2.6.1. Le Bélier

Le Bélier – Aries , la modalité active, masculine ou cardinale du Feu, a déjà été abordé au début de cette série de conférences en raison de l’importance particulière qui lui revient en tant que premier de la série des Signes du zodiaque. Mais aujourd’hui, nous avons affaire à la caractéristique du type d’Homme que représente le rayonnement pur du Bélier. L’activité dont ce rayonnement est l’expression donne à cet Homme fictif pur du Bélier le désir d’une expansion sans limite des impulsions de sa volonté. Toute sa vie, il est sous l’emprise d’un impératif intérieur qui le pousse à porter en avant la loi de sa volonté, sans regarder à droite, ni à gauche, ni même derrière lui, à déborder tous les obstacles et à imposer cette loi à l’adversaire. Mais comme cette volonté ne reconnaît aucune barrière extérieure, pas même celle de la volonté d’autrui, [289] la première et la plus importante caractéristique de l’Homme Bélier est qu’il ne tient pas compte de la nature de ces résistances, qu’elles soient physiques, intellectuelles ou morales. À

l’instar de l’instrument de guerre que les Romains appelaient aries (bélier), il veut lui aussi, selon l’expression qui convient parfaitement ici, foncer tête baissée dans le mur. Ainsi, aux caractéristiques de l’insouciance et de l’absence de scrupules quant aux directives à respecter, s’ajoute celle de l’audace, qui ne mesure pas l’obstacle avant de s’y précipiter. Dans Guillaume Tell, Schiller en donne un exemple frappant:

Si j’étais prudent, je ne m’appellerais pas Tell.

C’est donc de l’audace et de l’inconscience. Tous les moyens sont bons pour arriver à ses fins, sans devoir faire de compromis ou de détours. C’est là une différence essentielle par rapport à l’Homme Capricorne, dont la force persistante dans la poursuite d’un but précis cherche également à surmonter tous les obstacles. Mais alors que le Capricorne, parce que la réalisation de l’objectif concret lui semble la chose la plus importante, sait faire toutes sortes de compromis avec un art véritablement diplomatique, le Bélier n’est absolument pas diplomate, car ce qui lui importe n’est pas du tout d’atteindre un objectif matériel limité qui pourrait mettre un terme à sa volonté, mais d’apporter au monde une loi continue dont lui seul peut révoquer l’application.

On voit déjà à quel point il peut dépendre du niveau de développement de du Bélier de savoir si, doté de forces aussi débridées, il empruntera la voie du salut ou celle du malheur – selon qu’il se tourne vers son moi essentiel ou son moi existentiel. Car le Bélier a aussi affaire à la préparation du chemin, comme la Balance, son Signe opposé. Mais alors que ce dernier crée le chemin mental par la force de la réflexion avant de passer à l’action, le Bélier, tel le bouc, s‘élance au milieu de toutes les résistances, après que la direction lui a été indiquée non par la réflexion, mais par une intuition intérieure à laquelle il fait aveuglément confiance. Mais ici, la différence entre le Bélier tourné vers son moi existentiel et le Bélier tourné vers son moi essentiel apparaît dans la manière dont il s’accroche à cette direction sans se soucier de toutes les inhibitions. Le second obéit à un impératif moral qui lui confère la force du guide, parce qu’il lui donne, [290] avec la foi indestructible dans la force morale de son idéal, le don de voir un chemin là où personne ne l’a encore vu avant lui, et le rend capable de transmettre ce don aux autres. C’est ainsi qu’il est capable d’accomplir le miracle, comme Moïse qui conduisit son peuple à pied sec au milieu de la mer « dont les eaux s’arrêtaient à droite et à gauche comme un mur ». C’est cette foi qui lui donne non seulement l’élan qui emporte tout le monde, mais aussi le courage de poursuivre sans hésitation la voie qu’il a choisie, même en sacrifiant sa vie, en exigeant la même chose de tous ceux qui l’ont rejoint. La lâcheté, voire la tiédeur, sont des pardons difficiles. C’est ainsi que naît devant nous l’idéal du héros, qui a été respecté à toutes les époques, en particulier par les anciens Romains et Grecs – le héros, le conquérant, le libérateur.

Si l’on oppose ce type de Bélier à celui tourné vers son moi existentiel, nous avons probablement devant nous un Homme aux qualités héroïques similaires; il est également courageux, il possède également la capacité de l’élan entraînant de sa volonté, il est également prêt à mettre sa vie en jeu. Mais l’impératif qu’il suit n’a pas de force morale, n’est pas rempli d’une intuition morale soutenue par la foi en un idéal – le chemin qu’il crée n’est pas destiné à donner satisfaction à d’autres que lui-même. C’est pourquoi ce chemin est caractérisé par des phénomènes secondaires qui ne peuvent pas faire partie des caractéristiques de la vie d’un Homme moralement élevé – ce n’est pas le guide qui se trouve devant nous, mais le séducteur; non pas le héros, mais le criminel, pour qui tous les moyens sont bons pour imposer sa volonté, même au prix de toutes les valeurs éthiques. Le mensonge, la calomnie, l’abus de confiance, la trahison, l’inconscience, la cruauté, la froideur, l’indifférence à l’égard des autres et surtout l’irresponsabilité au sens le plus large du terme lui permettent de « marcher sur des cadavres » dans tous les sens de cette expression.

Et pourtant, dans certaines circonstances, il n’est pas si facile de distinguer le type du Bélier supérieur du type inférieur! Tout comme le fou et le sage n’ont souvent pas été reconnus dans leur valeur spécifique. Héros ou criminel? Guide ou égaré fanatique? L’histoire regorge d’exemples montrant comment ceux qui ont été considérés plus tard comme des héros de leur époque ont été pris en leur temps pour des criminels. Car même le héros qui veut chercher une nouvelle voie pour le salut des Hommes doit être dur et [291] toujours prêt non seulement à faire des sacrifices, mais aussi à en exiger!

Pour faire la lumière sur cette question, partons à nouveau de l’organe qui correspond au rayonnement du Bélier dans le corps humain: la tête ou le chef de l’Homme, cette partie de la figure humaine qui est directement tournée vers le ciel, vers le « haut ». Le « crâne », l’extrémité supérieure de la colonne vertébrale (Goethe) formée en capsule (caput), abrite le cerveau; c’est de là que part la transmission de tous les ordres donnés par le « moi » vers les autres organes du corps, par les conduits secrets du système nerveux.

Mais la boîte crânienne n’est pas complètement fermée, elle possède pour ainsi dire des fenêtres pour les organes destinés à recevoir la lumière et le son; par ces fenêtres nous parviennent des messages qui nous informent d’un « extérieur », qui nous habillent en même temps de cet extérieur dans le langage familier de notre « intérieur » – c’est ainsi que cet extérieur perd son étrangeté, qu’il est en même temps dehors et pourtant aussi en nous.

Ce n’est pas le lieu ici d’entrer dans les détails du mystère de la perception sensorielle, ni même d’aborder le problème de la connaissance. Cependant, si, d’une manière ou d’une autre, les images d’un « extérieur » nous parviennent par les organes des sens sous une forme que nous comprenons parce qu’elle correspond à notre nature, ces images ne sont pas pour autant nées en nous. Cela nous suggère une pensée étrange lorsque nous essayons de transposer les allusions que nous venons de faire dans l’ésotérisme. Ne serait-il pas concevable que le crâne, cette extrémité supérieure de la « colonne vertébrale », contienne en son point le plus haut – vertex – une fenêtre invisible aux sens extérieurs, par laquelle les rayons d' »en haut », de tout le ciel étoilé supérieur de la région de la liberté, rayonneraient en lui, lui apporteraient des informations dans le langage apparenté à son moi et compréhensible par lui, sur la grande volonté universelle – la volonté de Dieu? Ce Bélier serait alors le plus évolué, celui qui saurait maintenir cette fenêtre ouverte et placer humblement sa volonté sous la volonté de Dieu qui résonne dans sa « conscience » – comme la lumière dans « l’œil solaire », afin qu’il se souvienne de la force de Dieu en lui, qu’il appelait autrement sa volonté.

Sahasrara – le chakra couronne

Or, ce dont nous parlons présentement dépasse la simple fantaisie; de tout temps, l’ouverture du sommet de la tête, appelée « grande fontanelle« , a été considérée comme l’emplacement d’un organe de l’esprit (les Indiens l’appellent le chakra de l’âme), [292] qui est représenté sur la tête du Bouddha comme une couronne.

C’est une telle couronne, la couronne de la dignité humaine, qui fait de l’Homme le maître de la terre. Le cranium, comme les anciens appelaient le crâne, devient ainsi le lieu de cette couronne royale de l’Homme, qui s’humilie devant la volonté suprême en lui offrant la sienne.

Ce n’est que par ce sacrifice que le Bélier – ou l' »Homme-tête » – peut devenir la tête (le chef)de l’humanité et lui transmettre les ordres de Dieu, en être l’interprète, en tant que législateur des injonctions de l’Être suprême.

Arrivé à ce point, est-il encore nécessaire de dire ce qui nous semble être la caractéristique du Bélier tourné vers son moi existentiel? On dira simplement que lui aussi peut porter une couronne, mais seulement une couronne extérieure, fabriquée artificiellement, qu’il pose sur sa tête, plein d’arrogance, en offrant avec défi son « front » aux « étoiles ».

La Planète qui transmet la force du rayonnement du Bélier est Mars dans sa polarité positive. C’est en lui que réside la force de la séparation. On pourrait aussi l’appeler la force de l’épée sortie de son fourreau ou la force du déverouillage, à qui il est réservé d’ouvrir ou de faire sauter une serrure.

Ce n’est que par une telle force que le cercle de la nécessité peut être brisé au nom de la liberté. Dans l’opposition des deux polarités, Mars en tant que maître du Bélier et du Scorpion, se répète l’opposition déjà connue de toutes les énergies du désir et de la volonté ou de l’épée encore dans le fourreau et de l’épée tirée comme signe de la décision prise.

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