Épiphanie – 06 janvier 2022
Cette fête de l’Épiphanie – du grec ancien ἐπιφάνεια, epiphaneia, « manifestation, apparition soudaine » – est l’une des plus pittoresques de l’année chrétienne. C’est dans la description de l’événement qu’elle commémore que surviennent pour la première fois les mots que nous connaissons tous: « Nous avons vu son étoile en Orient et nous sommes venus l’adorer. » L’histoire n’est que brièvement racontée dans l’Évangile; nous y entendons simplement que des Sages sont venus d’Orient à Jérusalem pour demander où devait naître l’enfant qui devait être le Roi des Juifs. Comme les prophètes juifs avaient choisi pour la naissance du Messie la ville de Bethléem, les Rois Mages reçurent l’ordre de s’y rendre; et il est dit qu’en chemin, l’Étoile, qui les avait déjà conduits jusque-là depuis leurs lointaines maisons, leur apparut à nouveau et leur indiqua la grotte-écurie dans laquelle l’enfant Jésus était couché. Ces Mages y entrèrent donc et adorèrent l’Enfant. Ils Lui offrirent de l’or, de l’encens et de la myrrhe. Mais entre-temps, Hérode, qui occupait alors le poste de Roi des Juifs, fut quelque peu troublé d’apprendre qu’un autre prétendant à ce poste était en lice. Aussi, lorsque les Sages ne revinrent pas pour décrire leurs aventures, il envoya des soldats à Bethléem, et tenta d’assurer l’élimination de son rival potentiel en tuant tous les enfants de moins de deux ans. Entre-temps, les Rois Mages avaient été avertis en rêve d’éviter de rencontrer les troupes du funeste personnage – de la même manière, Joseph et Marie avaient été avertis qu’il fallait à tout prix retirer l’enfant de leur portée.
Cette histoire, si simplement racontée dans l’Évangile, devient beaucoup plus belle, bien que peut-être moins crédible, dans l’ancienne tradition ecclésiastique. Le mot « Mages » ou Hommes Sages signifie ce que nous appellerions aujourd’hui « étudiants du côté intérieur des choses », et cela inclus évidemment l’astrologie; ce qui explique l’intérêt des Rois Mages pour une étoile présentant un comportement inhabituelle sur la voûte céleste. Selon la tradition, les Sages n’étaient pas seulement des étudiants, mais des rois, chacun régnant dans son propre pays. La légende n’est pas précise quant à la localisation de ces pays, mais les noms des trois rois sont Melchior, Balthasar et Gaspar. La tradition universellement conservée veut aussi que le troisième soit un homme noir – un Africain. Il semble que Melchior et Balthasar aient été des souverains d’États arabes. Quoi qu’il en soit, tous les trois, depuis leur royaume, ont remarqué cette étrange nouvelle étoile et ont décidé de la suivre pour voir ce qu’elle pouvait signifier.
Selon cette légende, ce n’est qu’à l’approche de Jérusalem qu’ils se rencontrèrent, chacun avec sa propre suite. Et il est suggéré que l’arrivée de ces étrangers en tenue de guerre posa beaucoup de questions et d’excitation. Hérode envoya un ambassadeur pour s’enquérir de leurs intentions. L’histoire nous dit que les trois rois se rendirent ensuite ensemble à Bethléem avec seulement quelques-uns de leurs accompagnateurs, laissant le gros de leur troupe camper près de Jérusalem. Chaque roi avait avec lui de précieux cadeaux pour le nouveau-né. Mais lorsqu’ils arrivèrent à la grotte et virent le petit enfant, on dit qu’ils furent si formidablement impressionnés par le magnétisme qu’ils ressentaient, qu’ils en furent complètement subjugués; et, au lieu d’offrir la grande quantité de cadeaux qu’ils apportaient, chacun prit à son accompagnateur ce qui était le plus proche de lui, et le déposa aux pieds de l’enfant, avant de se retirer précipitamment. C’est ainsi que Melchior offrit une coupe en or, qui aurait été conservée par la Vierge Marie et utilisée par le Christ lui-même lors de la fête de la Fontaine de la Sainte Eucharistie, tandis que Balthasar offrit une boîte en or contenant de l’encens rare et Gaspar un flacon curieusement ciselé contenant de la myrrhe.
L’Église a toujours interprété ces dons de manière mystique, en disant que l’or montrait que l’Enfant était un roi, que l’offrande d’encens dénotait sa nature divine et que la myrrhe, une des épices spécialement utilisées pour les sépultures, constituait une espèce de prophétie, un symbole de la mort qu’Il devrait connaître. La légende met en évidence une étrange interprétation du récit évangélique selon laquelle les trois rois sont retournés dans leur pays par un autre moyen. Il est dit en effet que l’étoile leur est apparue au moment exact de la naissance de Jésus, et qu’ils sontarrivés à Bethléem douze jours plus tard. Or, ils constatèrent que leur retour chez eux a duré plusieurs jours de plus qu’à l’aller. Cela s’explique par le fait que leur chemin a été, d’une certaine manière, miraculeusement aplani pour eux. La vieille histoire raconte également comment chacun a été profondément et durablement affecté par ce qu’il avait vu; au point que chacun démissionnât de son royaume pour se consacrer entièrement à la vie religieuse. La légende raconte encore qu’ils voyagèrent ensemble à travers de nombreux pays du monde connu à l’époque, et on suppose même qu’ils sont morts à Cologne, où leur tombe est toujours exposée.
Il est impossible de dire aujourd’hui quel est le fondement de cette étrange épopée; mais au moins, elle a quelque chose de la beauté antique, et il n’est pas sans intérêt pour nous de savoir comment ce jour était considéré au Moyen Âge. Nous ne pouvons pas garantir la véracité factuelle de cette histoire, mais en tant que symbole, elle n’a rien d’exceptionnel; car ceux qui sont les vrais Sages, ceux qui sont les vrais rois parmi les âmes des Hommes, reconnaissent toujours un grand Maître quand il vient ici-bas; ils Le connaissent et ils viennent l’adorer, et ils offrent tout ce qu’ils ont, pour l’aider dans l’œuvre qu’Il vient accomplir.
Qu’ils aient été rois ou non, il est au moins certain que les Mages n’étaient pas juifs; et donc ce jour a toujours été considéré par l’Église comme la manifestation du Christ aux Gentils – le premier symbole apparaissant dans la vie de l’Enfant Jésus pour montrer que sa mission n’était pas seulement envers son propre peuple, mais envers le monde entier. L’Enseignant universel a justifié son titre et sa position dès le début de sa vie en Judée – et nous pouvons comprendre que cela était peut-être nécessaire: n’y a-t-il en effet jamais eu de race plus exclusive que les Juifs? Et puisqu’ils espéraient beaucoup de Celui qui est né était de la semence de David, ils auraient prétendu garder le Messie entièrement pour eux, s’il n’y avait pas eu une indication claire et imposante qu’Il était venu non seulement pour eux, mais pour le monde. Il n’hésitera jamais à le dire, plus tard dans sa vie, mais il est significatif et beau que cela fut indiqué dès le début!
Malheureusement, le christianisme a beaucoup hérité des Juifs. Certes, c’est une race merveilleuse, et je devrais être le dernier à chercher à la déprécier, ainsi que son influence générale dans le monde. Cette race, comme toutes les autres races du monde, est passée d’un début primitif à son état actuel de civilisation. Toutes les nations l’ont fait; nous, la race anglaise, avons l’habitude de nous penser au moins aussi bons que les autres, mais nous aussi, nous avons commencé à un niveau assez bas. Nos ancêtres n’étaient pas une race très évoluée; ils avaient certes leurs propres avantages et particularités, mais ils n’étaient certainement pas avancés. D’autres races se sont mêlées à eux pour créer cet étrange mélange que nous appelons aujourd’hui « anglais ». De cette race celte proviennent les Saxons, les Angles, les Jutes du continent, mais aucun d’entre eux n’était très civilisé. Les témoignages qu’il nous reste nous disent qu’ils faisaient rôtir des bœufs entiers et les mettaient en pièces avec leurs mains, et qu’ils buvaient allègrement entre eux. Ils n’étaient pas d’une race dont on peut être fier. Ils avaient certaines vertus baroques; ils étaient courageux sans aucun doute; et on dit qu’ils traitaient bien les femmes quand elles n’étaient pas esclaves. La race normande, pas plus civilisée, a fini par se joindre à ce mélange anglo-saxon-celte. Et si nous lisons les romans de l’époque médiévale, nous constaterons que la culture de notre pays laissait beaucoup à désirer.
La grande race romaine qui était, à juste titre, si fière d’elle-même est née d’une petite tribu latine; nous ne devons donc pas hésiter à admettre qu’il en était de même pour les Juifs. Les Juifs, à leur début, constituaient une tribu clairement barbare. Il suffit, pour s’en rendre compte, de lire leurs écritures retraçant leur histoire. On les trouvera en train de commettre des crimes terribles, des massacres de masse, de nombreux sacrifices de sang – toutes sortes de choses horribles ont été faites par eux, et, selon leur propre récit, approuvées par leur divinité, ce qui montre qu’ils avaient affaire à un dieu tribal, et pas du tout à une grande divinité.
Certaines caractéristiques des Juifs étaient intensément marquées, et cette idée d’être un peuple élu de Dieu était l’une des plus fortes. C’est l’une des choses que les chrétiens ont héritées d’eux, et cela a été décidément malheureux. Si nous avions pu accepter le Christ comme le Fondateur de Sa propre religion, et ne pas retourner dans le judaïsme, mais prendre Ses seuls enseignements, nous aurions pu faire beaucoup mieux à travers les âges. Nous aurions alors dû mettre de côté toutes ces idées d’un Dieu jaloux, d’un Dieu cruel, d’un Dieu qui persécute les gens jusqu’à la troisième ou quatrième génération s’il leur arrive de faire quelque chose qui ne Lui plaît pas. Le Christ a parlé très différemment; il nous a enseigné un Père aimant, et a prié pour que nous soyons tous un en Lui comme Il fait un avec le Père. Jamais il n’a donné l’exemple d’un comportement emprunt de jalousie, de cruauté ou d’horreur.
Les Juifs étaient intensément égocentriques et pensaient qu’il n’y avait pas de salut en dehors de leur propre corps. Les évangélistes mettent parfois dans la bouche du Christ des mots qui semblent aussi étroits que leurs propres idées, car souvenez-vous qu’ils étaient eux aussi majoritairement juifs. Nous n’en savons pas beaucoup sur Luc, mais nous savons que Matthieu, Marc et Jean1 étaient juifs en tout cas. Le discours sur le fait de prendre le pain des enfants et de le jeter aux chiens n’est guère ce qu’un Sauveur du Monde aurait dit. Mais nous pouvons cependant déceler dans ces mêmes Évangiles la véritable attitude du Christ. Souvenez-vous par exemple qu’Il a dit: « J’ai d’autres brebis, qui ne sont pas de cette bergerie » – c’est-à-dire qui ne sont pas Juifs – « et elles aussi, je les amènerai, et il y aura une bergerie et un troupeau. »
Le christianisme dans son ensemble n’a pas pris l’enseignement du Christ tel qu’il l’a donné; le christianisme, tel qu’il existe aujourd’hui, est bien plus l’œuvre de Saint Paul que l’œuvre de Jésus. Cela peut sembler assez étrange aux oreilles de beaucoup, mais pas à ceux qui ont vraiment étudié la question. Toute la théologie compliquée, toutes les questions difficiles débattues dans les conciles de l’Église remontent à Saint Paul. Ce n’est pas le Christ qui est à l’origine du mystère et du trouble, car le Christ a enseigné une doctrine parfaitement claire, et ce qu’il a été prêché véritablement ne correspond pas, pour une grande partie, à ce que l’on trouve aujourd’hui dans la théologie.
Il ne nous appartient pas de dire que Saint Paul s’est trompé dans le chemin qu’il a tracé. Mais là où il semble différer de ce que le Christ a dit, qu’il nous soit permis de suivre l’enseignement du Christ plutôt que celui de Saint Paul. Ce dernier, cependant, n’est pas né en Terre Sainte, mais à Tarse, et il était citoyen romain de droit familial, de sorte qu’il n’était pas aussi imprégné de la tradition juive que saint Pierre. Nous les trouvons parfois en train de débattre de façon acrimonieuse (pour ne pas dire plus…) sur divers points, notamment pour savoir si les lois juives doivent être appliquées à tous les convertis chrétiens. Les plus conservateurs des apôtres furent progressivement chassés de leur position dominante, et ils durent laisser entrer des étrangers et reconnaître que l’enseignement du Christ était destiné à tous; mais ils n’y parvinrent que lentement.
Dans le christianisme, nous avons encore une forte touche de cette vieille idée juive. Nous n’en faisons plus une question de nationalité. Nous n’osons pas dire que seuls les Anglais peuvent être sauvés, ni les Français, ni les Italiens; mais beaucoup sont encore enclins à supposer que seuls les Chrétiens peuvent être sauvés, et ils fondent cette idée stupide sur un ou deux textes qu’ils ont mal lus. Il est dit plus d’une fois que seul le Nom du Christ peut sauver les Hommes; que les Hommes doivent passer par Lui. Mais ces gens ne comprennent pas que la grande idée du Christ est une chose complexe, et qu’elle ne signifie pas toujours le Maître Christ Jésus (le Christ utilisant le corps de Jésus), mais parfois le Christ encore plus grand, le Fils de Dieu, la deuxième personne de la Trinité bénie.
Il est absolument vrai qu’un Homme ne peut devenir un avec le Tout-Puissant qu’en faisait d’abord un avec le Christ dans son cœur, car avoir le Christ en soi, c’est l’espoir de la gloire, et il n’y a pas d’autre espoir de gloire pour quiconque que de réveiller ou d’éveiller le principe du Christ en lui-même pour s’élever jusqu’au grand Père de tous. Il est certain que seul le Christ permet à l’Homme d’échapper à la roue de la naissance et de la mort et d’atteindre le niveau où il ne fait qu’un avec Dieu lui-même. C’est tout à fait vrai, mais cela ne signifie pas, comme on le suppose souvent, que son culte ne doit s’adresser à Dieu que par le biais de son nom exotérique « Jésus-Christ ».
Les Hommes ne comprennent pas toujours qu’en ces temps-là, le nom était le pouvoir; faire appel à juste titre au nom d’une déité quelconque, c’était invoquer le pouvoir de cette déité, et c’était donc par le pouvoir du Christ en lui qu’un Homme pouvait atteindre le plus haut niveau, et uniquement par cela. Cela ne signifie pas qu’il doit suivre ce chemin terrestre particulier, et se qualifier de chrétien. Nous utilisons le mot « Christ » – or un Français ou un Italien prononcent ce nom différemment. Pensez-vous qu’on serait d’autant plus éloigné du salut qu’on prononcerait ce nom d’une autre manière? Pensez-vous que parce qu’on appelle Dieu par un autre titre (« Source originaire », « Un », « Absolu », etc.), Dieu refuserait de répondre? Refuseriez-vous de répondre à l’appel de votre petit enfant parce qu’il ne pourrait pas prononcer votre nom? Alors pourquoi devrions-nous penser que Dieu est bien pire que nous? Toute vraie dévotion vient à Dieu, quel que soit le nom que les gens Lui donnent. Certains L’appellent le bon Dieu, d’autres disent Shiva, d’autres Brahma ou Allah, d’autres encore L’appellent Ahuramazda. Qu’importe? Les prières qui Lui sont adressées parviennent à Dieu; le nom qui est employé n’est qu’un mot arbitraire culturellement déterminé. Il est très dommage que nous ayons hérité de cette idée que nous, les Chrétiens (pas une nation, cette fois-ci, mais une religion), sommes ceux qui ont été choisis pour être saints, que tous les autres sont des marginaux laissés au mieux à la merci non consentie de Dieu. C’est une forme d’expression qui signifie que la personne qui l’utilise doute fort de trouver en Lui la moindre miséricorde.
Il n’est pas nécessaire de prendre cette attitude peu charitable. Même Saint Paul, qui est réputé avoir un caractère très rigide, n’était pas aussi sectaire que beaucoup de chrétiens modernes. C’est ce que montre la formule spéciale (je ne parle pas ici de l’histoire de l’Église, mais plutôt du résultat d’une enquête clairvoyante) avec laquelle il a fait précéder ses épîtres. Il ne nous reste plus qu’une seule d’entre elles, l’Épître aux Hébreux, et tous les commentateurs et étudiants en sciences bibliques sont tout à fait sûrs que c’est la seule épître que saint Paul n’a pas écrite! Il l’a commencée par une phrase assez remarquable: « Dieu, qui à diverses époques et de diverses manières parla autrefois à nos pères par les prophètes, nous a parlé dans ces derniers jours par son Fils. » Il y a là deux ou trois points à noter. Nous devons mettre de côté l’illusion, si elle persiste encore chez l’un d’entre nous, que le Christ a parlé en anglais; il ne l’a pas fait. Il parlait ce que l’on appelle le koinè, un dialecte grec parlé par le peuple. Donc pas l’araméen, bien qu’Il doive également l’avoir su, mais bien ce dialecte, quelque peu décomposé par rapport au grec classique. Ce n’est que récemment qu’a été trouvé un grand nombre de nouveaux manuscrits dans ce dialecte. Jusqu’alors, on pensait que le Nouveau Testament était le seul livre qui était écrit dans cette langue, mais on sait maintenant que c’était la langue commune d’un grand nombre de personnes. Bien sûr, Il utilisait les idiomes de l’époque, et nous devons vérifier la signification exacte des mots, et ne pas suivre aveuglément ceux qui, avant que l’on sache que c’était la langue commune, ont déformé ses mots pour les adapter à des dogmes préconçus.
L’expression « Dieu a parlé par les prophètes » a été prise pour désigner uniquement les prophètes juifs, ces messieurs lugubres qui ne cessaient d’invectiver les Juifs. Il est possible que ces pauvres Juifs aient mérité toutes les choses horribles qui ont été dites à leur sujet, mais en tout cas, cela ne rend pas la lecture agréable ou utile à l’heure actuelle. Il y a des passages magnifiques dans l’Ancien Testament, mais il y a aussi des passages que des éditeurs ultérieurs auraient pu omettre sans perte sérieuse. Le mot prophetai – en grec – ne signifie pas seulement ce que nous entendons aujourd’hui par prophètes. Toute personne qui parle ou prêche est appelée prophète. Lorsque les soldats ont dit, en se moquant du Christ, « Prophétie! », ils ne Lui ont pas demandé de prédire les événements futurs; ils voulaient dire « Fais-nous un discours »; le verbe dont il est dérivé signifie « parler à haute voix » et « prédire l’avenir »; ainsi, prophetai équivaut à prédicateurs, et rien de plus. Saint Paul voulait sans aucun doute dire: « Dieu, dans les temps passés, a parlé à nos ancêtres de bien des façons et à bien des moments différents par d’autres prédicateurs, et maintenant, en ces jours, il nous a parlé par son Fils » – par Celui qui est une manifestation particulière de la puissance divine. Les prédicateurs par lesquels Dieu avait parlé dans le passé sont les Seigneur Bouddha, Vyasa, Zoroastre, Thot, Orphée – tous les grands Hommes qui ont fondé une religions. Elles aussi étaient toutes des manifestations du même maître puissant; elles aussi étaient des messagers de Dieu.
Le genre humain diffère, heureusement; ce serait un monde pauvre si nous étions tous pareils. Au cours des étapes successives de l’évolution, et dans divers pays, les Hommes ont connu des différences très importantes. A chacun de ces types et de ces classes d’Hommes, des religions appropriées ont été prêchées, chacune par son propre prédicateur; mais toutes les religions pointent vers la même règle. Elles enseignent toutes aux Hommes exactement la même vie. Elles se distinguent par le nom qu’elles donnent aux choses; mais nous nous devons apprendre que les noms sont des étiquettes externes et n’ont pas d’importance. Toutes de la même manière nous disent que l’Homme bon est quelqu’un de désintéressé, quelqu’un qui est charitable, aimable, doux; toutes de la même manière nous disent que les offenses contre autrui, le meurtre, le vol, les outrages de toutes sortes sont les crimes les plus terribles. Leur enseignement est identique, mais elles le mettent sous une forme différente selon ce qui est le plus nécessaire à leur époque et dans leur milieu. Ainsi, même Saint Paul nous dit que Dieu a parlé à plusieurs reprises à nos pères, qui étaient assurément des Gentils et non des Juifs, et qu’il nous a parlé dans ses derniers jours par cette manifestation particulière que nous appelons son Fils.
Le christianisme est l’un des grands chemins qui mènent à la montagne de la Lumière au sommet de laquelle se trouve Dieu lui-même. C’est l’un des chemins, mais un parmi d’autres; et si nous avons un certain nombre de personnes tout autour de la base de la montagne, le chemin le plus court vers le sommet pour chaque Homme est celui qui s’ouvre devant lui. Il serait insensé d’avoir l’idée que nous devons obliger un Homme de faire d’abord tout le tour de la base de la montagne avant qu’il puisse gravir la montagne exclusivement sur notre chemin particulier.
Nos efforts pour convertir les personnes pratiquant d’autres religions et formes de culte sont inutiles et présomptueux. L’effort pour amener à la connaissance de Dieu des gens qui ignorent Ses voies est une action noble et grandiose; que nous prêchions, par nos actes comme par nos paroles, notre croyance qu’il y a un Dieu et que vivre comme Il voudrait que les Hommes vivent est le seul moyen sûr de réconfort et de paix – c’est un noble travail; mais essayer de convertir un homme qui est déjà bon dans sa propre ligne pour le rendre bon dans la nôtre n’est pas une chose raisonnable à faire.
Si les membres d’autres religions agissaient comme le font beaucoup de nos concitoyens en essayant de nous faire pratiquer leur culte à leur manière, nous nous dirions avec raison: « À quoi cela sert-il? Nous avons nos propres méthodes de culte; pourquoi devrions-nous laisser ces étrangers maintenant s’en charger et les modifier? » Tout cela est le résultat de cette idée folle selon laquelle notre manière est la seule, que notre représentation est la meilleure possible. C’est peut-être la meilleure pour nous, mais pourquoi ne pouvons-nous pas nous rendre compte que la représentation différente de ce même Dieu est peut-être la meilleure pour eux? C’est Dieu et nul autre qui a décrété que ces Hommes devaient naître bouddhistes et hindous, alors qu’Il nous a donné des corps chrétiens. Comment se fait-il que nous soyons ici et eux là? C’est le résultat de la grande Loi qui est l’expression de la volonté de Dieu. Que chaque Homme soit donc pleinement persuadé dans son propre esprit; mais que chacun aille son propre chemin, et n’essaie pas d’interférer avec ceux des autres. Tous les chemins mènent au sommet, à condition que la même vie bonne soit menée.
Peu importe les mots avec lesquels un homme exprime sa croyance, du moment que celle-ci est sincère. C’est la grande leçon de cette manifestation du Christ aux Gentils; les Gentils signifiant ceux qui ne sont pas Juifs – les גוים (Goyim, au singulier: גוי = ‘Goy’ ). Réalisons alors avec force qu’il existe de nombreuses façons de faire, qu’il ne nous appartient pas de dire qu’une façon de faire est meilleure que l’autre. Celle-ci nous semble sans aucun doute la meilleure – mais ce n’est pas nécessairement le cas pour tel autre de nos frères en humanité – et cela est vrai non seulement des grandes religions, mais aussi des sectes.
Il existe plus de trois cents sectes chrétiennes. Elles viennent toutes de Dieu. Nous voyons les avantages de notre méthode particulière, car nous avons constamment fait l’expérience de son aide. Dans notre Église catholique libérale, par exemple, nous participons au Saint-Sacrement et nous ressentons le splendide déversement d’amour et de force que nous recevons de cette manière, et nous pensons: « Personne qui ne prend ceci ou ne sent cela ne peut s’entendre aussi bien dans la religion », ce qui est vrai pour nous; mais nous devons essayer de réaliser que beaucoup peuvent se tenir sur une ligne différente, et ce qui nous plaît tant peut ne pas plaire à un méthodiste, par exemple. Que chacun suive son propre chemin; que nous recommandions notre propre chemin car nous le trouvons si beau, cela va de soi! Mais tout en le recommandant, nous devons toujours faire preuve d’une charité totale, tant à l’intérieur qu’à l’extérieur. Nous ne devons pas seulement dire en mots: « Je pense que votre plan est probablement aussi bon que le mien, même s’il est différent »; nous devons vraiment ressentir en nous-mêmes que chaque Homme a sa propre façon de faire, et qu’il ne nous appartient pas de l’écarter de son chemin pour le mettre sur un autre. Nous ne devons pas avoir le moindre sentiment qu’il n’est pas tout à fait à notre niveau, ce que je pense que nous sommes un peu susceptibles de ressentir si nous ne faisons pas attention. Chaque Homme peut être aidé sur son propre chemin; Juif ou Gentil, qu’importe? La Haute Église, la Basse Église, nous essayons tous de servir Dieu chacune à sa manière. Nous avons toutes sortes de beaux sentiments en nous; liassons à autrui le mérite d’avoir les mêmes à sa manière. Ainsi, en reconnaissant la paternité de Dieu, nous en viendrons tous à nous sentir comme de véritables frères pour tous nos semblables, à l’image, terrestre, de la relation du Christ avec le Père.
Nous savons que l’étoile à l’Est, dont l’éclat à l’Épiphanie a été prise comme norme et symbole par une société appelée l’Ordre de l’Étoile en Orient – un ordre qui demande spécifiquement à ceux qui le rejoignent de se consacrer à la préparation du second Avènement du Christ. Cet Ordre n’a pas été fondé à l’occasion de cette fête, mais cinq jours plus tard, le 11 janvier. L’objectif de ses membres est également d’essayer, autant que faire se peut, de préparer, au milieu de tous les bouleversements et de toutes les confusions du monde, d’inciter certaines personnes à prêter attention à cette seconde venue qui est pour bientôt. Ceux d’entre nous qui sont vivement intéressés peuvent bien rejoindre cet Ordre qui existe pour préparer Son chemin. L’ordre a des branches dans tous les pays du monde; il publie de nombreux opuscules et livres, dont la liste peut être obtenue auprès de son siège, 314 Regent Street, Londres. Mais que nous y adhérions ou non, en tout cas réfléchissons clairement et vraiment à ce que nous ferons quand Il reviendra.
Prenons à cœur la leçon de l’étoile. Tout au long de l’Avent, nous nous sommes préparés dignement à célébrer la naissance de l’Enfant-Christ, et cela a culminé à Noël, lorsque nous avons médité au sens profond de cette naissance pour nous, nous amenant à exprimer la plus grande gratitude. Aujourd’hui, cette grande fête, qui a lieu douze jours plus tard, a pour but de nous intimer de traduire cette joie dans nos actes. Nous nous sommes préparés pour l’Avènement: nous l’avons célébré; maintenant, que devons-nous faire à son égard? Comment pouvons-nous partager cette joie avec nos semblables? Les trois rois ont été les premiers prédicateurs chrétiens; les premiers à aller proclamer au monde la naissance du nouveau Roi – Roi non pas de provinces et d’armées, mais de cœurs et d’âmes. La légende nous dit qu’ils ont tout abandonné pour prêcher Sa venue. De nos jours, nous ne sommes pas appelés à faire un si grand sacrifice, mais nous devrions certainement consacrer le plus de temps et d’énergie possibles à la diffusion de la bonne nouvelle. Ne laissez aucune affaire, aucun travail ou ambition mondains s’interposer entre vous et le Seigneur qui viendra soudainement habiter à nouveau Son royaume. Soyons prêts à Le reconnaître et à le suivre, comme le faisaient les Sages d’autrefois, et offrons Lui de tout cœur et de manière approfondie l’or de notre amour, l’encens de notre adoration et la myrrhe de notre abnégation. Ainsi, nous répéterons ces dons d’autrefois à un niveau supérieur et spirituel; ainsi l’Étoile ne brillera pas en vain.
Il se peut que le retour annoncé soit très proche – comme l’indique la dystopie transhumaniste qui chaque jour nous rapproche de l’apogée de la descente dans la matière, signant par le nécessaire retour à notre origine spirituelle. Il serait donc imprudent de retarder notre préparation. À l’époque de Sa première apparition, bien peu n’en surent quelque chose. Tous les grands rois de la Terre, tous les Hommes riches, les plus grands intellectuels de Grèce, de Rome et d’Égypte n’ont pas du tout prêté attention à Lui. Ses disciples n’étaient que quelques pauvres pêcheurs, aucun n’était très instruit, aucun n’occupait une position sociale élevée. Est-ce que ce sera la même chose cette fois-ci? Nous ne le savons pas, mais au moins mettons-nous dans l’attitude qui nous permettra de Le reconnaître. Auparavant, il y avait qu’un précurseur pour annoncer Sa venue; cette fois, beaucoup d’entre nous tenteront de préparer le chemin du Seigneur et de rendre Ses sentiers droits. Il ne peut y avoir de message plus noble que celui-là; il ne peut y avoir rien de plus beau à présenter au monde.
Il a parfois été objecté: « Supposons que nous induisions les gens en erreur; supposons qu’Il décide de ne pas venir tout de suite ». Eh bien, même dans ce cas, avez-vous fait du mal en essayant de préparer les gens à Sa venue? Si, pour une raison connue seulement des conseils du Très-Haut, Il devait reporter Sa venue, se préparer à Le recevoir reste une grande et noble tâche. Nous serons meilleurs et non pires pour avoir essayé de nous mettre dans une attitude de réceptivité à cette puissante influence, et aucun mal ne peut être fait par une telle préparation; tandis que s’Il venait et nous trouvait non préparés…
Il a dit lui-même qu’avant qu’il ne revienne, il y aurait beaucoup de confusion et de problèmes dans le monde, que beaucoup devraient courir dans tous les sens et qu’il aurait de faux Christs qui se lèveraient partout. Il se peut donc que beaucoup de gens ne Le reconnaissent pas et ne Le suivent pas quand il viendra. En effet, il est certain qu’il y en aura qui, en Son propre nom, refuseront de L’écouter. Ils diront: « Le Christ est venu une fois il y a deux mille ans; nous suivons l’enseignement qu’Il nous a donné alors. Et ainsi, en Son nom propre, et par une certaine loyauté envers Lui, ils ne Le reconnaîtront pas quand Il reviendra.
Qu’il n’en soit pas ainsi avec nous. Tout comme l’étoile s’est levée dans le ciel et a conduit ces trois rois à Bethléem, il en va de même pour l’étoile qui brille devant tous ceux qui veulent bien la voir, même si elle n’est plus un phénomène physique. Si cette étoile était vraiment visible dans le ciel il y a deux mille ans, des millions de personnes ont dû la voir, mais seulement trois l’ont comprise et l’ont suivie. Aucune information n’est donnée dans l’histoire pour savoir si ils furent les seuls à être favorisés par cette vision. On ne peut le dire; mais au moins il est sûr que, pour tous ceux dont les yeux intérieurs sont ouverts, il y a maintenant des indications claires de Sa nouvelle prochaine venue. Nous pourrions vraiment dire, comme il l’a dit lorsqu’il s’est adressé aux Juifs: « Il y en a beaucoup ici qui ne goûteront pas à la mort avant d’avoir vu le Seigneur Christ ». Mais maintenant, au moins, les signes sont clairs; il semble que le moment approche. Soyons prêts pour cela; soyons prêts à recevoir cette grande épiphanie du Christ. Soyons parmi ces Sages qui ont veillé à Sa venue, qui Le reconnaissent et sont prêts à déposer à ses pieds les dons de leur amour, de leur dévouement et de leur service.
Chacun fera ce qu’il peut à sa manière. Mais veillons chacun à vraiment faire quelque chose. Il y a de nombreuses façons de travailler pour l’Étoile2, mais voici ce qui est clair: nous qui prêchons l’étoile à autrui, nous devons être nous-mêmes comme des étoiles pour aider à éclairer le monde dans lequel nous évoluons; nous devons essayer, chacun selon ses capacités, de briller et de montrer, dans la pureté, la douceur et la fermeté, la lumière qui est en nous. Ce jour est donc lié à ceux qui l’ont précédé, car nous ne pouvons pas mieux montrer la gloire de l’étoile qu’en perpétuant, tout au long de l’année qui nous attend, l’attitude même de bonté et de fraternité sur laquelle nous nous sommes déjà résolus. Le jour de l’Étoile, laissons sa gloire briller autour de nous, et qu’on se souvienne toujours que c’est avec elle, comme avec toutes les autres bonnes choses, que nous recevrons Sa bénédiction pleine et entière, dans la proportion que nous sommes capables de partager avec nos semblables.
1[NdT] Selon Paul Le Cour, Jean, le seul des évangélistes à avoir connu le Christ de son vivant, et peut-être celui qu’Il appréciait le plus parmi ses disciples, était très hellénisant. Le Cour soutien même qu’il ne maîtrisait pas l’hébreu.
2Voir Starlight, de C.W. Leadbeater.
Source: Charles W. Leadbeater: The Hidden Side of Christian Festivals
Le chapitre original traduit en français se trouve ici.