Nous sommes partis du principe selon lequel l’astrologie nous apprend à reconnaître le contexte cosmique inaltérable dans lequel l’être humain est enfermé. Nous avons essayé de prendre conscience de ce lien en tant que communauté de vie organique et nous nous sommes efforcés de le comprendre à la lumière de la pensée des sciences naturelles et des sciences secrètes. Mais alors qu’il s’agit d’édifier pièce par pièce le savoir astrologique sur les [127] bases des connaissances acquises, il nous semble qu’un sentiment étrange veut s’emparer de nous, sentiment qui s’exprime difficilement par des mots, dont le contenu n’est peut-être pas sans ressembler à celui qui était à la base de la question angoissée du psaume 8, mais qui, par contraste, semble presque posséder le caractère de la révolte. Car ce n’est pas de la question de mon inutilité ou de mon importance qu’il s’agit maintenant, ce n’est pas ce doute de l’âme qui veut en cette heure s’arracher des profondeurs de l’inconscient, mais quelque chose que nous pourrions peut-être habiller de ces mots: Pourquoi est-ce que c’est moi qui ai été appelé pour ce travail qui m’est confié par le commandement des étoiles, pourquoi est-ce que c’est moi – pourquoi pas un autre?
Or, cette question n’entre pas, semble-t-il, dans le cadre de l’astrologie, mais dans celui de l’intérêt qu’on peut porter pour la connaissance astrologique – de son intérêt pratique!
Car si j’ai déjà appris que le travail qui m’est attribué ne peut être accompli que par l’ego, le moi existentiel qui est m’accompagne au moment de ma naissance, pourquoi m’est-il échu, pourquoi ai-je dû prendre sur moi le sort de venir à la vie ici à ce moment-là, pourquoi pas à une heure stellaire plus heureuse, comme par exemple mon voisin plus heureux? Son champ pousse sans trop de peine, tandis que le mien est un sol dur et pierreux qui ne porte que de maigres fruits. Et quand mon œuvre sera terminée et que je devrai partir, qui me récompensera si mon moi s’enfonce à nouveau dans le grand océan du non-être pour toujours? Et ma deuxième naissance, ne serait-elle finalement qu’une pieuse illusion? Ou me promet-elle – ce dont je n’ose à peine penser – une existence supérieure après mon existence terrestre?
Si je pouvais me fier à une telle promesse, alors seulement je pourrais me consacrer avec une âme libérée à l’étude de la sagesse des étoiles.
Que personne n’ait honte de telles pensées! Schiller lui-même, dans une phase sombre de sa vie, a écrit le poème Résignation, qui se termine par ces mots désolants:
Ta foi était ta chance. Ce que tu as refusé à la minute, ne te rendra pas l’éternité!
Que personne n’ait honte de telles pensées – mais que chacun s’efforce d’échapper à leur force oppressante !
Il est rapporté que de telles questions furent une fois posées au Bouddha Gautama, bien que sous une autre forme.
[128] D’où vient, lui demanda-t-on, que parmi les Hommes, l’un naisse riche, l’autre pauvre, l’un avec un beau corps, l’autre avec un corps laid, l’un avec de grands dons spirituels ou physiques, l’autre sans talent et faible, l’un est un enfant heureux toute sa vie, l’autre est malheureux toute sa vie durant?
Et le Bouddha répondit – tout est karma, c’est-à-dire l’effet ou le fruit des vies passées du natif!
À ce stade, il peut être réconfortant de penser que la vie terrestre actuelle n’est qu’une des nombreuses vies qui se succèdent et que chacune d’entre elles peut, dans une certaine mesure, réparer ce qui a été gâché lors d’une vie précédente, et que ces vies successives correspondent en quelque sorte aux deux phases de la vibration de la vie, dont l’une, la phase diurne, se situe entre la naissance et la mort, et l’autre, la phase nocturne, entre la mort et une nouvelle naissance; et cette oscillation périodique de mon être ne devrait-elle pas se poursuivre, selon la même loi, au-delà de mon existence présente, vers un avenir auquel je serais capable de travailler consciemment dès maintenant, à partir du moment où cette pensée deviendrait presque certaine pour moi en raison de ma connaissance des lois cosmiques? Et les plus grands esprits qui ont pu devenir les guides de l’humanité n’ont-ils pas déjà marché sur les traces de cette pensée?
« … car j’ai la ferme conviction que notre esprit est un être de nature tout à fait indestructible, qu’il progresse d’éternité en éternité, qu’il est semblable au soleil, qui semble seulement se coucher à nos yeux terrestres, mais qui en réalité ne se couche jamais, mais continue à briller sans cesse ».
s’exclame Goethe (Eckermann)!
Et Gotthold Ephraim Lessing d’aller encore plus loin! Souvenons-nous des mots avec lesquels il conclut son traité sur l’éducation du genre humain:
« Pourquoi chaque individu n’aurait-il pas pu exister plus d’une fois dans ce monde? Cette hypothèse est-elle si ridicule parce qu’elle est la plus ancienne, parce que l’intelligence humaine, avant que les sophismes de l’école ne l’aient dispersée et affaiblie, y est aussitôt tombée? Pourquoi n’aurais-je pas déjà fait ici tous les pas vers mon perfectionnement, que des peines [129] et des récompenses seulement temporelles peuvent apporter aux Hommes? Et pourquoi pas une autre fois celles que les perspectives de récompenses éternelles nous aident si puissamment à faire? Pourquoi ne reviendrais-je pas aussi souvent que je suis capable d’acquérir de nouvelles connaissances, de nouvelles compétences? Est-ce que je fais tant de progrès en une seule fois, que cela ne vaille pas la peine de revenir? Pour cette raison? Ou parce que j’oublie que j’y suis déjà allé? Je suis heureux de l’oublier! Le souvenir de mes états antérieurs ne me permettrait de faire qu’un mauvais usage de l’état présent. Et ce que je dois oublier maintenant, l’ai-je donc oublié pour toujours? Ou parce que tant de temps serait perdu pour moi? – Perdu? – Et qu’ai-je donc à perdre?
Toute l’éternité n’est-elle pas à moi ? »