mis au jour, à « l’extérieur », alors acquiert-elle comme une existence indépendante, capable de s’opposer à l’être générique, à impliquer l’humanité dans des complications qui ne pouvaient pas naître jusqu’alors, prenant l’ascendant sur cet être généraique. C’est ce qu’écrit Schiller dans sa Fiancée de Messine:

Un autre visage, avant qu’ils ne soient faits, un autre montre l’action accomplie.

De la même manière, la pensée, maintenant exprimée, présente à son tour un visage différent que sa pure intention.

Jusqu’au moment de leur naissance, la pensée et l’action avaient notre visage, elles avaient comme contenu de notre « maintenant » notre présent et notre passé, comme les objets de notre monde onirique. Mais après leur naissance, elles acquièrent la capacité de se lier aux autres choses étrangères du dehors – de créer leurs propres liens, de détacher leur avenir du nôtre!

Ainsi, le moment où un être humain naît, lorsque la Terre libère en quelque sorte une pensée de l’emprise de son intériorité, ce moment n’est pas seulement l’instant, pour lui, de sa mise en liberté, de sa possibilité de vivre de manière indépendante, mais c’est aussi pour la Terre elle-même un moment d’une importance énorme – c’est ce que nous allons voir aujourd’hui.

Tournons-nous, tout d’abord, vers la question de savoir ce que signifie pour la Terre elle-même le fait de cette mise en liberté d’une pensée.

De même qu’une parole prononcée trouve désormais le chemin vers la pensée des autres êtres humains, qu’elle peut se lier à ceux-ci et qu’elle a pris sa place dans le monde commun des pensées, alors que, non encore exprimée, elle n’était liée au monde commun des pensées que de manière potentielle, de même, l’être humain qui vient de naître entre maintenant en relation autonome avec les Planètes sœurs de la Terre et, à travers elles, avec l’ensemble du ciel étoilé, auquel il n’avait jusqu’alors d’autre accès que par l’intermédiaire de la mère qui le portait en elle, de la mère qui l’entourait et le protégeait. L’Homme qui vient de naître est ainsi libéré de l’emprise directe de la Terre, dont le dernier avant-poste était en quelque sorte le ventre de sa mère. Désormais, il se trouve d’un seul coup livré aux radiations des astres, qui peuvent maintenant l’influencer directement. Il entre maintenant en relation plus intime avec elles qu’auparavant, lorsqu’il était encore enfermé – et le début de cette interaction s’exprime par le premier souffle: [103] le premier « cri » de l’enfant nous informe que cette relation de réciprocité est désormais établie; l’immersion dans le rythme de vie cosmique a commencé. C’est pourquoi le premier cri est considéré comme le moment exact de la naissance.

Il ne faut toutefois pas croire que cette immersion dans le rythme universel de la vie puisse se produire à n’importe quel moment – il ne faut pas puérilement s’imaginer que le moment où un être humain naît intervienne de façon tout à fait fortuite dans le cours des temps – pas plus que nous ne pouvons croire que le moment où l’intention est devenue action, où la pensée est exprimée, dépende du hasard.

Si la pensée qui est alors exprimée ne doit pas s’évanouir aussitôt, si elle doit s’intégrer de façon viable dans le monde général des pensées des Hommes, si l’acte doit rester efficace, si les deux ne doivent pas être mort-nés, alors ils doivent naître au bon moment – au moment opportun où ils comblent une lacune de la nécessité!

Appliqué à la naissance de l’être humain, cela signifie que celle-ci ne peut naître viable qu’à un tel moment, car sa constitution, qui lui a été transmise par hérédité, le rend apte à faire résonner en lui ce qui rayonne à travers les étoiles dans l’immense symphonie mondiale, comme la note qui lui est envoyée au bon moment, c’est-à-dire au moment où les impulsions d’avenir, qui sont prêtes pour lui, rencontrent la phase correctement accordée à son passé!

Les anciens Égyptiens possédaient une loi astrologique qui, dans un certain sens, permet de comprendre comment ils voyaient le moment cosmique de la naissance d’un enfant en relation avec les conditions terrestres de la conception. Cette loi, connue sous le nom de « règle d’Hermès », est la suivante: le point du Zodiaque où se trouve la Lune au moment de la conception se trouvera exactement à l’horizon est ou ouest au moment de la naissance de l’enfant, et le point du Zodiaque où se trouve la Lune au moment de la naissance est également le même point du Zodiaque qui se trouvait exactement à l’horizon au moment de la conception, c’est-à-dire qu’il se levait ou se couchait!

La Lune est ainsi devenue une sorte de régulateur des naissances; car chez les Grecs, la déesse lunaire Artémis était aussi la déesse de la naissance! Mais nous comprenons déjà que dans cette loi, qui nous occupera encore au cours de notre apprentissage, s’annoncent des connaissances profondes.

[104] Le principe lunaire, le demi-cercle, était pour nous, comme nous l’avons indiqué la dernière fois, le principe féminin par excellence – le principe de la fonction de la mémoire passive, conservatrice, tournée vers le passé; le principe reproductif tourné vers la phase nocturne.

L’horizon ou la ligne de démarcation entre le jour et la nuit se trouve en quelque sorte à la transition entre le passé et l’avenir. C’est le principe de la mémoire héréditaire qui se trouve en quelque sorte sous l’horizon, dans le domaine de la nuit! Par la naissance, il est soulevé hors de ce domaine, il entre dans le royaume au-delà de la frontière qui sépare le passé de l’avenir, il est livré au jour! C’est pourquoi la science exotérique ne le considère pas comme un moment fortuit. Du côté des sciences naturelles, on nous pose la question de savoir pourquoi l’astrologie considère le moment de la naissance comme si important, au point de le prendre comme point de départ pour la saisie astrologique de l’individu humain, en tenant compte du fait que le moment de la naissance n’est en fait que la fin de la phase de vie intra-utérine de l’être humain, et donc en aucun cas le moment où l’individu humain se forme.

Nous avons déjà répondu à cette question dans un certain sens, mais pas suffisamment. Car l’autre question qui doit maintenant logiquement se poser va nous montrer la difficulté de ce problème dans toute sa profondeur.

La question est la suivante: si l’Homme ne naît pas seulement au moment de sa naissance corporelle, pourquoi ne pas choisir comme point de départ de l’horoscope le moment de la fécondation?

Mais cette question aussi est immédiatement soumise au même contre-argument. L’être humain naît-il vraiment au moment de la fécondation? L’ovule et le spermatozoïde qui s’unissent lors de la fécondation existaient déjà avant celle-ci, et leur histoire, l’histoire du plasma germinal de cet Homme, remonte à un passé lointain – jusqu’au « sein d’Adam »; cette histoire remonte si loin qu’on ne peut en imaginer la fin, de sorte que si nous voulions remonter jusqu’au moment de la « naissance » de l’Homme, nous devrions arriver à la conclusion que tous les Hommes ont en fait le même âge! En fait, aucun d’entre nous n’arrive dans cette vie sans un passé immensément long, qui remonte à des temps lointains et qui constitue la préhistoire de chaucun, jusqu’à ce que nous arrivions à notre dernière étape en date de notre histoire personnelle, qui commence au moment de la naissance corporelle.

[105] Approfondissons maintenant un peu cette idée qui nous est suggérée par la pensée des sciences naturelles. Du point de vue scientifique, l’histoire de l’Homme peut être retracée jusqu’à un certain point, en suivant les ramifications de son arbre généalogique; son histoire devient alors l’histoire de sa famille, de sa lignée, et débouche finalement, d’une manière ou d’une autre, dans les ténèbres du passé historique, qui ne peuvent plus être éclairées.

De ce passé, chacun de nous en porte maintenant quelque chose, que nous pouvons considérer comme l’héritage de cette lignée, qui apporte des dispositions héréditaires, bonnes ou mauvaises, tant sur le plan physique que sur le plan intellectuel et spirituel. Cet héritage est comme un patrimoine héréditaire que le nouveau-né tient sans doute de ses parents; mais ceux-ci ne sont que les derniers transmetteurs, et sans doute ont-ils eux-même déjà modifié le patrimoine qui leur avait été légué. Quoi qu’il en soit, on voit que ce patrimoine qui imprègne le corps et les dispositions du nouveau-né provient d’un passé historique très ancien.

Mais ce passé de l’Homme trouve à nouveau sa correspondance dans la configuration astale au moment de sa naissance!

Car celle-ci aussi a son histoire; la figure qu’elle forme a pour condition que tous les astres qui s’unissent pour former l’horoscope soient parvenus, au cours de pérégrinations de plusieurs heures, de plusieurs millénaires, de plusieurs millions d’années, à travers l’espace, là où ils se trouvent maintenant, en ce moment précis où « le jour t’a donné au monde ».

Ces astres ont parcouru l’espace intersidéral pendant des millions d’années, ont attendu patiemment le moment où tu es apparu, pour former ton horoscope en présentant maintenant dans une configuration qui n’a jamais existé auparavant et qui ne reviendra jamais plus! Des millions d’Hommes ont vécu avant toi, ils forment la chaîne de tes ancêtres, ils ont vécu et aimé, ils ont rendu possible par leur vie que tu apparaisses, que tu doives apparaître sur cette Terre.

Un sentiment étrange saisit sans doute celui qui pense pour la première fois à cette idée, qui commence pour la première fois à se reconnaître dans son horoscope. Un sentiment étrangement contradictoire – qui le place d’une part devant l’idée de l’importance de son existence, et qui lui montre d’autre part toute la vanité de celle-ci, comme une phase qui, comparée au cours de l’univers, passera sur celui-ci comme s’il n’avait jamais été, ou dans le meilleur des cas comme un membre d’une lignée d’héritiers ultérieurs qui se trouveront dans la même situation sans but que lui.

Source: Das Testament der Astrologie, tome 1, Oskar Adler, 1930-38

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