Au sujet de la scatophilie, voilà ce que l’on trouve dans le dernier opus de l’abominable Enthoven:
Proust n’a-t-il pas écrit un roman à clé, mêlé au récit de sa vie intérieure, un portrait aiguisé de ses contemporains ? Modèles oubliés, les voilà devenus d’inoubliables personnages. Pourtant, si l’on n’avait pas les clés du Temps gagné, si l’on ne reconnaissait pas Arielle Dombasle sous Rita, Carla Bruni dans la « sublime » Italienne qui met un mot à la place d’un autre comme le directeur de l’hôtel de Balbec chez Proust, ou BHL en Elie, « Dieu sur terre » puis « vieil enculé », aurions-nous la même curiosité à en tourner les pages ? La postérité le dira.
Pour l’heure, c’est plutôt le postérieur qui requiert l’attention du lecteur. Est-ce parce que le Dictionnaire amoureux de Marcel Proust, qu’Enthoven père et fils ont coécrit en 2013 (Plon), soulignait les « tendances sadico-anales » de l’œuvre ? Raphaël Enthoven fait du « cul » et de la méchanceté les deux fondements de son esthétique. Comme il a pu très tôt « parler de caca à table », il a su préserver cette jouissance infantile qui transforme le roman en cloaque. « Merdeux » et autres « fouteurs de merde » l’environnent, sa mère habite « rue de la pisse », avec son mari qui aime « chier partout sa présence ». « Du côté de chez Papa », ce n’est guère mieux : si l’éditeur est parfois « en position caca-retenu », « des formules stercoraires » lui échappent souvent.
Les images sortent du même bourbier : Elie mâche « comme les Américains enculent l’ONU », et les voitures ont des « anus métalliques ». Les femmes, désirées ou haïes, ne sont elles-mêmes envisagées, si l’on peut dire, que sous cet angle. Il raconte la défécation de son ex-épouse, se moque d’une autre qui « sent le vieux prout » ; là où Swann comparait Odette à la Zephora de Botticelli, Enthoven a l’analogie plus prosaïque à propos de sa Béatrice : « Il y avait son cul. Si rond qu’il en était ovale (…). Qui bombait comme un fruit de Cézanne dans un paysage de potins et de fesses renonçantes. »
Le Monde