Huitième Chapitre

Pâques

Les fêtes de l’Église sont divisées en plusieurs classes selon leur importance. Pour rappel, toutes les grandes fêtes ont ce que l’on appelle une octave, c’est-à-dire qu’elles sont célébrées pendant toute la semaine et que le huitième jour est pratiquement une répétition de la fête. Pâques est la plus grande de toutes, si grande que sa célébration dure encore plus longtemps, et en son honneur nous gardons les quarante grands jours, qui se prolongent jusqu’au moment de l’Ascension. Pendant cette période nous brûlons le cierge pascal pour indiquer que tout cela fait partie de la fête la plus splendide de l’année chrétienne.

Le mot « Easter » (Pâques) est dérivé de Eostre, qui est le nom de la déesse anglosaxonne du printemps. Mais au bout de la dérivation, on se rend compte que Eostre n’est qu’une autre forme d’Ishtar, d’Ashtaroth ou Astarte, la Reine du Ciel – ces dernières formes nous venant du sanskrit Us, qui signifie lumière, le mot d’où provient le titre Ushas, les « vierges de l’aube » des Védas. Par conséquent, Pâques est fondamentalement la grande fête de la lumière – du réveil de la Lumière du monde.

Toute la symbologie de nos centres d’évolution tourne autour de la source et de l’origine de cette évolution – la déité solaire, dont l’archétype a pris, dans la culture occidentale héritière de la philosophie grecque, la forme du λόγος – le Logos. Logos signifie « Verbe » ou « parole »; c’est le terme grec utilisé dans le texte le plus connu et le plus beau: « Au commencement était le Verbe, et le Verbe était avec Dieu et le Verbe était Dieu. » Essayons de comprendre ce que ces mots signifiaient pour leur auteur. La croyance chrétienne moderne est devenue en grande partie matérielle et non philosophique, principalement en raison de sa confusion la plus malheureuse et la plus persistante entre la divinité tribale juive, très personnelle, dénommée Jéhovah, et la Cause première suprême de tous et de tout le ce qui existe. Ceux qui s’accrochent à cette confusion illogique pensent que Dieu est un Père sauvage et tyrannique, jaloux et cruel, qui a créé capricieusement un Homme sain et un autre plein de maladies dès sa naissance, jeté un Homme à la naissance dans le giron de l’abondance et un autre dans la misère noire, et il a fait en sorte que l’un ou l’autre de ces Hommes, ou les deux, soient soumis à une torture éternelle après leur mort s’ils ne veulent pas faire violence à l’intellect dont il les a frappés, en prétendant croire à certaines histoires incroyables.

Il est vrai que personne ne peut comprendre Dieu, mais nous pouvons au moins avoir une conception plus intelligente de Lui, et le premier pas vers une telle conception est de reconnaître qu’Il a de nombreuses manifestations. De l’absolu, de l’infini, de l’universel, nous ne pouvons rien savoir à ce stade, si ce n’est qu’Il est; nous ne pouvons rien dire qui ne soit une limitation – et donc une imprécision. Or en Lui se trouvent d’innombrables univers; dans chaque univers des millions de systèmes solaires. Chaque système solaire est l’expression d’un Être puissant que nous appelons la Déité solaire, le Logos, le Verbe ou l’expression de ce Dieu infini. Cette Déité Solaire est pour Son système tout ce que les Hommes entendent par lorsqu’il parle de « Dieu ». Il imprègne ce système de telle sorte qu’il n’y a rien en lui qui ne soit Lui, bien qu’Il se manifeste de telle manière que nous ne puissions le voir. Comme il est dit dans une écriture sainte plus ancienne que la nôtre: « Ayant bâti tout cet univers avec un seul fragment de moi-même, je demeure. »

Cette divinité solaire a appelé ce puissant système à l’existence. Nous qui y sommes, nous sommes des fragments évolutifs de Sa Vie, des étincelles de Son Feu divin; de Lui, nous sommes tous venus; dans Lui, nous reviendrons tous. Il se déverse dans la matière, et souffre donc véritablement d’une éclipse, d’une crucifixion, d’une mort, puis se relève de cette matière afin que nous, l’humanité, puissions être. Toute la vie du système solaire vient de Lui, et par conséquent, ceux qui souhaitent accomplir ce qu’Il a indiqué pour nous, ceux qui souhaitent devenir sages, devenir des initiés, doivent suivre ses traces et se développer comme il l’a fait. Toutes les religions anciennes ont repris ces idées et les ont tissées en de magnifiques symboles, différents selon la religion, la race et le peuple; et ce même symbolisme, qui indique et décrit la vie de l’Initié en termes de vie du Dieu Soleil, existe ici dans notre Église chrétienne, et se manifeste au cours de notre Année chrétienne.

La première moitié de l’année (de l’Avent et de Noël jusqu’au dimanche de la Trinité) est pour ainsi dire la partie active et mouvementée de la vie solaire; les six mois suivants sont consacrés à la pratique et à la préservation de ce que nous avons appris, de sorte que nous passons dans les eaux relativement calmes des dimanches après la Trinité, où tout se déroule assez tranquillement avec seulement quelques grandes fêtes occasionnelles, dont aucune n’est connectée avec la vie historique du Christ, qui est aussi la vie du Dieu-Soleil. Dans toutes les religions, le Dieu-Soleil naît toujours au milieu de l’hiver, directement après le jour le plus court, à minuit le 24 décembre, lorsque la constellation de la Vierge se trouve à l’horizon. C’est pourquoi il est dit qu’il est né d’une Vierge, ce Signe se trouvant à son Ascendant. Nous avons là un éclairage secondaire sur l’histoire de l’Immaculée Conception qui apparaît non seulement dans notre religion mais aussi dans de nombreuses autres religions plus anciennes – puisqu’il relève de l’astrologie, une des principales science sacrées et ésotériques.

Le Dieu-Soleil renaît, car le jour le plus court à la latitude nord est passé; pendant des mois, les jours n’ont cessé de raccourcir, comme s’Il était vaincu par les pouvoirs des ténèbres; mais maintenant cette diminution est vaincue, et Il commence à réaffirmer ses pouvoirs, comme en témoigne la nuit qui cède lentement devant Lui. Il lui reste à traverser les tempêtes et les tribulations de l’hiver; et c’est pourquoi la vie du Dieu-Soleil dans toutes les religions est toujours entourée d’ennuis, de tristesse et de difficultés. Krishna a beaucoup souffert de la persécution et a dû être caché parmi les vachers quand il était enfant, parce que le roi cherchait à attenter à sa vie; le Seigneur Jésus a été assailli par Hérode, qui a tenté de le tuer; dans toutes les histoires de la vie du Christ, dans toutes les religions, on retrouve le même fil conducteur. Osiris lui-même, des milliers d’années auparavant, a été mis en pièces et détruit par Seth, et ce n’est qu’après que ces morceaux épars ont été recollé qu’il a ressuscité. Dans l’Égypte ancienne, le peuple pleurait la mort d’Osiris, tout comme certains chrétiens pleurent aujourd’hui la mort du Christ le Vendredi Saint, et puis se réjouissaient de la grande fête du rassemblement, du rassemblement de ce qui avait été séparé, tout comme nous nous réjouissons maintenant à Pâques. Ces anciennes religions enseignaient les mêmes vérités que celles que nous enseignons aujourd’hui; la vérité est une, bien qu’elle soit multiple, et les exposés de l’époque n’étaient très différentes de celles qui nous sont présentées aujourd’hui.

Les tempêtes et les tribulations de l’hiver sont grandes, mais le Dieu-Soleil y survit, et sa force ne cesse de croître à mesure que les jours s’allongent vers l’équinoxe de printemps. À cet équinoxe, comme son nom l’indique, le jour et la nuit sont exactement égaux partout dans le monde; et après cet équinoxe, le soleil franchit la ligne, de sorte que dans l’hémisphère nord, les jours s’allongent régulièrement et la victoire du Dieu-Soleil sur la nuit est assurée. Il se lève triomphalement sur la ligne et monte dans le ciel, faisant mûrir le maïs et le raisin, y versant Sa Vie pour qu’ils en fassent leur substance qui nourrira Ses adorateurs.

Chacun de nous devra à son tour subir la souffrance symbolisée par la croix; chacun de nous doit apprendre à se livrer totalement pour les autres; mais aussi pour chacun de nous, c’est la gloire de Pâques, la résurrection, la victoire, le triomphe sur la matière qui nous attend.

Cela reste toujours et glorieusement vrai. La victoire que l’Homme remporte sur la nature inférieure est une chose que doit réaliser dans sa vie de tout Homme chrétien. Il doit arriver dans sa vie un moment où il triomphe enfin de la matière inférieure et s’élève des ténèbres du péché et de l’ignorance vers la lumière de la sagesse et la vie plus élevée et plus pure. Ainsi, Pâques n’est pas seulement la commémoration de quelque chose de très éloigné dans le passé; c’est un véritable jour de fête et de reconnaissance pour la victoire que l’Homme a remportée, remporte et remportera à travers les âges sur ce qui est « inférieur » – ce potentiel qui demande à être développé. En chacun de nous, il y a l’étincelle divine. Le Christ a dit: « Vous êtes des dieux, vous êtes tous les enfants du Très-Haut. » En chacun de nous, cette étincelle divine est le vrai Homme, et cette étincelle se manifeste dans des plans inférieurs de l’âme de l’Homme: dans son ego. Nous ne sommes qu’un minuscule fragment d’un fragment plus grand de la magnifique réalité. Ce que nous nous voyons être ici-bas est comme la graine de la gloire future, mais chacun de nous est aussi une âme; plus que cela, chacun est un esprit, l’étincelle divine, qui se dévoile lentement, très lentement, développant pas à pas les qualités à travers lesquelles il peut se montrer, afin que l’Homme puisse le connaître pour ce qu’Il est. À l’heure actuelle, l’étincelle brûle bas; à l’heure actuelle, nous ne sommes qu’au début de la partie supérieure de notre évolution. Nous avons déjà remporté une grande victoire en ce sens que nous sommes ici en tant qu’Hommes, nous dont la vie est passée, dans des temps révolus, par tous les stades inférieurs, les royaumes du minéral, du végétal, du sang, de l’animal. Nous avons atteint l’humanité, nous avons rejoint le Père et nous avons développé l’âme; mais cette âme doit à son tour croître et s’étendre. Tout comme la personnalité doit devenir une avec cette âme, cette âme doit à son tour devenir une avec l’étincelle divine qu’elle représente, puis plus tard encore l’étincelle divine revient dans la flamme dont elle fait partie, et Dieu est tout en tout – c’est une manière de se figurer le processus d’individuation qu’envisageait Jung.

Chaque étape de ce progrès est une victoire; chaque étape de ce progrès est une vraie résurrection, une montée du bas vers le haut. La vie du Christ est une sorte de vie de chacun de ses disciples. Chacun de nous passe par ces étapes que la vie du Christ symbolise sous forme initiatique. Nous devons souffrir avec Lui toute la tristesse et la douleur de cette dernière semaine qui aboutit à la crucifixion; mais celui qui persévère jusqu’à la fin, celui qui passe cette épreuve comme il se doit, pour lui la gloire de Pâques doit être aussi révélée, lui aussi gagnera la victoire qui le rendra plus que l’Homme, qui l’élèvera au niveau de l’Esprit du Christ. Cette victoire est pour chacun d’entre nous, et lorsque nous remercions Dieu pour la fête de Pâques, nous Le remercions pour cette magnifique possibilité. Il est vrai que nous n’en voyons que peu qui ont profité de cette occasion, mais c’est que les personnes qui s’élèvent à une telle hauteur s’éloignent – nécessairement – quelque peu de la vie ordinaire des Hommes. Leurs objectifs sont tellement différents de ceux de la plupart d’entre nous que toute leur vie devient différente elle aussi dans ses priorités. C’est en effet difficile pour eux lorsque leur sort est encore jeté dans l’occupation du monde. Il y a ceux qui, ayant atteint ce rang, ont encore besoin de l’aide des autres pour travailler ici sur Terre, mais leur vie est une vie de tension énorme, chargée de très grandes épreuves à bien des égards. Ce ne peut être une vie de bonheur au sens ordinaire du terme, bien qu’elle soit toujours une vie de bonheur spirituel et intérieur, car il y a une joie que rien de terrestre ne peut corrompre. Aucune difficulté, aucune douleur, aucune souffrance ici-bas ne peut affecter l’union avec Dieu que ces Hommes ont atteint. Ainsi, même si leur vie ici-bas doit être une vie de tension, de stress et de lutte, la gloire est tellement plus grande qu’aucun mot ne pourra jamais l’exprimer – que cette petite affliction, qui n’est que pour un instant, pèse pour eux comme rien d’autre que le poids bien plus grand de la gloire.

C’est donc de cette possibilité dont nous remercions Dieu. Nous nous disons peut-être: « Oui, c’est très bien quand on arrive à cette hauteur; mais qu’en est-il de nous qui semblons si loin en arrière? » « Si le Christ est ressuscité, alors nous ressusciterons aussi » était l’argument d’autrefois, et cela demeure vrai à bien des égards; et tout particulièrement par rapport au symbole de Pâques. Parce qu’Il a vaincu le mal, parce qu’Il s’est élevé au-dessus de la matière, d’autres ont pu Le suivre et accomplir la même grande œuvre; et parce qu’ils l’ont fait, nous le ferons aussi. Pâques est une magnifique réalité pour chacun d’entre nous, tout comme elle l’était pour Lui. À Noël, nous chantons non seulement la commémoration de la victoire de la naissance du Christ (quelle que soit la forme symbolique que prend cet instant spirituel), mais nous chantons aussi une possibilité personnelle. Il ne faut pas considérer comme une façon de parler le moment où nous entonnons: « Un enfant nous est né, un Fils nous est donné. » La possibilité est pour nous, pour chacun d’entre nous, et nous devrions sentir qu’avec la gloire de la résurrection à Pâques, le triomphe puissant du bien sur le mal est une réalité absolue et réelle pour chaque individu. Ce n’est pas une chose lointaine et hors de portée, mais un pas réel et définitif que chaque individu, ici et ailleurs, fera dans l’avenir, une chose réelle dont nous pouvons avoir la certitude que nous pouvons la gagner.

Certains l’obtiendront relativement rapidement, d’autres seront plus lents à s’élever – cela est en notre pouvoir. Nous pouvons nous hâter ou retarder notre voyage vers ce but glorieux, mais nous ne pouvons pas nous écarter pour toujours du chemin. Nous ne pouvons pas empêcher notre victoire finale, quoi que nous fassions. Il y a des Hommes qui sont ce que nous appelons des méchants, ce qui signifie qu’ils se sont égarés loin du chemin direct vers Dieu. Ils sont méchants parce qu’ils sont insensés et ignorants; mais quelle que soit la distance qui les sépare du grand chemin, ils y retourneront, car c’est ce que Dieu a voulu pour eux depuis le début. Ils peuvent tourner le dos à la Lumière; ils peuvent retarder leur progrès, mais la pression de cette volonté définie les ramènera tôt ou tard sur le chemin, et ceux qui sont maintenant ignorants doivent apprendre la vérité de Dieu. Ceux qui sont assis dans les ténèbres, la Lumière brillera sur eux; ceux qui se sentent présents dans le jardin de Gethsémani, ceux qui se sentent souffrir une véritable crucifixion – pour eux aussi et inévitablement viendra la gloire de la victoire de Pâques, le triomphe final absolu du bien sur le mal.

Dans Sa Résurrection réside le plus sérieux de nous-mêmes. Parce que le Logos lui-même est entré dans la matière, a triomphé et en est ressorti; parce que le Christ, le grand Instructeur du monde, est passé par cette expérience aussi, il est certain pour chacun d’entre nous que lorsque notre temps sera venu de supporter cette souffrance et cette crucifixion, elle nous conduira, comme elle L’a conduit, à la gloire supérieure de la résurrection et au triomphe final – un triomphe qui est final parce qu’il est basé sur la connaissance. L’Initié sait que là où il croit, la matière ne pourra plus jamais le conquérir, lui qui a appris que tout, matière et esprit confondus, fait également partie de Dieu, et qu’il est donc également inclus dans le plan divin qui nous conduit à cette glorieuse victoire.

Que nous considérions – ou non – l’allégorie biblique qui nous est lue à Pâques comme représentant un événement historique sur le plan physique, la plupart d’entre nous soutient qu’elle incarne sous forme symbolique une grande et puissante vérité. C’est pourquoi Pâques est pour nous une glorieuse fête. C’est pourquoi nous avons une véritable joie à échanger entre nous le traditionnel salut de Pâques. En effet, tout comme nous nous souhaitons un joyeux Noël le jour de Noël, lorsque les premiers chrétiens se sont rencontrés le jour de Pâques, l’un d’eux a dit à l’autre: « Le Seigneur est ressuscité », et la réponse a été: « Il est vraiment ressuscité », non pas d’une tombe terrestre, mais de la tombe de la matière; ressuscité en vérité et dans une splendide réalité – ressuscité pour toujours. Ainsi, dans sa victoire, nous triomphons aussi, et dans la joie du Seigneur, son Église se réjouit aussi.


Source: Charles W. Leadbeater: The Hidden Side of Christian Festivals

La version originale entièrement traduit par nos soins se trouve ici.

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