Nous nous tournons maintenant vers le signe du Taureau, taurus.
Il correspond à la modalité Tamas, c’est-à-dire au sexe féminin de l’Élément Terre absolument féminine et est donc, parmi tous les Signes du zodiaque, celui dans lequel la spécificité du féminin se manifeste le plus clairement. Ce Signe de Terre est évidemment également tourné vers la réalité matérielle et trouve dans celle-ci le domaine principal de sa confirmation. Mais [198] cette activité doit être comprise différemment de ce que nous avons pu considérer comme une activité avec le Signe du Capricorne. Il ne s’agit pas du développement de la force dans le sens de l’ensemencement, ni de l’aspiration à intervenir dans le monde extérieur pour le modifier, mais d’une aspiration que nous pouvons peut-être mieux comprendre si nous nous souvenons de l’équation physique: travail = force x charge, où nous devons dans ce cas penser à la charge.
Nous voulons essayer de nous plonger psychiquement et spirituellement dans l’essence de tout ce que nous pouvons appeler l’expérience du vice pur en ce qui concerne le monde matériel.
Le « fardeau » est l’incarnation de toutes les résistances qui s’opposent à l’action de la force, de toutes les résistances qui lui imposent les concessions et les compromis dont nous avons parlé à l’occasion de la caractéristique du Signe du Capricorne. Le Taureau est donc lui aussi un Signe de compromis, sauf que l’intention dans laquelle ils sont conclus est opposée à l’intention dans laquelle le Capricorne fait des compromis. Le Taureau veut ainsi s’assurer le droit à la plus grande inertie possible, le droit d’éviter, autant que faire se peut, tous les changements.
Le Taureau oppose la cohérence de la résistance à la cohérence du Capricorne dans la réalisation de ses objectifs. Nous arrivons ainsi à la première et plus importante caractéristique de la nature du Taureau: le « conservatisme » au sens le plus large du terme.
Le conservatisme, dans toutes ses formes, est le côté féminin, passif, du complexe du travail, saisi de l’intérieur, la conséquence étant le côté masculin. Le conservatisme est la conséquence de l’inactivité, la conséquence de l’inertie et de la paresse.
Que signifie donc cette conséquence de l’inertie et de la paresse sur le plan physique? C’est elle qui assure avant tout la stabilité du monde terrestre, c’est la base de toute solidité, sans laquelle il n’y aurait pas de sol fiable sur lequel on puisse construire. En ce sens, parmi tous les Signes de terre, le Taureau est le plus fort, dans la mesure où il représente le plus purement la particularité de l’Élément Terre.
Si nous essayons de dessiner le type pur du Taureau, nous voyons apparaître l’image d’un Homme qui naît déjà avec une intention inconsciente de résistance passive, avec l’intention d’utiliser tout ce qu’il apporte comme patrimoine héréditaire, qu’il s’agisse de ses prédispositions ou de ses possessions matérielles, qu’il a reçus par son appartenance à une certaine famille, qu’il s’agisse des connaissances ou des préjugés qu’il a reçus de ses parents et de ses enseignants dans sa prime jeunesse, [199] de les conserver et de les défendre à tout prix comme des biens qui lui appartiennent. Appelons la qualité qui en résulte la fidélité. Mais cette fidélité ne doit tout d’abord pas être comprise au sens moral. Derrière elle se cache simplement l’obligation de s’attacher ou le sentiment de dépendance absolue – donc aussi une sorte de servitude ou d’esclavage. Ce service a toutefois un caractère différent de celui que nous avons vu avec le Capricorne. Ce dernier naît avec la tendance à être le maître; c’est le Capricorne le plus évolué, qui sait s’élever par l’humiliation volontaire. Mais le Taureau naît avec une tendance à l’obéissance, qu’il accepte pour ne pas devoir agir sous sa propre responsabilité! C’est pourquoi son désir inavoué est de rester un subalterne et de savoir au-dessus de lui une autorité sous la protection morale de laquelle il se sent en sécurité – et une telle autorité est pour lui avant tout tout le poids entier de la tradition, du conventionnel, de l’héréditaire; c’est cela qui représente qui représente pour lui en premier lieu le rôle du maître responsable. Si nous comprenons ainsi l’essence de la fidélité, nous comprendrons que, selon le niveau de développement de l’être humain, elle peut prendre tous les degrés, depuis l’obéissance au sens propre du terme jusqu’à cette humilité suprême et volontaire qui, en pleine conscience et avec une dévotion sans faille, se place en permanence sous le commandement de ce qui est supérieur et que l’on s’est choisi. Nous allons maintenant prendre cette notion de fidélité comme point de départ pour notre analyse du type Taureau.
Dans les formes inférieures de ce type, elle provient directement du fait que les énergies, qui reposent dans la modalité Tamas de l’Élément Terre, ne commencent à s’activer que lorsqu’elles sont appelées à résister par une force positive; la résistance qui s’éveille alors est destinée à défendre le besoin de persistance avec la tendance à l’exploiter jusqu’au bout. Ce que l’on cherche ainsi à défendre dans le réservoir de l’inertie n’est rien d’autre que le « consolidé » historique, revêtu de l’aura de la piété et de l’invulnérabilité; nous appellerons la fidélité ainsi préservée « la fidélité à la tradition », l’emprisonnement dans ce qui a été transmis, associé au besoin de le défendre comme une forteresse sanctifiée. Tous les Taureaux habitent dans une telle forteresse invisible, construite avec les matériaux de leur tradition, qu’ils soient hérités de leurs ancêtres – les anciens – ou des premières expériences de leur propre vie; et cette forteresse qui leur sert de demeure constitue la force des habitudes auxquelles ils sont attachés avec toute l’intensité de leur désir d’insistance, et qu’ils peuvent trouver douloureux jusqu’à l’insupportable de devoir enfreindre.
Ces habitudes ne se rapportent cependant pas seulement à l’acquis physique, elles n’englobent pas seulement toute l’échelle de l’attachement à ce qui se manifeste directement sur le plan physique, comme la maison et son aménagement, les parents et les amis ou l’occupation, la profession, le programme quotidien, elles englobent aussi les sentiments de toute appartenance à une communauté, comme la famille, la nation, la communauté religieuse ou la tendance politique dans laquelle ils peuvent se trouver.
Sur le plan spirituel, la force de cette habitude éveille une fidélité d’opinion, même si elle repose sur une simple inertie de la pensée, qui se présente d’abord comme une adhésion tenace aux habitudes de pensée prises dans la jeunesse. Elle fait que l’on devient difficilement accessible à d’autres courants de pensée que ceux qui se situent dans sa propre ligne. C’est ici que naît la prédominance de ce que Kant appelle de manière si significative le « bon sens », qui n’est rien d’autre, selon lui, que l’attachement tenace aux habitudes de pensée héritées, l’adversaire le plus persévérant de tout ce qui est réellement ou prétendument contraire à ces habitudes de pensée.
C’est dans la fidélité à l’inertie de la pensée que réside une grande partie de la tragédie du destin de Taureau.
« C’est dans le fait qu’il y a quelque chose dont on ne peut pas se passer », dit Lenau dans une lettre, « que réside la raison de toute tragédie » – « l’éternel passé », comme l’appelle Schiller dans son Wallenstein. Goethe va encore plus loin :
La loi et les droits se transmettent comme une maladie éternelle!
Ils se traînent de génération en génération et se déplacent doucement de lieu en lieu.
La raison devient un non-sens, le bienfait une plaie, malheur à toi d’être un petit-fils!
Mais il serait erroné de ne considérer la nature du Taureau que sous cet angle, qui ne nous révèle que les étapes inférieures du développement du Signe.
Nous recevons la clé d’une interprétation du Signe du Taureau dans un sens plus élevé lorsque nous cherchons à saisir ésotériquement la force d’inertie en tant que telle; elle devient alors la force de la mémoire en tant que gardienne fidèle de tout ce qui est passé. La mémoire de l’Homme [201] est le trésor du passé, et le Taureau est le gardien de ce trésor.
Sans ce trésor, tout ce qui a fait et fera encore l’objet d’une expérience serait toujours perdu. C’est que le Signe du Taureau, comme le disaient les anciens, est l’un des « quatre gardiens ou sentinelles du Ciel », les trois autres étant les Signes Tamas des autres Éléments. Mais si nous nous souvenons maintenant de notre image du semeur, de la semence et du fruit de la récolte, où le signe du Taureau correspond à la semence, il nous apparaît d’un seul coup que cette même semence est à la fois le trésor de tout le passé organique de la culture des champs et en même temps son gardien institué par la nature.
Ce qui caractérise le Taureau tourné vers le moi essentiel, c’est qu’il devient conscient de ce rôle de gardien et de surveillant, comme d’une mission sacrée. Ce qui lui est ainsi confié, c’est le souci de la pérennité de tout ce qui est déjà devenu un bien culturel. Sa mission n’est pas d’aspirer à la nouveauté, mais de conserver ce qui a déjà été acquis et de le tenir prêt à l’emploi, en attendant le moment décisif.
L’inertie du Taureau recèle aussi les qualités de patience et de tolérance, auxquels on peut lier celles qui découle de l’étymologie de taurus: « soigneur », « gardien », « souffre-douleur »!
Si nous nous rendons compte qu’au Taureau correspond dans l’organisme humain la région de la gorge, il nous apparaît tout d’abord clairement que la gorge peut effectivement être appelée un gardien pour tout ce qui doit passer par cette gorge avant d’être incorporé au corps. Dans ce gosier se trouve aussi le larynx ou l’organe vocal; celui-ci est aussi un gardien des poumons. Mais ce n’est pas seulement cette fonction de gardien qui est importante. Les organes pharyngés ne veillent pas seulement sur ce qui entre dans le corps par eux, mais aussi sur ce qui sort par eux. C’est le larynx qui, surtout dans le sens ésotérique, est le gardien et le dépositaire de la parole qui résonne. Tout comme la mémoire est le trésor du passé, la parole est le trésor des connaissances spirituelles. C’est la parole de l’entretien de l’esprit, c’est la Wartburg de l’esprit, qui garantit et préserve le sens.
[202] Mais l’organe vocal n’est pas le seul à faire partie de la région du cou de l’Homme, la nuque et les épaules en font également partie. C’est sur eux que l’Homme charge son fardeau, comme l’Atlas de la légende antique, chargé du globe céleste comme l’un des gardiens du monde.
Le fardeau que le Taureau doit porter sur ses épaules est une sorte de sphère céleste en miniature, c’est la masse de la tradition de l’Histoire cosmique du développement humain sur Terre, le patrimoine culturel de la semence humaine. Qu’il la porte et la soigne, qu’il lui soit dévoué dans un entretien fidèle, comme la femme porte dans son ventre – en espérant et en attendant – la semence de l’embryon de Dieu qu’est l’être humain. Tout cela nous apparaît encore plus clairement si nous pensons à la Planète à laquelle est confiée la radiation du Taureau: Vénus!
Sans anticiper sur la partie ultérieure de notre enseignement qui sera consacrée au monde Planétaire, nous voulons comprendre cette Planète comme étant la représentante de ce que nous avons appelé la dernière fois l’Éternel-Féminin. C’est elle qui donne à l’Homme la force du venerare, c’est-à-dire du regard d’adoration vers le haut, par lequel seul les impulsions du niveau supérieur peuvent s’infiltrer en lui et le féconder. Nous obtenons ainsi l’effet le plus élevé du rayonnement du Taureau sur l’Homme: la force de la tolérance et de la dévotion pleine d’espoirs envers le plus haut et le plus élevé – c’est le côté moral de ce rayonnement.
Le symbole de cette partie du zodiaque nous révèle de la manière la plus forte ce que nous pouvons considérer comme sa mission dans ce sens élevé: le demi-cercle ouvert vers le haut au-dessus du cercle – le symbole féminin au-dessus du symbole masculin – signifie la position de celui qui prie et remercie ou de celui qui s’attend à l’humilité féminine pour être assuré de l’impulsion créatrice supérieure. Si nous opposons à nouveau le type supérieur au type inférieur du Taureau, toutes les caractéristiques dont nous venons de parler se transforment de la même manière, comme nous l’avons déjà expliqué à propos du Signe du Capricorne. La « limitation » dans tous les sens du terme devient le signe caractéristique de toutes les modifications du complexe du Taureau.
Sa fidélité est comme celle du chien, elle est obéissance et provient de la soumission servile de tout son être au commandement d’une tradition qui, instituée par lui-même, devient la mesure de tout ce qu’il s’autorise à penser et à faire. À côté de lui se promène toujours invisiblement le fantôme d’une « autorité » qui devient pour lui [203] l’instance suprême inappelable sur laquelle il jure. Et la parole règne sur le sens, la lettre sur l’esprit.
En somme, tenez-vous-en aux mots,
Puis, en passant par le même pilier,
Vers le temple de la certitude.
Lui aussi est prisonnier de lui-même, attaché à la Terre et lui vouant une profonde superstition qu’il défend avec une extrême obstination, prêt à condamner tout ce qui n’a pas poussé sur son sol, image déplaisante d’un Homme dont la profession principale est d’être le collectionneur, qui constitue un trésor de toutes les valeurs mortes, dont il refuse l’usage à lui-même comme aux autres! Le gardien de sa propre relique!