2.6. Les Signes de Feu: Généralités

[278] Notre tâche aujourd’hui est de discuter des Signes de Feu: Bélier, Lion et Sagittaire. Nous terminerons ainsi l’analyse des différentes zones de rayonnement du zodiaque.

Parmi les quatre régions Élémentaires, la région du Feu est la plus positive et représente le principe absolument masculin au sein de l’entité humaine, correspondant au noyau du Moi ou à la volonté. La volonté est l’expression de vie adéquate pour le Moi. Dans l’échelle des êtres de bas en haut, l’Homme est le premier à développer la relation « je », le premier à être capable de s’opposer consciemment à un « non-moi » et à se délimiter dans son corps par rapport à un « extérieur »; c’est le premier être sur cette échelle qui, comme nous l’avons déjà expliqué, peut appeler sien un corps physique, qui représente donc la correspondance physique de ce qui, vécu intérieurement, lui est révélé comme son moi. Or, cette expérience du moi est elle-même le véritable et plus grand mystère de la nature humaine; c’est sur elle que repose, comme nous l’avons montré dès le début, la possibilité de toute connaissance exotérique.

Aujourd’hui, alors qu’il nous incombe d’examiner la partie du spectre zodiacal d’où émane le rayonnement de la qualité Feu, nous devons nous plonger dans l’expérience du moi et surtout nous rendre compte de la relation qui existe entre le moi et l’Élément feu. Rappelons-nous que nous sommes, selon les quatre Éléments:

  • des êtres agissants – l’Homme de l’Élément Terre;
  • des êtres souffrants – l’Homme de l’Élément Eau;
  • des êtres pensants – l’Homme de l’Élément Air;
  • des êtres doués de volonté – l’Homme de l’Élément Feu.

[279] Il nous incombe donc aujourd’hui d’examiner le rapport plus étroit entre le vouloir en tant qu’expression de la qualité Feu et le Moi en tant que la facette la plus élevée de la nature humaine: ce que nous appelons « notre Moi » se révèle-t-il vraiment le plus purement dans notre capacité de vouloir? Est-ce que « je » est ce qui en nous « veut »? – le porteur autonome de la volonté?

On ne trouvera pas notre Moi dans notre corps – d ans la matière de notre corps. On peut peut couper des parties du corps, le Moi reste inchangé: l’essence du Moi ne se trouve pas dans le corps. Comme Gautama Bouddha l’a enseigné à ses disciples, nous aussi nous pouvons dire des membres de notre corps: certes, ce corps m’appartient, il est mon corps, mais ce corps n’est pas moi, il n’est pas mon Moi, les lois selon lesquelles la vie organique s’y déroule sont hors du domaine de mon Moi.

Mais peut-être mon Moi se trouve-t-il dans l’âme, dans mes passions, mes désirs, mes douleurs et mes convoitises? Non – ici aussi, nous devons confesser: ce n’est pas Moi, ce n’est pas mon Moi. Car tout désir et toute convoitise sont des souffrances, quelque chose qui m’arrive, qui veut me dominer et m’enchaîner, qui m’abat et me subjugue – qui voudrait donc plutôt me priver de mon Moi! Ça ne peut pas être Moi.

Mais peut-être ma pensée, alors! Dans la pensée, je suis peut-être tellement contenu que cette pensée est entièrement mienne, de sorte que je dois dire ici, que je connaisse ou que je me trompe: ceci est mon Moi, ceci est Moi! En effet, à l’entrée de l’époque de la philosophie moderne se trouve l’acte d’esprit d’un Homme qui a prononcé la phrase audacieuse: Cogito, ergo sum – « Je pense, donc je suis! » Car si je doute de tout, je ne peux pas douter du fait que je doute. Avec le fait que je doute, mon existence est également assurée de manière irréfutable.

Mais douter, est-ce penser? Ou bien le doute est-il plus qu’une simple pensée? En effet, des penseurs ultérieurs ont objecté à Descartes que sa célèbre phrase était en fait, à bien y regarder, une conclusion circulaire; il aurait dû dire: « il pense », puisque la pensée en tant que telle ne contient pas de relation avec le Moi. Réfléchissons-y: toute logique n’est-elle pas pour la pensée une contrainte à laquelle il n’est possible à aucun Homme, tant qu’il pense logiquement, de se soustraire, tout comme les désirs, tant que nous ne leur résistons pas? Mais si chacun de nous doit penser que deux fois deux font quatre, et que cette conclusion est inéluctable dans la pensée, alors, en vérité, [280] mon Moi n’est pas non plus dans cette pensée, qui, dans sa nécessité, passe par-dessus ma tête. Dans la pensée, mon Moi n’est donc pas là, mais dans le doute, oui. Car le doute n’est pas du tout une pensée, c’est une révolte, c’est ma révolte contre la contrainte d’une logique qui, même si elle est vécue dans ma tête, la dépasse: deux fois deux, c’est quatre, même sans Moi! Mais le doute, il ne peut pas exister sans Moi.

Descartes aurait dû s’en tenir là: non pas cogito – ergo sum, mais dubito – ergo sum, non pas « je pense – donc je suis », mais « je doute – donc je suis ». Le doute n’est pas en premier lieu une affaire intellectuelle, mais une affaire morale, c’est une révolte contre une sorte de contrainte intellectuelle, c’est l’expression de la soif de liberté d’une volonté dont dépend d’abord la sanction de toutes les connaissances intellectuelles, à laquelle est donc réservée la décision finale.

Ce caractère proprement moral de toutes les décisions dans le domaine intellectuel a été reconnu avec une acuité particulière par le philosophe Franz Brentano, qui a déclaré que tout « jugement » logique, même le plus simple, est en réalité un jugement moral, car il exprime que, du côté de celui qui juge, un état de fait est soit « reconnu » soit « rejeté ». Reconnaître ou rejeter sont des actes de volonté auxquels est ainsi accordée l’instance suprême, même dans le domaine intellectuel. Ce qui est incompatible avec la moralité en Moi ne peut pas être vrai!

Ainsi donc, René Descartes aurait-il dû dire: « Je veux – par conséquent, je suis »?

Pas non plus: celui qui est convaincu de vouloir peut s’épargner le « par conséquent ». Dans la volonté consciente se trouve directement l’expérience duMoi. C’est pourquoi Arthur Schopenhauer voit dans la volonté le substrat ultime et originel de tout être.

L’action, la souffrance et la pensée ne reçoivent la relation au Moi qu’à partir du vouloir. Ce n’est que par ce dernier que l’action, la souffrance et la pensée sont élevées au niveau de l’Homme.

Que signifie donc vouloir – qu’est-ce que la volonté? Comme le Moi – son substrat – elle est sans doute le dernier et le plus profond mystère pour l’Homme.

Rudolf Steiner a souligné à plusieurs reprises que, de même que le Moi de l’Homme n’en est qu’aux prémices de son développement, la volonté en nous est encore peu éclairée par la conscience. Il est donc compréhensible que le désir et la volonté soient si souvent difficilement ou pas du tout distingués l’un de l’autre. Nombreux sont les Hommes qui ne parviennent à la conscience de leur vouloir que lorsque la volonté est déjà passée à l’acte. Il arrive qu’ils reconnaissent ensuite, avec stupeur, que ce qui a été réalisé par leur action n’était pas du tout leur véritable volonté – ils n’ont pas du tout voulu agir ainsi! Mais alors, à quoi reconnaissons-nous l’essence réelle de la volonté?

Essayons tout d’abord de saisir le rapport entre le monde du Feu et les trois autres mondes, tel qu’il se révèle à la conscience de l’Homme. Nous avons déjà parlé en détail de la relation de ce monde avec le monde de l’Élément Terre. Cet Homme voit partout à l’œuvre, derrière les lois physiques, une volonté dont l’immuabilité est précisément l’expression ultime et irrévocable de la loi naturelle.

Mais ce fait même nous amène presque immédiatement à établir une analogie entre ce rapport et le rapport entre le monde du Feu et le monde de l’Air, le monde des pensées:

+ + +

+ – +

Si la découverte de telles lois naturelles par l’être humain est déjà en soi son acte intellectuel, cet acte intellectuel est précédé dans l’esprit même de quelque chose qui ressemble à une croyance immédiate en l’existence d’une chose telle qu’une loi en général! Or la loi présuppose une force qui est capable non seulement de la donner, mais aussi de lui conférer une validité irrévocable. Quelle est cette force capable de donner non seulement à la nature, mais aussi à la pensée, la loi irrévocable, la loi de la nature et la loi de la pensée, et de les relier entre elles? Qui a donné à la pensée la loi de sa cohérence – la transposition de la loi naturelle du domaine Terrestre dans le domaine intellectuelle (Air)? Si je peux supposer derrière l’immuabilité des lois de la nature une volonté dont l’inflexibilité garantit leur validité absolue, alors je dois logiquement supposer cette même volonté inflexible derrière les lois de la pensée comme gage de la vérité, contre laquelle il peut y avoir bien des révoltes dans l’esprit, mais qui doit finalement rester aussi impuissante que la révolte contre la loi naturelle.

Et pourtant, c’est de cette révolte et de son dépassement que part l’expérience du « Moi », car c’est en elle que se manifeste ce qui est sa caractéristique essentielle: la force morale de la décision qui se manifeste dans l’acceptation ou le rejet.

[282] Mais de même que toute connaissance orientée vers la nature doit s’égarer si elle se méfie de l’immuabilité d’une volonté conséquente sous-jacente, de même toute connaissance intellectuelle, si elle se méfie de l’immuabilité de la logique – si elle ne se fie pas à des forces directrices ultimes de la vérité, qui sont à la base de toute pensée, qui apparaissent bien à l’intérieur de la pensée, mais qui ne peuvent pas avoir été créées par celle-ci et qui ne peuvent donc pas être connues autrement que par la foi, qui n’est elle-même rien d’autre que la confiance morale en une volonté suprême immuable, qui est la loi elle-même, la volonté de Dieu, dont l’écho dans la conscience de l’individu n’est plus maintenant le simple « savoir », mais la mesure indicative inviolable du savoir: la « conscience ».

Mais la sagesse, où se trouve-t-elle? Où est la demeure de l’intelligence?

L’homme n’en connaît point le prix; elle ne se trouve pas dans la terre des vivants.

L’abîme dit: Elle n’est point en moi; et la mer dit: Elle n’est point avec moi.

D’où vient donc la sagesse? Où est la demeure de l’intelligence?

Elle est cachée aux yeux de tout vivant, elle est cachée aux oiseaux du ciel.

C’est Dieu qui en sait le chemin, c’est lui qui en connaît la demeure;

Car il voit jusqu’aux extrémités de la terre, Il aperçoit tout sous les cieux. [Terre]

Quand il régla le poids du vent, et qu’il fixa la mesure des eaux, [Air]

Quand il donna des lois à la pluie, et qu’il traça la route de l’éclair et du tonnerre, [Eau]

Alors il vit la sagesse et la manifesta, Il en posa les fondements et la mit à l’épreuve. [Feu]

Puis il dit à l’Homme: « Voici: la crainte du Seigneur, c’est la sagesse; s’éloigner du mal, c’est l’intelligence.

Job 28:12-14… 20-21… 23-28

Si nous posons maintenant la question du rapport entre le monde du Feu +++ et le monde de l’Air +–+, il nous apparaît clairement que toute recherche du « Moi », et donc de la volonté, s’exprime ici dans une sorte de confession, qui devient dans tous les cas une profession de foi, qui seule indique la direction de la pensée et de sa recherche – et que [283] personne ne peut connaître autre chose que ce qui se trouve dans la direction de sa foi. C’est pourquoi, ici aussi, chaque décision, telle qu’elle s’exprime selon Brentano déjà dans le « jugement » le plus simple (p. ex. « il pleut »), devient une sentence morale, une profession de foi derrière laquelle se tient, en tant que force de jugement, notre part à la volonté générale – c’est-à-dire notre sujet moral.

En ce qui concerne le rapport avec le monde Aquatique, une certaine analogie avec le rapport entre le monde Aérien et le monde Terrestre est indéniable:

Feu + + + – – – Terre

Eau – + – + – + Air

Cette particularité s’exprime aussi assez clairement par les Planètes qui règnent dans les sections correspondantes du zodiaque. Saturne, Vénus, Mercure, qui dominent les Signes de Terre dans leur polarité féminine, sont les Maîtres des Signes d’air dans leur polarité masculine:

  • Capricorne – Saturne + Verseau
  • Taureau – Venus + Balance
  • Vierge – Mercure + Gémeaux

Il en va de même pour le Feu et l’Eau, même si le Soleil et la Lune, qui n’ont pas de double polarité, n’apparaissent qu’une seule fois:

  • Bélier + Mars – Scorpion
  • Lion + Soleil / Lune – Cancer
  • Sagittaire + Jupiter – Poissons

Ce rapport peut donc être considéré de la même manière que le rapport entre l’Air et la Terre. En effet, de même que les formes vues dans le mental pouvaient être considérées comme les archétypes de ce qui est visible dans le physique en tant que forme concrète, revêtues de la couleur de la matière, mais pour cette raison même imparfaites et nécessitant des modifications, [284] de même les désirs et les passions sont une sorte de coloration terrestre de ce qui, dans le règne du pur vouloir, représente l’archétype proprement dit. Et de même que les formes pures s’impriment simplement dans la matrice matérielle du monde terrestre et n’apparaissent donc que comme une sorte de négatif, de même les désirs et les passions ne sont qu’une sorte de négatif ou d’empreinte psychique dans le domaine de la substance de l’âme de nature féminine. Et de même que la matière, à laquelle sont liées les formes qui apparaissent dans le monde de la substance, obéit aux lois physiques, mais que la forme se trouve au-delà de ces lois, soumise à des lois de l’esprit, de même la volonté, qui apparaît dans le monde psychique sous le reflet trouble des désirs et des passions, se trouve en réalité au-delà des lois qui régissent la vie psychique, directement soumise à la seule loi morale.

Les désirs et les passions meurent de leur accomplissement – la volonté est immortelle. C’est pourquoi tous les désirs sont en fait amoraux et sans conscience – des manifestations de la volonté tombées dans la temporalité et devenues impuissantes. Cela vaut aussi bien pour les « mauvais » que pour les « bons » désirs, car ils visent des accomplissements qui doivent avoir lieu sans notre intervention et donc sans aucune responsabilité de notre part. Ceux qui doutent de la nature amorale de tels souhaits comparent la dépense d’énergie morale des millions de personnes qui souhaitent « bonjour » et « bonsoir » avec la dépense d’énergie de celui qui contribue par ses propres moyens à préparer un vrai bon matin ou un vrai soir à son prochain.

Mais la différence essentielle entre désirer et vouloir réside dans le fait que tous les désirs sont tournés vers le passé, car leur contenu vise à être délivré d’un état d’insatisfaction, de douleur ou de souffrance, sans pouvoir mettre sa propre force au service de cette délivrance. Désirer, c’est se vivre dans le tragique de l’inéluctable, sans trouver la force de se libérer. Tous les désirs sont orientés vers l’obtention d’objectifs temporels – la volonté est intemporelle – orientée vers un avenir éternel.

Vouloir est toujours orienté vers l’avenir, c’est la force portée par la foi de résister aux séductions et aux attraits qui montent de l’âme et qui veulent l’enchaîner à des accomplissements temporaires et éphémères, au nom de l’éternité, comme la forme résiste à la matière. Celui qui sait résister aux désirs sait ce que signifie « vouloir ». Mais celui qui peut s’éprouver dans cette énergie opposée aux désirs, celui-là seulement s’est approché du monde de l’Élément Feu, dans lequel il n’y a plus ni tristesse ni douleur, mais seulement la joie d’une vie qui, même dans la mort, est engloutie dans la victoire.

C’est pourquoi l’Homme de l’Élément Feu est en toutes circonstances un Homme de joie, un optimiste, comme à l’inverse l’Homme de l’Élément Eau est un pessimiste, un Homme du règne de la douleur. Car l’Homme qui agit sous l’effet de sa passion et de ses instincts est rempli de tristesse lorsqu’il prend conscience de ce qu’il a mis en œuvre [285] sous l’effet de tels motifs, et qu’il doit ensuite constater qu’il n’est plus du tout d’accord avec cette action. Tout ce que nous faisons par passion, même si sur le moment cela semble encore jaillir de manière vivante du noyau de notre être, apparaîtra ensuite dans notre mémoire comme une triste défaite de notre humanité. Mais partout où notre action n’est pas le fruit d’un attachement instinctif, mais d’une volonté consciente, elle s’accompagne d’un sentiment de plaisir dans lequel se renouvelle sans cesse la joie de faire ses preuves dans la défense de la dignité humaine contre tout ce qui l’écrase.

Et maintenant, après cette brève caractérisation de la région Feu, commençons à dessiner en quelques traits les contours de « l’Homme Feu » lui-même en général – sans oublier de rappeler encore une fois qu’aucun exemplaire vivant ne saurait exister dans ce pure état. Nous devons donc à nouveau nous efforcer de former la fiction d’un Homme qui ne fait que vouloir, dont la vie ne représente rien d’autre que l’action de la volonté dans tous les domaines. Comment une telle vie se déroule-t-elle et comment s’exprime-t-elle sur les quatre plans physique, psychique, intellectuel et moral?

L’Homme de pure volonté qui se tient maintenant devant nous se sent toujours mu par une force intérieure qui ne lui apparaît absolument pas comme un « devoir », mais comme un « devoir-être ». Sa vie est donc constamment placée sous la voix intérieure d’impératifs avec lesquels il s’identifie ou contre lesquels il se révolte en réclamant un impératif supérieur. Mais dans tous les cas, il se sent le mandataire d’un législateur supérieur. Ainsi, il est déjà clair que nous pouvons comprendre les trois modes de la qualité Feu en ce sens qu’au Signe cardinal du Bélier appartiendra un type d’Homme que cet impératif intérieur poussera à imposer la loi de sa volonté aux autres, à devenir le pionnier de sa propre volonté; appelons ce type le « Combattant » [Moïse]. Le Signe fixe du Feu, le Lion, nous montrera la force tranquille, livrée à elle-même, d’un Homme qui se trouve dans l’état d’esprit du « Vainqueur » [Christ]. Nous appellerons enfin le Signe mutable du Feu, le Sagittaire, le « Conquérant », parce que ce qui provoque ici l’équilibre ne peut être rien d’autre que l’aspiration à amener sa propre volonté dans la direction d’une loi suprême, reconnue comme divine, à offrir sa propre volonté à la volonté supérieure, à se surmonter soi-même.

[286] Mais avant de passer aux différents Signes de la qualité Feu, résumons encore une fois l’essentiel des caractéristiques de l’Homme Feu. Ce n’est pas le réaliste, ni le romantique, ni le philosophe ou l’artiste qui se trouve devant nous – mais c’est l' »idéaliste » dans le sens le plus authentique du terme, pionnier ou porte-étendard d’une idée morale, dont la réalisation à l’intérieur et à l’extérieur devient le but de sa vie. Mesuré à la force de cette exigence, l’importance de tous les autres intérêts s’estompe. C’est un Homme plein d’enthousiasme et de joie, car il n’a pas de temps pour la douleur et la souffrance. Tout le bonheur réside dans le vouloir et dans l’affirmation de la vie qui en découle directement, et de même que tout être saisi dans les racines de sa vitalité se pousse toujours en avant, glissant à chaque instant vers un passé mourant, joyeux de ressusciter vers un avenir toujours nouveau, de même, pour l’Homme de Feu pur, il n’y a pas de passé qui puisse l’enchaîner. Et de même qu’un musicien spirituel de notre époque (Eduard Steuermann) appelait toute musique « musique du futur », parce que son contenu ne veut jamais se réaliser dans le « maintenant » présent, mais toujours dans le suivant, de même l’Homme de Feu pur peut être qualifié d’Homme du futur, parce qu’il vit chaque maintenant comme déjà enceinte du futur.

Ainsi, la relation de l’Homme Feu avec les trois régions inférieures se détermine pour nous de manière univoque:

  • Le monde réel (le monde physique) devient pour lui une arène dans laquelle il ne s’agit pas de réaliser un but pratique, mais de faire prévaloir la loi de la volonté, de ne s’arrêter à aucun but atteint, de considérer plutôt chacun d’eux comme une sorte de jalon à partir duquel, après un bref repos, il faut reprendre le chemin – plus loin, toujours plus loin – sans se lasser. L' »exigence idéale », quel que soit son contenu, imprègne toutes les activités de la vie et les place sous un cérémonial de vie sanctifié par la législation personnelle, dans lequel la volonté, qui n’est pas toujours aussi éveillée, s’exalte.
  • Dans le domaine des passions, des désirs et des émotions de toutes sortes, il n’y a aucune tendance à s’y abandonner durablement; ce domaine n’est là que pour être éliminé par une résolution rapide des tensions, comme des symptômes de maladie gênants, ou pour s’exercer à leur résister et à grandir moralement par cette résistance même.
  • Sur le plan mental (intellectuel), l’Homme Feu se montre réticent aux considérations logiques compliquées ou aux démonstrations et préfère se fier à la force de son intuition, dont le chemin ressemble à une sorte de [287] ligne aérienne spirituelle. C’est pourquoi il est particulièrement enclin aux préjugés, qui sont difficiles à ébranler par des contre-arguments logiques. Le Credeo, quia absurdum est de Tertullien: « C’est justement parce que c’est absurde que je crois », pourrait ici être considéré comme une sorte de devise.

Parmi les sciences, il s’intéresse de préférence à celles qui présentent un caractère non pas objectif, mais résolument dogmatique, voire dictatorial – les sciences qui se réfèrent à un devoir-être; donc en premier lieu la philosophie pratique de la vie, l’eudémonisme, l’éducation, la macrobiotique, la calobiotique, etc. Le plus grand malheur qui menace l’Homme Feu dans le domaine spirituel est de se voir ébranlé dans la sécurité de sa foi, la chute de ses idéaux est la plus grave des catastrophes. Sur le plan moral, son idéal suprême est la conquête de la liberté, qui ne reconnaît d’autre législateur au-dessus de lui que le commandement de la conscience; c’est pourquoi la distinction entre l’Homme Feu tourné vers le moi essentiel versus celui tourné vers le moi existentiel dépend essentiellement du rang moral de sa conscience. Nous verrons plus loin comment, dans la catégorie Feu précisément, le fossé entre les deux extrêmes possibles est effectivement le plus grand – le fossé entre le bien et le mal.

Quelques mots encore sur le rapport de l’Homme Feu à l’art. Conformément à l’optimisme comme vision fondamentale du monde, l’exigence principale, voire même la mesure de la valeur artistique, est que l’œuvre d’art fasse toujours revivre la victoire de la joie sur la douleur, la victoire du bien sur le mal. C’est pourquoi les œuvres d’art créées sous le domaine du principe Feu sont toutes, sans exception, des représentations de combat avec la perspective de la victoire finale sur tout ce qui abat et la réalisation de la force de la joie surnaturelle qui triomphe de la matière terne et de la souffrance humiliante, voire de toutes les confusions d’opinion et de pensée. Cela vaut pour tous les arts et même pour les compétences artistiques. Per aspera ad astra ou les paroles de la vierge mourante dans La Pucelle d’Orleans de Schiller:

La douleur est courte et la joie est éternelle.

pourraient ici servir de devise.

Et maintenant, pour terminer cette caractéristique générale, encore quelques mots sur la vie érotique de l’Homme Feu. Elle se distingue, dans sa coloration fondamentale, sur des points essentiels, de ce qui a été développé sous ce rapport par l’Homme Eau et de l’Homme Air, et se rapproche de la nature de l’Homme Terre, [286] dans la mesure où la sensualité apparaît ici aussi au premier plan, mais de telle sorte que l’Élément Feu se rapporte à l’Élément Terre: ainsi, ce qui apparaît dans le Terrestre comme une volupté des sens devient le symbole matériel d’un bonheur céleste de l’au-delà, que Schiller oppose à son ombre terrestre en ces termes dans l’Ode à la Joie:

La volupté a été donnée au ver, et le chérubin se tient devant Dieu!

Par cette position devant Dieu, ressentie au plus profond de soi-même, participant à l’ivresse de la joie créatrice qui se déverse à travers toute la création vivante en tant que volupté de l’éternelle volonté suprême, la volupté, autrement animale, s’ennoblit et se sanctifie pour devenir un don du Ciel, elle devient le cérémonial céleste de l’alliance de deux Hommes accomplie sur Terre et de leur initiation commune à l’œuvre de la création, dont la révélation continue l’englobe elle-même comme témoin de la sainte liberté originelle du père, de la mère et de l’enfant. Ce qui de cette attitude érotique fondamentale ne se maintient le plus souvent que sous la forme d’un sentiment obscur dans la vie quotidienne, trouve son expression dans le cérémonial terrestre de ce qu’on appelle la galanterie, qui est probablement né sur ce sol, et qui cache l’exigence, ressentie différemment selon les époques, de reconnaître le rôle du partenaire sexuel comme messager du divin et de le préserver, en tant que sanctifié par ce rôle, de toute profanation dégradante.

Nous sommes maintenant prêts pour aborder les différents Signes de l’Élément Feu.

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