3.1.8. Le rythme du monde: conclusion

Avec cette conclusion de ses aphorismes sur la sagesse de la vie, Schopenhauer nous place à nouveau devant l’expérience fondamentale du rythme du monde – devant la plongée et la contre-plongée du temps dans l’éternité et inversement, devant la plongée et la contre-plongée dans l’océan insondable de la mémoire du monde – plongée et contre-plongée, comme les naïves radactylographes de Chamisso le ressentaient dans leur ronde enfantine.

Mais si nous opposons à cette connaissance d’inspiration ésotérique, qui se poursuit depuis l’époque de Pythagore jusqu’à nos jours à travers toutes les étapes de la recherche astronomique et de la philosophie naturelle, ce que la pensée matérialiste de certains physiciens modernes voudrait substituer à de telles « spéculations mystiques », alors se dresse à nouveau devant nous le spectre d’un hasard insensé qui a produit ici, sur cette Terre, le cas extrêmement rare, sinon unique, de vie organique dans l’univers, car seule cette Terre en présente les conditions: température de tant et tant de degrés Celsius, eau, air, etc. , dans lesquelles seule une « vie » est possible, alors que d’autre part les Planètes ne doivent pas leur origine à un acte de construction, mais à un acte de destruction, c’est-à-dire qu’elles sont des débris d’un deuxième Soleil qui tournait autrefois autour de notre Soleil à la manière des astres doubles dans le ciel des étoiles fixes. Aucun de ceux qui ont bu une seule fois la coupe de la sagesse pythagoricienne ne peut plus y succomber.

Mais pour aujourd’hui, puisqu’il nous importait d’abord de nous fortifier psychiquement et intellectuellement, et aussi moralement, pour la grande tâche qui nous attend, nous voulons laisser agir sur nous les paroles de Kepler par lesquelles il conclut son grand ouvrage Harmonices Mundi. Puissent-elles résonner comme un appel au réveil pour tous ceux qui sont encore prisonniers du sommeil matérialiste!

[…]Tycho Brahe croyait que ces globes n’étaient pas abandonnés et désolés, mais qu’ils étaient remplis d’habitants. Pourquoi donc hésiterais-je à faire en sorte que le changement coloré que nous voyons sur notre globe terrestre soit également réalisé sur les autres globes par le conseil de Dieu? Celui qui a créé les espèces qui habitent les eaux, vers lesquelles ne pénètre jamais le courant d’air qu’aspirent les êtres vivants; qui a placé dans le vaste royaume de l’air des animaux aux [348] ailes brillantes; qui a donné les ours blancs et les renards blancs aux pays septentrionaux enneigés, et qui y fournit des baleines de mer et des œufs d’oiseaux pour leur nourriture; qui a donné des lions aux déserts fumants de l’Arabie, des chameaux aux vastes plaines de la Syrie, et qui les a rendus capables de supporter la faim et la soif: aurait-il épuisé tout son art sur le globe terrestre? Ne devrait-il pas être capable de distribuer sa grande bonté, selon sa volonté, aux autres globes? De les doter richement de créatures adaptées, que ce soit à la longueur et à la brièveté de la période de rotation, à l’éloignement et à la proximité du soleil, aux différences d’excentricités, à l’éclat ou à l’éclipse des lumières célestes qui brillent dans n’importe quelle ligne du ciel?[…]

En suivant des conclusions similaires, nous pourrons également émettre des hypothèses sur la sphère solaire, qui proviennent des harmonies et de tout ce qui s’y rapporte. Elles sont d’un grand poids, et nous pouvons les relier à d’autres suppositions qui appartiennent au règne de la nature et non à celui des esprits, et qui s’accordent mieux avec l’opinion commune. Cette sphère est-elle vide, et toutes les autres sont-elles remplies, alors que tout le reste est convenablement agencé? Comment le Soleil, par les taches qui s’en détachent et qui flottent autour de lui, rayonne-t-il de lumière dans tout son corps de feu et en petites flammes brillantes, de même que la Terre est mouillée par des averses fécondantes et reverdit sans cesse? À quoi peut bien servir une telle manifestation, si le globe terrestre lui-même est en train de flotter dans le vide?

Oh, tous les sens le crient d’un seul coup:

Ici habitent des corps embrasés par le feu, capables de saisir une vision immédiate – ici, dans leSoleil, le feu spirituel règne, sinon en roi, du moins dans sa forteresse royale.

Fortifiés et encouragés par de telles paroles, nous voulons maintenant nous atteler à notre tâche, à savoir explorer avec quelles forces contribuent les différentes Planètes à faire descendre l’image de l’Homme individuel de la perspective éternelle du zodiaque de l’humanité sur la Terre, et à écouter les lois qui sont à l’œuvre dans le grand mécanisme de l’horloge mondiale, dans les rouages secrets duquel nous avons aujourd’hui essayé d’avoir un timide aperçu.

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