[136] Il nous incombe maintenant de construire, sur la base des connaissances acquises au cours de nos considérations générales (tome I), l’édifice doctrinal de l’astrologie, au centre duquel se trouve l’Homme, l’Homme dans son individualité. Ce n’est pas dans les profondeurs primitives de son être conscient, ce n’est pas dans la profondeur d’une auto-observation orientée vers les particularités de sa nature physique, psychique, spirituelle et morale, ni dans les méthodes extrêmement raffinées de l’analyse moderne de l’âme et du caractère, que la connaissance de l’essence de cet Homme individuel pourra être acquise par l’astrologie; car le chemin qu’elle doit emprunter pour atteindre le mystère de l’homme individuel est presque inverse. En effet, comme l’Homme individuel représente pour elle une sorte d’image projetée du cosmos, ce qui fait sa spécificité va bien au-delà de ce qui lui est directement accessible dans sa conscience par la simple observation de soi et l’analyse, et s’étend au-delà dans les profondeurs du monde! C’est ainsi que l’image de projection de l’univers, telle qu’elle est visible ici sur Terre sous la forme de chaque être humain, ressemble à l’ombre portée qu’un objet placé dans le trajet des rayons de la lumière projette sur une surface.
Cet objet placé sur le chemin des rayons de l’univers peut être considéré comme la véritable essence de l’Homme individuel, et l’ombre portée comme sa forme d’apparition sur Terre, telle qu’elle se présente non seulement aux Hommes de son entourage, mais aussi à lui-même. Toute la psychologie pratique, au sens le plus large du terme, et même tout ce que nous pouvons appeler la connaissance de l’Homme, a à voir avec l’analyse de cette ombre portée.
La compréhension astrologique de l’être humain essaie cependant d’aller dans les profondeurs de l’univers pour y trouver non seulement cet « objet » dont l’ombre sur Terre représente cet Homme au sens ordinaire du terme, mais aussi pour découvrir les caractéristiques particulières qui font que cette ombre portée devait se présenter ainsi et pas autrement au moment de sa naissance [137] ou de la première apparition de sa projection terrestre. Attardons-nous un peu sur cette comparaison, qui ne doit servir qu’à simplifier, pour nos besoins, tout ce dont nous avons parlé dans l’introduction.
Il ne fait aucun doute que la nature de cette image de projection dépendra de différents facteurs, dont les principaux devraient être les suivants:
1. L’intensité de la lumière cosmique.
2. La perméabilité de l’objet – appelons cela le degré de sa « résistance » cosmique.
3. La plus ou moins grande « proximité de la Terre ».
Nous pouvons considérer l’intensité de la lumière cosmique comme une constante; la « résistance cosmique » est pour nous un signifiant du degré de développement de cet « objet » l’échelle alchimique et la « proximité » de la Terre est le degré de son imbrication dans la masse héréditaire terrestre. Mais l' »objet » lui-même est pour nous la véritable essence de l’Homme individuel que nous plaçons au centre de l’astrologie, que nous voulons reconnaître astrologiquement.
Cette comparaison devrait tout d’abord mettre en évidence la différence qui existe entre la connaissance psychologique et la connaissance astrologique de l’Homme.
La psychologie applique son étude à l’ombre portée de l’Homme; en comparant de nombreuses ombres portées de ce type, elle peut elle aussi parvenir à l’image d’un type d’Homme de plus en plus général – à l’abstraction « Homme », tout en étant consciente que ce type d’Homme général ne signifie pas une réalité, mais une image idéale ou, comme tout concept générique en pratique, une représentation auxiliaire.
L’astrologie tente de s’emparer de ce noyau humain flottant librement entre la Terre et le monde des étoiles, de l’étudier pour lui-même et ensuite son ombre terrestre, en tant que lumière céleste qui a fait son apparition sur Terre.
La connaissance pratique de l’Homme part – et doit partir – de l’individu empiriquement donné et de ses comportements, qui en sont les signifiants de la nature de l’Homme; elle cherche à les interpréter par analogie avec ce qui lui est devenu accessible [138] par l’auto-observation de la nature intérieure de l’Homme. C’est pourquoi il y aura peut-être autant de types de connaissance pratique de l’Homme qu’il y a d’Hommes qui s’efforcent d’acquérir une telle « connaissance de l’Homme ». Mais l’approfondissement d’une telle connaissance de l’Homme dépend ensuite très fortement du degré auquel les malentendus qui s’installent nécessairement contribuent à réapprendre par eux-mêmes dans quelle mesure l’évaluation de son propre être et son utilisation comme clé de la connaissance d’autrui ont besoin d’être corrigées, de sorte que finalement cette voie de compromis, qui a certes l’apparence d’un circulus vitiosus, mais qui peut en réalité se trouver au début de toute connaissance de l’Homme orientée ésotériquement, gagne de plus en plus en importance lorsqu’elle est saisie dans toute sa profondeur. Cette voie de compromis exigera: Juger les autres d’après soi – et se juger d’après les autres.
Schiller exprime toutefois cette exigence d’une manière un peu différente:
Si tu veux te connaître toi-même,
Regarde comment les autres s’y prennent,
Si tu veux comprendre les autres,
Regarde dans ton propre cœur !
Comme il apparaît clairement, il n’est pas du tout question ici de connaissance des Hommes, mais de la connaissance de soi et, en second lieu seulement, de la compréhension des autres, et non de la connaissance.
Que pouvons-nous donc attendre d’une telle connaissance pratique des Hommes, que pouvons-nous attendre de la psychologie pratique, c’est-à-dire de la psychologie générale appliquée à l’individu?
Comme le dit si bien Schiller, nous n’avons accès aux autres Hommes que par leurs « activités », une « activité » que nous pouvons, dans le meilleur des cas, comprendre dans la mesure où nous trouvons quelque chose de semblable en nous-mêmes!