3.1.4. La musique du monde

[338] Le Soleil, une étoile fixe parmi des millions d’autres, entouré d’un certain nombre de petites sphères mondiales qui tournent autour de lui, dont au moins une – notre Terre – porte à sa surface, sur sa croûte solide, dans ses mers et ses fleuves, dans son océan aérien, une multitude d’êtres vivants, de plantes, d’animaux et d’Hommes « parlants » – c’est l’image extérieure que nous offre ce cosmos solaire. Mais depuis toujours, même à l’époque où la Terre était encore le centre spatial du cosmos solaire, on avait remarqué que les temps de rotation des Planètes étaient liés entre eux par certains rapports numériques, derrière lesquels devait se trouver, comme cause profonde, une loi à l’œuvre, qui régissait en quelque sorte le plan de construction de l’univers.

On ne se trompera pas en supposant que l’ancienne sagesse sacerdotale connaissait de telles lois, dont la signification secrète se révèle peut-être le plus clairement dans le fameux théorème de Pythagore. Ce théorème, par lequel il est dit que si un triangle est rectangle, alors le carré de la longueur de son hypoténuse – le côté opposé à son angle droit – est égal à la somme des carrés des longueurs des deux côtés formant l’angle droit, on peut dire que c’est le fondement de toutes les mesures géométriques. Il révèle cependant une autre détermination de la mesure, qui n’est pas seulement la simple mesure des rapports de longueur, mais qui ajoute une détermination de valeur qui nous place directement devant l’expérience ésotérique de ce rapport de mesure.

Si nous considérons le triangle le plus simple, dit pythagoricien, c’est-à-dire un triangle rectangle dont les longueurs des côtés sont exprimables par des nombres entiers, les longueurs des côtés sont dans le rapport 3=4=5. Mais c’est exactement dans le même rapport que se trouvent les trois tons de la triade en musique, qui, comme le triangle rectangle pythagoricien est le point de départ de toute mesure géométrique, constitue à son tour la base de toutes les relations de tons en musique. Si nous considérons les mesures des trois côtés du triangle pythagoricien comme des longueurs de cordes, leur union donne la triade mineure, si nous les considérons comme des nombres de vibrations, il en résulte la triade majeure.

Il s’est avéré que l’on pouvait effectivement, par comparaison des Planètes, plus tard des mesures de leurs distances par rapport au soleil et de leurs vitesses de déplacement, tomber sur des nombres [339] qui reflètent dans leurs rapports les lois de l’harmonie musicale.

Et de même qu’en perfectionnant le triangle de Pythagore dans le sens du dessin donné ici, on peut trouver toutes les autres relations d’intervalles musicaux, de même, en portant dans le monde une simple loi numérique, on reconnaît aussitôt dans l’action du mouvement des Planètes l’expression d’une immense musique universelle, dont la musique terrestre ne représente qu’un rejeton ramené à l’échelle humaine, comme le battement du cœur est le rejeton du rythme universel.

Nous allons maintenant essayer de donner une idée générale des différentes formes qu’a prises au cours des temps cette idée d’une grande harmonie mondiale, dont le plus grand annonciateur fut sans doute Johannes Kepler.

Pour ce faire, nous allons commencer par donner un bref aperçu schématique des dimensions du système solaire:

[340] L’Antiquité, dont l’astronomie et l’astrologie officielles plaçaient spatialement la Terre au centre de l’univers et adoptaient ainsi ce que l’on a appelé plus tard le point de vue géocentrique, dont Ptolémée est considéré comme le principal représentant, se trouvait donc dans une certaine opposition avec le système copernicien en vigueur aujourd’hui, qui place le Soleil au centre du monde Planétaire (point de vue héliocentrique). Malgré cette opposition, les deux orientations ont cependant une mesure du temps commune, qui est prise à partir de la rotation propre de la Terre et qui représente l’héritage que l’astronomie moderne a pu reprendre intacte de l’ancienne comme mesure de base de toute détermination du temps.

Peut-être le rapport entre l’astronomie géocentrique et l’astronomie héliocentrique peut-il être brièvement compris, pour nos besoins, en ce sens que l’astronomie de notre époque est géocentrique dans le temps et héliocentrique dans l’espace, le point de vue héliocentrique n’étant valable que pour notre système Planétaire et se dissolvant dans l’indétermination en ce qui concerne le ciel des étoiles fixes… C’est pourquoi, parce que le contenu de toute expérience Planétaire ésotérique est la fonction du temps et sa mesure rythmique, le point de vue géocentrique reste aujourd’hui encore le point de vue de l’astrologie ésotérique et l’Homme, avec son cœur battant, le point archimédien de l’expérience du monde.

C’est ainsi que s’explique le fait que les Anciens aient dû en arriver à une disposition des Planètes dont le principe organisateur était les temps de mouvement des différents éléments de leur système. Elle commençait par la Lune, la plus rapide, et se terminait par Saturne, la plus lente des astres en mouvement connues à l’époque. La série ainsi formée était donc la suivante: Lune, Mercure, Vénus, Soleil, Mars, Jupiter, Saturne, tandis que dans le système héliocentrique, les rapports spatiaux, c’est-à-dire les distances des Planètes par rapport au Soleil, étaient érigés en principe déterminant. Le nouvel ordre (de la Planète la plus proche du Soleil à la Planète la plus éloignée du Soleil) était donc le suivant: Mercure, Vénus, la Terre avec la Lune, Mars, les astéroïdes, Jupiter, Saturne et les planètes découvertes plus récemment: Uranus, Neptune et Pluton. Mais toutes les époques avaient en commun la recherche de la loi qui devait être à la base des rapports de mesure cosmiques, qu’il s’agisse de temps ou d’espace, afin de garantir la grande unité du tout.

Laisser un commentaire