[342] Mais si les temps de révolution et les vitesses sont soumis à la loi de l’harmonie, les mesures de l’espace doivent l’être aussi! Quelles sont les relations numériques entre les orbites, les vitesses et les distances? Ici, l’intuition de Kepler, inspirée par Pythagore, offre au monde un cadeau qui peut être placé à côté du théorème de son maître à penser – Pythagore dont l’oracle de Delphes avait autrefois prédit à ses parents qu’ils auraient un fils qui apporterait un cadeau sublime à toute l’humanité.
Les trois lois de Kepler, dont nous aborderons l’aspect ésotérique plus tard, constituent un cadeau tout aussi sublime pour l’humanité. Dans la troisième de ces lois, le rapport mentionné ci-dessus est formulé ainsi:
Les carrés des périodes de rotation desPlanètes se comportent les uns par rapport aux autres comme les cubes de leur distance moyenne au soleil.
Mais au-delà de tous les chiffres qui apparaissent ici, Kepler cherche un plan de construction de l’édifice du monde qui lui indique en quelque sorte les limites à l’intérieur desquelles s’exercent ses possibilités.
Le modèle d’une perfection qui s’impose à elle-même ses propres limites est le fait qu’il ne peut y avoir que cinq formes de corps réguliers parfaits, c’est-à-dire des corps construits symétriquement dans les trois directions de l’espace, avec un centre commun. Ces cinq corps réguliers, dont la surface est composée de surfaces planes régulières, ne sont délimités que par des triangles équilatéraux, des quadrilatères ou des pentagones, conformément aux nombres 3, 4, 5. Les quadrilatères (tétraèdres), les octogones (octaèdres) et les vingtiles (icosaèdres) ont des triangles comme parties de leur surface; les hexaèdres (cubes, hexaèdres) ont des carrés et les dodécaèdres des pentagones.
Kepler place ces cinq structures l’une dans l’autre de telle sorte que les sphères inscrites autour d’elles présentent effectivement dans les rapports de leurs demi-diamètres les rapports correspondants des demi-diamètres des orbites planétaires. Au sommet se trouve le cube; puis suivent le tétraèdre, le dodécaèdre, l’icosaèdre et enfin l’octaèdre.
Sur la sphère circonscrite au cube tourne Saturne, sur celle qui lui suit est inscrit Jupiter, dans cette sphère Kepler place maintenant le tétraèdre; la sphère inscrite à celui-ci porte à sa surface l’orbite de Mars; dans cette troisième sphère, Kepler place le [343] dodécaèdre, dont la sphère inscrite porte à sa surface l’orbite de la Terre, tandis que l’orbite de Vénus se trouve à nouveau à la surface de la sphère inscrite à l’icosaèdre, qui est inséré dans la sphère de l’orbite de la Terre. Enfin, l’octaèdre inséré dans la sphère de l’orbite de Vénus, sur la face intérieure duquel tourne Mercure, forme la conclusion.
Il serait trop long d’entrer dans les détails de ce plan de construction de Kepler, mais nous ne pouvons pas passer sous silence le fait que, sur la base de ce plan de construction, Kepler est arrivé à la conclusion audacieuse qu’il devait y avoir une Planète inconnue entre Jupiter et Mars: intra Jovem et Martem posui planetam – « entre Jupiter et Mars, j’ai placé une Planète ». Environ 170 ans plus tard, on a trouvé à l’endroit en question ce que l’on appelle des « astéroïdes ».
Plus récemment, l’idée de la résonance des intervalles musicaux fondamentaux dans le système Planétaire a été reprise avec une précision de calcul particulière par le savant privé viennois Ernst Müller dans son Harmonik des Planetensystems. Cet ouvrage est particulièrement intéressant parce qu’il fait ressortir la notion de temps dans toute sa pureté. Müller calcule au bout de combien de temps chaque Planète, vue de la Terre, se trouve à nouveau alignée avec le Soleil, comme les deux aiguilles d’une montre, et met les valeurs temporelles ainsi obtenues en relation numérique. Il en résulte entre
- Mercure et Vénus un rapport de tierce pure 1:5,
- Mercure et Mars un rapport de quinte pure 2:3,
- Mars et Jupiter un rapport d’octave pure 1:2..,
de sorte qu’il en résulte la série suivante :
Mercure : Mars : Jupiter : Vénus = 2 : 3 : 6 : 10.
Environ cent ans après Kepler, Isaac Newton découvrit la loi de la gravitation, qui ramenait les relations entre la période de rotation et la distance au soleil exprimées dans les lois de Kepler à une cause unique, à savoir « l’attraction générale des masses », et apportait en outre la preuve irréfutable que les orbites des Planètes devaient effectivement être des ellipses dont l’un des foyers était le soleil (première loi de Kepler). Si Newton avait ainsi donné la base physique de la connaissance de l’unité des mouvements Planétaires, Emmanuel Kant complétait, environ cent ans plus tard, l’image de la cohérence interne de l’édifice du monde par la doctrine de l’origine commune [344] de notre système solaire et de son développement à partir du stade primitif d’une nébuleuse cosmique – les Planètes sont des parties séparées d’une masse unifiée à l’origine, toujours liées au soleil comme leur mère commune.
En effet, la masse nébulaire originelle, qui s’étendait bien au-delà de l’orbite de la Planète la plus éloignée (Saturne à l’époque), s’est progressivement contractée, laissant derrière elle – comme des résidus sur le chemin de l’évolution de sa densification progressive – dans les limites respectives les plus éloignées de son corps de plus en plus dense, les différentes Planètes qui, au fur et à mesure que leur distance au Soleil diminue, présentent une densité de plus en plus grande (ceci n’est toutefois valable que de manière approximative). Cette expulsion des différentes parties denses du Soleil s’est naturellement produite dans la région de l’équateur du corps central, car c’est là que les forces centrifuges atteignent leur valeur maximale. C’est pourquoi non seulement toutes les Planètes tournent dans la même direction, mais les plans de leurs orbites sont également tous proches du plan équatorial du Soleil !
Kant ajoute ainsi à l’héritage de Kepler un élément important, dont nous avons déjà souligné la signification ésotérique dans le premier tome: la doctrine de la solidarité évolutive de tous les membres du système solaire, les différentes Planètes correspondant à des stades successifs de l’évolution du Soleil lui-même.
Cependant Kant ne se révèle pas seulement comme le rénovateur de la pensée de Kepler, mais aussi comme le véritable disciple de l’intuition cosmique occulte, inspiré par l’esprit de Pythagore. Il suppose dans le fait de l’augmentation de la densité des Planètes de Saturne à Mercure une sorte d’échelle de développement du niveau d’organisation des êtres auxquels les Planètes servent de lieu de séjour, des êtres qui, plus ils sont destinés à agir dans des corps minces, sont capables d’occuper un niveau spirituel toujours plus élevé, de sorte que les êtres les plus grossièrement organisés, parce qu’ils sont incarnés dans la matière la plus dense, jouissent aussi « de l’avantage de la plus grande proximité du Soleil… ». «
Une quarantaine d’années après l’ouvrage de Kant Allgemeine Naturgeschichte und Theorie des Himmels, Laplace publia une théorie cosmogonique concordante dans ses grandes lignes, sur laquelle nous ne reviendrons pas [345] dans cette brève esquisse; la théorie de Laplace est essentiellement teintée de matérialisme et s’efforce de se tenir à l’écart de toute « spéculation pythagoricienne ».
Peu de temps après que l’hypothèse kantienne ait été connue, le professeur Titius de Wittenberg publia en 1766 le tableau des distances des Planètes, qui allait plus tard porter le nom de loi de Titius-Bodes, dans lequel il trouva efficace une loi qui était restée inaperçue jusqu’alors et qui montrait sous un jour nouveau la pensée pythagoricienne de l’harmonie numérique de l’univers. Si l’on désigne par 100 la distance entre la Planète Saturne et le Soleil, on obtient la série suivante:
- 4 Mercure
- (4+3) Venus
- (4+6) Terre
- (4+12) Mars
- (4+24)
- (4+48) Jupiter
- (4+96) Saturne
C’est à l’emplacement du cinquième chaînon manquant que furent découverts peu après les premiers astéroïdes, dont on en compte déjà plus de 700. Il manque encore aujourd’hui un « Newton » qui aurait découvert la raison de cette loi…