L’Homme a désormais le devoir sacré d’utiliser consciemment le Feu qu’il porte en lui en tant qu’étincelle de Dieu et qui se manifeste, comme le noyau héliotique de la Terre, par ce « Je », pour opérer avec sa force la transformation de ce qui est inférieur en ce qui est supérieur, pour fondre consciemment les substances inférieures dans les substances supérieures et pour réaliser ainsi ce qui, dans la nature et ses êtres vivants, est un processus de digestion inconscient, un phénomène métabolique, l’assimilation alchimique, en un travail conscient ou, en d’autres termes, devenir conscient des forces alimentaires qui lui sont parvenues par l’intégration terrestre des règnes inférieurs dans son corps, dont les véritables vitamines sont les radiations célestes des hautes entités du zodiaque, dont l’empreinte est active dans le minéral, le végétal et l’animal comme essence de leur être et de leur vie.
C’est donc une nourriture céleste que l’Homme a maintenant pour mission de transformer en valeurs humaines, de la consommer à travers le feu de l’athanor, le four alchimique qui lui a été confié avec son moi, et de se transformer ainsi lui-même.
La mythologie des peuples a toujours considéré les grands chefs de l’humanité comme des êtres qui s’abreuvent de cette nourriture céleste pour accomplir le miracle alchimique d’implanter en elle une impulsion de développement. (Le miracle de l’alimentation des cinq mille dans les Évangiles.) Ainsi, ce que l’on a appelé le devoir sacré de développement de l’Homme se présente à nous comme la tâche d’humaniser le minéral, le végétal et l’animal, de marquer du sceau [75] de l’Homme, du sceau de feu, tout ce qu’il trouve en lui comme patrimoine de ces étapes, et de résoudre ainsi un problème que les Anciens avaient l’habitude de présenter comme l’énigme du Sphinx, qui devait en fait voiler le mystère du zodiaque. Sous l’image du Sphinx, les anciens représentaient une sorte d’extrait symbolique des quatre éléments du zodiaque sous la forme d’un être composé de quatre images zodiacales, chacune représentant un Élément.
Le corps du Sphinx – Taureau ou Ours – Terre.
Les ailes du Sphinx – Scorpion ou Aigle – Eau.
Les griffes du Sphinx – Lion – Feu.
La tête du Sphinx – Verseau ou Homme – Air.
Ce qui est exprimé dans cette image, c’est l’exigence du dépassement de la nature animale de l’Homme, c’est-à-dire de son avant-dernière étape de développement, par sa nature spirituelle (tête humaine). Toute la vie et les efforts de l’Homme visent à satisfaire cette exigence. En l’accomplissant, l’Homme ne répond pas seulement à l’obligation de s’élever lui-même plus haut, mais il participe consciemment, en tant que premier être de l’échelle des degrés d’en bas, au grand miracle alchimique de l’évolution du monde en transmettant l’Élément Feu implanté dans son degré aux éléments héréditaires inférieurs de son entité – par l’empreinte de ses pas !
Quatre grands champs de travail s’ouvrent ainsi devant l’Homme, dans lesquels il doit imprimer son empreinte, comme le sceau de la dignité humaine. Nous avons déjà examiné le premier de ces champs la dernière fois, celui de la Terre.
Il imprime sa trace dans le sable terrestre par la création de ses machines et de ses outils. Mais ce qu’il rapporte de ce travail alchimique comme fruit de son propre perfectionnement, c’est la connaissance – scientifique et sa technique – des Lois de la Nature que les hautes entités du zodiaque ont placé dans la Matière Première. Mais ce processus alchimique n’est pas seulement un processus d’assimilation, c’est aussi un processus de séparation, qui doit permettre à l’Homme d’apprendre, grâce à la science et à la technique, à distinguer l’utile du nuisible, à augmenter celui-ci, à diminuer celui-là, en prenant une décision libre et responsable.
Dans ce travail, il est aidé par les forces qui émanent des signes de Terre: Capricorne, Taureau et Vierge. L’animal, la plante et la pierre vivent eux aussi sous les mêmes lois matérielles et doivent vivre sous ces lois, mais seul l’Homme parvient à les reconnaître et à construire, grâce à cette connaissance, un échelon pour son ascension hors de l’animalité.
Le deuxième champ d’activité, vers lequel nous nous dirigeons maintenant dans notre voyage vers le noyau intérieur de l’Homme, est le champ de l’Eau – le grand royaume de ce qui élève la plante au-dessus du minéral –, le royaume des pulsions et de la croissance, de l’affirmation de la vie sans cesse renouvelée, qui est devenu au niveau animal la vie passionnelle, la recherche et la fuite instinctives, la souffrance et le plaisir, et chez l’Homme tout le contenu de sa vie de désir et de convoitise, avec tous les degrés intermédiaires entre la joie céleste et la douleur infernale, l’amour et la haine. Ce qui doit être transformé ici de manière alchimique, c’est de faire une force consciente de ce qui vivait déjà dans l’animal comme instinct d’amour ou de haine. L’animal aussi possède dans sa vie passionnelle une sorte d’instinct d’amour ou de haine; mais ces formes passionnelles doivent être transformées par l’Homme de telle sorte qu’elles ne représentent plus une simple souffrance, mais que la souffrance soit élevée au rang d’une force d’où jaillirait déjà ce qui deviendrait la guérison de cette souffrance – l’amour guérisseur, compatissant, secourable, prêt au sacrifice, c’est-à-dire au-delà de la passion et au-delà de la matière de la chair – l’amour qui vainc aussi la haine, l’élimine dans le processus alchimique d’un tel ennoblissement, comme une scorie. Les forces qui l’aident dans ce travail de transformation sont les forces des signes d’Eau: Cancer, Scorpion et Poissons. Avec leur aide, l’Homme se construit un deuxième échelon pour son ascension hors de l’animalité.
Le troisième champ de travail est le champ de l’Air – le grand royaume de tout ce qui, encore étranger à la plante, vit déjà chez l’animal comme l’instinct de l’intellect et constitue chez l’Homme le royaume de ses pensées et sa vie spirituelle. Si l’Homme n’avait que l’intellect animal, c’est-à-dire seulement la faculté d’être guidé par des motifs constitués par les images-souvenirs de ce qui est lié au plaisir et au déplaisir, il n’aurait pas l’intellect humain, ni ce que nous appelons la « raison », dont le propre est de rendre la vie de la pensée indépendante des pulsions, de la détacher des passions. Mais ce qui fait le travail conscient et alchimique de l’Homme dans le domaine de l’Air est suffisamment étrange, c’est la force d’autonomiser les images-pensées, de les élever complètement hors de la vie pulsionnelle et de les embrasser du regard dans un contexte qu’il a lui-même créé – de les amener dans un système qui se situe au-delà de toute vie de plaisir et de passion, dont la légalité ordonnatrice représente un reflet de la légalité naturelle qui lui est apparue lors de son travail d’ennoblissement dans le règne minéral –; [77] en quelque sorte, la force de cristalliser les connaissances spirituelles et de leur donner un corps spirituel, dans lequel il imprime la trace de son organisation humaine. Ce qui naît de cette manière, c’est avant tout le « concept », l’écriture, le mot sonore et enfin l’œuvre d’art dans la pierre, le son, le mot et l’image – l’art comme sceau spirituel humain le plus élevé dans ce troisième champ de travail. Et c’est également dans ce travail qu’il apprend à séparer et à distinguer entre la vérité et l’erreur, et qu’il s’élabore ainsi le troisième échelon de son ascension hors de l’animalité. Les forces qui l’y aident lui viennent des signes d’air: Balance, Verseau et Gémeaux.
Le quatrième champ de travail est le champ du Feu. S’il tirait des trois champs de la Terre, de l’Eau et de l’Air les nutriments nécessaires à sa croissance et à son ascension de l’animal à l’Homme, ce qui devient ici sa tâche, l’Homme ne l’obtient plus que des profondeurs de sa révélation du moi, de l’attribut proprement humain, du ressenti de ce qui, dans les profondeurs mêmes de l’ipséité, constitue son essence la plus intime – pour reprendre les mots de Kant, le fait de connaître comme la « loi morale en moi », ou ce qui veut en moi comme le miroir d’une volonté suprême et immuable, à laquelle il faut s’adapter, s’assimiler par l’élimination de ce qui lui est contraire. C’est la transformation du noyau humain le plus intime et le plus égoïste en un être qui, par un sacrifice constant de ce vouloir « égoïste », apprend à développer peu à peu le véritable « ego » selon le principe: non pas comme le veut mon moi apparent – existentiel –, non pas comme je crois vouloir, mais comme je dois vouloir, si la loi morale suprême doit conduire par cette volonté à l’autodétermination de mon moi, à la liberté par laquelle l’Homme peut seulement devenir l’héritier à part entière des règnes inférieurs, leur maître institué sur Terre. Les forces qui l’y aident rayonnent vers le bas à partir des signes de Feu: Bélier, Lion et Sagittaire. Grâce à eux, il apprend à faire la distinction la plus importante pour toute son œuvre de développement: la distinction entre le bien et le mal – car c’est d’elle que dépendra son chemin vers le haut, vers la perfection, ou vers le bas, vers le retour au règne animal.
Goethe a merveilleusement illustré ce miracle alchimique de l’incarnation dans le poème Das Göttliche (Le Divin – Traduction Jacques Porchat, 1861) :
Que l’homme soit noble,
Secourable et bon,
[78] Car cela seul
Le distingue
De tous les êtres
Que nous connaissons.Gloire aux être inconnus,
Plus sublimes,
Que nous soupçonnons!
Que l’Homme leur ressemble!
Que son exemple
Nous renseigne à croire en eux. [par l’assimilation alchimique…]
Plus loin Goethe écrit encore:
Selon des lois grandes,
Éternelles, inflexibles,
Nous devons tous
Accomplir les cercles
De notre existence.L’Homme seul
Peut l’impossible:
Il distingue,
Il choisit, il juge; [… les Signes d’Air]
Il peut donner
À l’instant la durée.Lui seul, il peut
Récompenser les bons,
Punir les méchants, [… les Signes de Feu]
Guérir et sauver, [… les Signes d’Eau]
Relier utilement [… les Signes de Terre]
Tout ce qui se trompe, ce qui s’égare.
Et peut-être sommes-nous maintenant en mesure de comprendre quel devrait être le sens de l’ancienne énigme du sphinx – dont la forme populaire nous est parvenue de l’Antiquité sous une forme presque simpliste:
« Quel être, pourvu d’une seule voix, a d’abord quatre jambes le matin, puis deux jambes le midi, et trois jambes le soir ? »
[79] Œdipe résout l’énigme en répondant:
« L’homme – qui rampe à quatre pattes comme un bébé, puis marche sur deux pieds à l’âge adulte, puis utilise une canne dans la vieillesse.»
Mais le sens secret de cette énigme nous conduit à une autre interprétation: « pourvu de quatre jambes » signifie appartenir à la Terre – à la matière, au minéral, dont le symbole scientifique secret était le carré.
Le soir où l’Homme parvient à son achèvement, il s’est élevé vers le Feu, dont le signe est le triangle dont la pointe était dirigée vers le haut.
Et entre les deux, il y a le long chemin de l’évolution, le double chemin alchimique de l’assimilation et de l’élimination, de la liaison et du détachement, le chemin de la séparation et de la distinction.
C’est ainsi que nous voulons conclure aujourd’hui.
Source: Das Testament der Astrologie, tome 1, Oskar Adler, 1930-38