PAR ANTIPRESSE | 09.01.2022 | DÉSINVITÉ, NOUVEAU, SLOBODAN DESPOT
Le monde n’est-il pas devenu depuis longtemps déjà une prison dont les fils de fer barbelés ne sont pas le symbole le plus voyant?
Le châtiment de ceux qui ne désirent pas se faire vacciner est-il autre chose qu’un pas de plus du gouvernement mondial vers la réalisation du projet de domination planétaire et de bagne numérique? La mise en détention de Novak Djoković n’est qu’une illustration éloquente de ce projet. Qui a osé se dresser contre nous? Qui est-ce qui veut enjamber librement les clôtures que nous avons forgées? En écrivant ceci, je ne pense pas à la lutte de Novak pour les droits des joueurs de tennis et l’amélioration des conditions dans lesquelles ils accomplissent leur besogne de gladiateurs, c’est là un gros et vil prix qu’on vous fait payer via les tabloïds, Instagram ou Twitter…
L’arrestation de Novak Djoković, premier parmi les hommes libres, rebelle qui ne veut pas accepter les fers de la nouvelle normalité et qui croit à un monde plus juste, ressemble à une resucée du film French Connection. Le flic Popeye y fait arrêter les caïds les plus connus de la place afin que tous les Marseillais comprennent: s’il est possible d’arrêter les plus grosses pointures, alors tout le monde doit trembler!
Novak n’a rien à voir avec ce film, mais la méthode de dressage est la même. On s’en prend au chef de file et c’est beaucoup plus efficace que toutes ces images horribles de violences contre des citoyens de Melbourne qui ne portent pas de masques dans la rue. Une vieille histoire dans une livrée nouvelle. Sauf qu’ici, on jette en prison celui qui représente la forme psychophysique la plus accomplie non seulement de la communauté serbe, mais de l’humanité. Que cette personne atteigne pratiquement la perfection, cela serait peut-être pardonnable, mais son origine fait problème.
Il y a longtemps déjà, McLuhan parlait du village global. Ses idées ne se sont pas réalisées, nous vivons dans une province numérique qui sert avant tout à déshumaniser l’Homme. C’était une leçon adressée non seulement au Serbe orthodoxe qui «se fait coincer» un jour de Noël orthodoxe, mais à tous ceux qui croient qu’il est possible de gouverner sa propre existence et de marcher librement sur des chemins balisés par des satellites, par le GPS et par des réseaux sociaux qui excitent l’imagination des maîtres du monde. Ces derniers mènent leur «business» avec beaucoup plus d’aisance que le flic Popeye dans French Connection.
- Texte original paru le 07.01.2022, traduit du serbe par Slobodan Despot.
- Article de Emir Kusturica paru dans la rubrique «Désinvité» de l’Antipresse n° 319 du 09/01/2022.