En quoi l’alchimie se distingue-t-elle de ce que nous appelons aujourd’hui la chimie, qui est aussi une sorte de science des éléments de la matière et de leurs transformations?
Ce qui distingue essentiellement la chimie de l’alchimie, c’est que la première ne connaît pas de hiérarchie des éléments et de leurs composés dans le sens de supérieur ou inférieur; l’idée de la transformation de l’inférieur en supérieur et donc l’idée du développement ou de niveaux d’organisation de la matière lui semble étrangère et inacceptable. Il existe des composés plus simples et plus compliqués; on peut classer les éléments chimiques dans une série qui [70] présente certaines régularités; mais cette série ne représente pas un ordre de priorité dans le sens de supérieur ou inférieur. La substance chimique n’est ni haute ni basse, elle est toujours là de la même manière, elle n’a pas de développement ou même de développement supérieur. La substance à partir de laquelle la plante est formée n’est autre que celle que l’on trouve également dans les corps « inanimés ». La chimie des substances végétales, animales et humaines est la même que celle des substances minérales. Il n’y a donc pas de transformation de la substance, mais seulement des modifications de sa composition.
Un exemple simple permet peut-être de comprendre ce qui fait la véritable différence entre l’alchimie et la chimie, cette dernière entretenant le même rapport que l’astronomie avec l’astrologie. Pensons à la vie de la plante; elle construit son corps à partir des substances chimiques qu’elle prélève dans le sol et l’atmosphère, et transforme ainsi des substances minérales « inanimées » en la matière vivante de son corps.
La chimie ne peut pas expliquer cette transformation, c’est un processus qui ne peut être compris que de manière alchimique, et toutes les énergies que la chimie nous enseigne ne suffisent pas à interpréter ce miracle. Si seules les énergies chimiques étaient à l’œuvre, l’organisme végétal ne pourrait jamais, à l’aide de ces seules énergies, construire son corps à partir de matière minérale, mais à l’inverse, le corps végétal, en tant que niveau d’organisation supérieur de l’être matériel, se retransformerait lentement en matière minérale plus simple! La transformation alchimique conduit vers le haut, la transformation chimique seule ne le fera jamais !
Le processus alchimique que nous venons d’observer a son modèle physique dans le fait général du métabolisme en général, que nous avons déjà brièvement évoqué la dernière fois. Il nous apprend à comprendre cette transformation dans le cosmos en général comme une manifestation extérieure de l’ascension organique sur l’échelle de la vie. Son exemple le plus simple est l’absorption de nourriture.
De même que la plante transforme le minéral en végétal par l’absorption de nourriture, de même l’animal transforme le minéral et le végétal en animal, et l’Homme transforme le minéral, le végétal et l’animal en humain, en matière humanisée et dotée de la teinte du stade humain.
Après la décomposition des corps végétaux, animaux et humains, la matière peut être rendue à la terre, la molécule de matière ou l’atome qui a colonisé un corps végétal porte en lui désormais indéfectiblement, comme [71] effet de transformation, quelque chose de valeur non chimique, mais alchimiquement: appelons cela un parfum du stade végétal: un atome de matière qui a un jour colonisé le corps d’un animal — le parfum du stade animal; et l’atome chimique qui a un jour fait partie d’un corps humain — un parfum du stade humain qui ne peut jamais lui être enlevé.
Ce que nous voyons agir de manière alchimique dans la matière, c’est la force de levage des énergies alchimiques qui traversent l’univers et dont nous percevons partout l’action quotidienne dans la nature vivante qui nous entoure. La biologie appelle ce processus « assimilation » — le fait de rendre semblable, d’adapter la matière étrangère ou, comme nous pouvons le dire maintenant, la matière moins organisée à la nôtre: nous apprenons ainsi à reconnaître d’un nouveau point de vue ce qui a déjà été caractérisé la dernière fois comme l’empreinte du pied, mais sous une forme beaucoup plus élémentaire — comme l’empreinte de deuxième ordre, l’empreinte de l’empreinte, comme la mécanique ou le « comment » du processus de développement sous la forme purement physique du métabolisme ou, pour mieux dire, de la transformation de la matière dans sa forme de manifestation la plus primitive.
Or, ce qui est valable pour le « métabolisme » physique l’est aussi ésotériquement, et a donc son pendant intérieur, spirituel — et c’est de celui-ci que nous allons parler maintenant, car ce n’est qu’à travers lui que nous pourrons comprendre ce que l’alchimie représente avec ces quatre niveaux de transformation: Terre, Eau, Air et Feu, qui représentent en même temps une sorte de principe organisateur dans la constitution du zodiaque lui-même, tel qu’il s’est manifesté à la conscience humaine.
L’histoire de la philosophie cite Empédocle d’Agrigente (vers 500 av. J.-C.) comme le premier à avoir établi la doctrine des quatre Éléments comme éléments constitutifs de l’univers. Ce serait une grande et fatale erreur de penser qu’Empédocle entendait par ces éléments quelque chose de semblable à ce que la chimie actuelle entend par le terme « élément »! Cela ressort déjà du fait qu’Empédocle ajoute encore deux autres éléments à ces quatre, qu’il appelle Eris et Philia: la dispute et l’amitié, la haine et l’amour. En association avec les autres Éléments, ils mettent en scène les tenants et les aboutissants du processus cosmique.
Empédocle voit dans ce qu’il appelle les quatre Éléments quatre états de l’être qui, même vus de l’extérieur, peuvent être représentés comme les quatre états d’agrégation de la matière, comme par exemple:
- [72] Terre, l’état solide,
- Eau, l’état liquide,
- Air, l’état gazeux et
- le Feu, l’état éthéré,
de sorte que nous aurions d’abord devant nous, dans les quatre Éléments, quatre degrés différents de densité de la matière cosmique.
Eris et Philia sont à l’œuvre pour créer les différents mélanges de ces états et les séparer à nouveau.
Source: Das Testament der Astrologie, tome 1, Oskar Adler, 1930-38