Retour sur les législatives hollandaises du 22.11.23

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  • Post last modified:28 novembre 2023
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Des élections législatives anticipées ont eu lieu aux Pays-Bas le mercredi 22 novembre à la suite de la démission du Premier ministre Mark Rutte en juillet, causée par un éclatement de sa majorité. Après 13 ans au pouvoir — depuis 2010, en s’appuyant sur trois coalitions centristes différentes successives —, Mark Rutte ne se représentait pas aux élections. Il aspire désormais à des postes internationaux prestigieux, à l’ONU, l’UE, l’OTAN – il est fortement question de lui comme prochain secrétaire général de l’OTAN. En attendant, il assure l’intérim gouvernemental, ce qui pourrait se prolonger pour un bon moment encore.

Les élections législatives néerlandaises, renouvelant l’intégralité des 150 sièges, ont lieu au scrutin proportionnel avec un seuil de qualification très faible (actuellement de facto à 0,67 % des voix). La participation à ce scrutin a été de 77,8% des 13,2 millions d’inscrits, soit 10,4 millions de suffrages exprimés. De ce fait, depuis un demi-siècle, les grands courants politiques, socialistes, libéraux, écologistes, se retrouvent représentés par deux ou trois partis concurrents, dont les divergences
historiques à l’origine des schismes ont été souvent oubliées.

Un seul courant se distingue, le courant patriotique, subdivisé aussi en différents partis. Contrairement aux sondages, qui prédisaient une égalité quasi-parfaite entre les trois principaux partis politiques, à
un peu moins de 20 % en moyenne, le parti patriotique néerlandais PVV [Parti Pour la Liberté], mené par Geert Wilders, est arrivé nettement en tête, devenant le premier parti des Pays-Bas avec 23,5% des voix (+12,7) et 8 points d’avance sur les suivants!

Pourtant,

  • avec 37 sièges (+20), il est très loin de rassembler une majorité de 76 sièges. Le PVV est suivi par les quatre grands partis plus traditionnellement au centre du jeu politique et du gouvernement.
  • Le deuxième parti est le PvdA-GL, une alliance socialisto-écologiste, menée par Frans Timmermans, avec 15,5% des voix (+4,6) et 25 sièges (+8).
  • Le troisième est le VVD, libéral, classé parfois comme « droite de gouvernement » relativement au contexte néerlandais, sans que ce soit un vrai parti conservateur.
  • Le VVD est le parti de Mark Rutte, mené par Dilan Yesilgöz-Zegerius — fille d’immigrés kurdes de Turquie —, qui a obtenu 15,2% des voix (-6,7) et 24 sièges (-10).
  • Le quatrième est le NSC, Nouveau Contrat Social, de Pieter Omtzigt, libéral aussi, mais nouveau parti reconstruit sur les ruines de la démocratie-chrétienne, qui aurait une nuance de populisme dénonçant des élites traditionnelles corrompues, avec 12,8% et 20 sièges.
  • Le cinquième est le D66, libéral, avec une forte nuance progressiste et de libéralisme sociétal avancé, amené par Rob Jetten, avec 6,2 % des voix (-8,8) et 9 élus (-15).

Les deux grands partis historiques de la coalition sortante, le VVD et le D66, ont été manifestement sanctionnés par les électeurs. Mais la réalité politique, loin des hauts cris médiatiques sur « l’extrême droite » de Geert Wilders formant le gouvernement à La Haye, est qu’un parti patriotique en tête d’un scrutin, en nette progression certes, au milieu de l’hystérie du reste de la classe politique, aura bien du mal à former un gouvernement de coalition. Les libéraux, les socialistes, les écologistes risquent en effet de reconstituer une majorité alternative – au fond, en les additionnant tous, on retrouverait ainsi le grand parti macroniste…

À moins que le PVV nous fasse une Meloni… En effet, si le PVV propose de cesser immédiatement toute immigration, légale ou non et renvoyer les délinquants étrangers, il est – en même temps (et comme les « élites » du RN) – un champion de la culture LGBTQI+ et de l’avortement.

Quoi qu’il en soit, il est naturel qu’en régime parlementaire il ne suffise pas d’arriver en tête du scrutin pour diriger le pays. Cette mésaventure est arrivée récemment au PiS, toujours premier parti de Pologne, mais battu par une coalition de gauche au final, ou le PP en Espagne, battu par une coalition de gauche élargie aux séparatistes catalans. Toutefois, certains observateurs n’excluent pas des surprises, comme une entente des populistes, entre le PVV et le NSC; contrairement aux autres “grands” partis, Peter Omtzigt n’avait pas rejeté absolument une telle hypothèse lors de la campagne. Les négociations peuvent durer très longtemps – le gouvernement précédent avait mis dix mois de tractations intenses avant de se former effectivement…

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