2.3.2.3. Le Signe de la Vierge

Nous nous tournons maintenant vers le signe de la Verge – virgo –, le sexe équilibrant ou Sattwa de l’ Élément Terre.

Ce n’est pas le semis, l’entretien et le soin de la graine, mais la récolte, l’apport et l’utilisation du fruit de la Terre que sert la force du rayonnement de la Vierge. C’est la préparation et l’utilisation du pain, de la nourriture, pour laquelle les semailles et l’entretien des semences sont effectués par les deux Signes de Terre précédents.

Le rayonnement de la Vierge agit lui aussi d’abord dans le monde réel de la matière terrestre, mais compte tenu des conditions physiques de ce monde, il s’applique dans notre équation – travail = force x charge – au travail ou à ce que nous voulons appeler l’effet utile. L’utile et l’utilité sont ainsi élevés au rang de contenu le plus essentiel de ce qui constitue la vie du type Vierge. Il s’agit d’organiser le processus de travail dans la terre arable, vers laquelle tous les Signes terrestres sont tournés, de manière à obtenir le plus grand effet utile avec le moins d’effort, en tenant compte le plus possible de la composante d’inertie. C’est ainsi que naît l’exigence de ce que nous appelons aujourd’hui la rationalisation du travail; l’ergonomie de tout travail, qu’il s’agisse de physique, d’âme, d’esprit ou même de morale, est ainsi élevée à juste titre au rang de leitmotiv de la Vierge, et son premier et principal effet est la recherche d’un plan de travail avant d’entreprendre n’importe quel œuvre.

La prescience, la prévoyance ou ce que les Latins appelaient providentia ou prudentia, la sagesse prévoyante, est ce que le rayonnement de la Vierge intègre à l’Homme, sous la forme d’une sensibilité particulière pour ce qui peut lui être utile ou nuisible.

[204] La formation de cette sensibilité à la connaissance consciente conduit par la suite à la fondation méthodique de tous les efforts orientés vers la pratique sous forme de sciences, en premier lieu les sciences naturelles, mais aussi de nombreuses autres disciplines, dont le but est de raccourcir le chemin vers l’acquisition de connaissances utiles, de prévenir le dommage, d’éviter que l’on ne devienne à chaque fois intelligent qu’en subissant un dommage, et d’obtenir que l’intelligence soit placée avant le dommage.

Mais la fondation même de toutes ces sciences utiles doit déjà s’effectuer selon un plan de rationalisation – c’est-à-dire que le contenu de toutes ces sciences doit être ordonné selon un plan qui en assure la facilité de compréhension. Nous appellerons « organisation » la méthode de travail ainsi créée, et « économie » le principe de son utilisation et de son emploi. Pour nous rendre compte de la signification de ce que nous avons reconnu jusqu’à présent comme essentiel pour le signe de la Vierge, pensons d’abord à l’organe du corps humain dont la fonction, vécue ésotériquement, est considérée comme l’essentiel du rayonnement de ce Signe.

Il s’agit de la fonction intestinale ou digestive. Grâce à elle, le pain absorbé dans le corps est transformé de telle sorte que ses forces peuvent se marier directement avec les forces vitales du corps humain. Le corps humain vivant extrait de la nourriture absorbée ce qui est approprié à cet usage et élimine ce qui ne l’est pas. Ce qui se présente ici dans le domaine de l’organe physique du corps devient le modèle de tout ce que nous avons déjà expliqué en ce qui concerne le travail conscient de la Vierge.

La Vierge se comporte avec l’environnement comme le tractus intestinal avec la nourriture introduite. Et de même que celui-ci distingue avec une infaillible certitude ce qui est bon de ce qui est mauvais et veille à ce que ce qui est mauvais quitte le corps le plus rapidement possible, de même le Signe de la Vierge porte en lui un sens fin de tout ce qui pourrait souiller et perturber la stricte économie. Nous arrivons ainsi à une troisième caractéristique de la Vierge: l’aversion pour tout ce qui est superflu, impur et obscur. La distinction entre « chose principale » et « chose secondaire » prend ici une importance particulière.

Essayons maintenant d’appliquer ce que nous venons de dire aux différents domaines de la vie. L’attitude fondamentale qui consiste à examiner d’abord chaque phénomène pour savoir s’il est assimilable ou non, comme par exemple la [205] nourriture, et jusqu’à quel point, nous fournit le critère le plus approprié pour juger du comportement de l’Homme de type Vierge dans la vie. Car cette attitude implique avant tout une prudence fondamentale, allant jusqu’à la suspicion, qui est guidée par le sentiment instinctif de tout ce qui est conforme à sa propre nature et apte à la mettre en accord aussi harmonieux que possible avec la « nature » en général. Le « naturel » devient ici un guide pour la pratique de la vie. Dans le sens purement physique, cette attitude conduit à maintenir toute sorte d’hygiène – et à s’occuper largement et soigneusement des fonctions de son propre corps.

Dans le domaine psychique, nous rencontrons cette attitude hygiénique sous la forme d’un développement d’un sens fin de la sympathie et de l’antipathie, qui sont ressenties avec une netteté physique. Grâce à lui, on évite d’emblée les graves déceptions et les catastrophes sentimentales de toutes sortes qui remplissent tant la vie des Hommes de type Eau. Dans le domaine psychique également, la prudence décrite ci-dessus n’est jamais négligée. Cela conduit à une grande retenue critique dans tous les domaines de l’âme, qui est souvent interprétée comme un degré particulier de pudeur d’âme, mais que l’on pourrait mieux qualifier d' »économie de l’âme ».

Dans le domaine spirituel, le principe d' »assimilation » peut également être appliqué avec profit pour comprendre la spécificité du type Vierge. Il s’agit ici d’avoir toujours à portée de main l’ensemble des connaissances qui constituent le réservoir de la faculté mentale, de telle sorte qu’elles restent à tout moment applicables comme critère de ce qui peut être digéré ou assimilé à l’aide de ces nouvelles connaissances.

Ici aussi, nous trouvons une demeure du « bon » sens, non pas à la manière du Taureau, mais dans une direction tout à fait spirituelle et hygiénique; on ne peut croire que ce qui n’est pas contraire à la note de sa propre pensée. La vie spirituelle de l’Homme du type Vierge est ainsi soumise à un autocontrôle qui prend ici une signification similaire à celle qu’on a vu chez lui en ce qui concerne la sympathie et l’antipathie dans le domaine psychique.

Enfin, dans le domaine moral, il existe la même attitude fondamentale, selon laquelle rien ne peut être reconnu comme « bon » s’il se produit quelque chose de nuisible. La morale a aussi son côté hygiénique et économique – elle est toujours une sorte de compromis équilibrant entre [206] les exigences de tous pour un degré aussi élevé que possible de « bien-être », tout en préservant autant que possible l’intérêt personnel de l’individu à vivre selon sa nature. Le code moral qui en résulte est ici aussi – comme chez le Capricorne – indissociable de l’organisme social, mais il n’a pas à voir avec l’identité de la domination et du service, mais avec un système d’aide mutuelle résultant d’une dépendance réciproque, selon le principe d’une rationalisation aussi large que possible, voire d’un rationnement des dommages et des avantages. Si l’on parvient à trouver un ordre de coexistence humaine tel que tout bénéfice propre doive en même temps être utile à l’autre, et que tout dommage propre doive également être nuisible à l’autre, alors nous aurions trouvé l’idéal d’un ordre social dans lequel le principe moral de la Vierge pourrait célébrer son plus grand triomphe. On a également appelé ce principe le principe de « l’égoïsme bien compris ». Et nous voilà arrivés à la croisée des chemins entre le type Vierge tourné vers le moi essentiel et celui dirigé par le moi existentiel .

À quoi reconnaissons-nous le type Vierge qui se laisse commandé par le moi essentiel?

Si nous partons à nouveau de la correspondance organique du Signe de la Vierge, nous comprenons sans autre que ce qui est accompli par la fonction intestinale – l’utilisation de la nourriture et son assimilation – sert au maintien de l’ensemble de l’organisme, y compris l’intestin lui-même. En veillant à sa propre prospérité, l’organe intestinal veille en même temps à la prospérité de l’ensemble du corps, dont il fait partie. En se servant lui-même, l’intestin sert donc la communauté à laquelle il est rattaché. Jusqu’à présent, cette considération coïncide avec celle qui précède.

Or, le critère qui distinctif peut être facilement obtenu du côté ésotérique de la fonction organique de l’intestin en tant qu’organe d’assimilation proprement dit. Il s’agit ici ni plus ni moins que de la transformation alchimique du moi existentiel en moi essentiel, dans la mesure où cela concerne la structure du corps – et dans la mesure où l’Homme individuel qui absorbe le rayonnement de la Vierge doit lui-même assumer la fonction cosmique de l’intestin, il devient ainsi le médiateur du rayonnement céleste pour la communauté humaine à laquelle il est intégré; c’est en veillant à son propre développement supérieur qu’il veille en même temps à l’avantage de tous ceux avec lesquels il est lié. Tendre à son propre perfectionnement pour le bien des autres, telle est désormais l’œuvre de la vie correctement reconnue, et être alchimiste en ce sens devient alors sa véritable profession.

Seulement, ce perfectionnement doit rester en relation constante avec le travail dans le champ de la terre, avec l’agere, l’action, le faire et l’agir. Et maintenant, permettez-moi d’exprimer une pensée qui doit se rattacher à ce dont nous avons parlé précédemment, afin que nous puissions saisir le sens ésotérique du signe de la Vierge dans toute sa profondeur. Rappelez-vous que nous avons parlé en son temps du fait que le fruit le plus délicieux et le plus mûr dans le champ terrestre, c’est-à-dire le monde physique vers lequel sont tournés tous les Signes de Terre, devait être le fruit de l’agere de l’ego de l’Homme, qui doit être reconquis ici dans sa pureté originelle après le mystérieux péché des premiers Hommes, après un long et pénible travail. C’est le sens de notre travail sur – et dans la – Terre que de faire renaître notre vrai moi, que nous ne pouvons trouver que si nous abandonnons nos aspirations égoïstes, orientées vers l’avantage temporel: transformer notre moi limité de manière à ce qu’il serve d’aliment aux autres que nous servons ainsi, qu’il devienne en quelque sorte une nourriture qui les nourrit et les ennoblit.

Là encore, il s’agit d’un sacrifice, mais par l’offrande duquel celui qui fait le sacrifice s’élève lui-même en élevant les autres, se sert lui-même en servant les autres.

Et maintenant, nous pouvons aussi comprendre ce que signifie la « Vierge » aux épis; elle n’est pas seulement la moissonneuse profane qui aide à ramener le grain à la maison, elle est le symbole de la transformation de l’Homme qui naît pour la deuxième fois dans son moi supérieur, après avoir donné son « moi » égoïste. L’Homme qui est passé par cette seconde naissance, par laquelle il a vaincu la Terre, est donc appelé « né de la Vierge », né de la Vierge dans la maison du pain: Beth-Lechem!

C’est pourquoi la Planète qui sert de vecteur de force dans le Signe de la Vierge est Mercure, dont la fonction essentielle est la médiation entre le haut et le bas – Hermès, le médiateur; Hermès Trismégiste qui nous a légué le message fondamental:

Ce qui est en Haut est comme ce qui est en Bas; ce qui est en Bas est comme ce qui est en Haut.

Nous en reparlerons plus tard.

Et maintenant, dessinons encore en quelques traits le portrait de la Vierge dominée par le moi existentiel.

Dévoué en tout et à tout prix à la cause de l’utilité et de la finalité, prudent jusqu’à l’extrême méfiance, il ne parvient pas, à force d’aménagements et de mesures, à atteindre effectivement ses objectifs; car il place le service de la finalité au-dessus de la finalité. Sa vie entière devient pour lui une chaîne de [208] pédanteries de toutes sortes, de soucis mesquins, d’élaboration sans fin de systèmes, de classifications, de statistiques – et d’exercices, de répétitions préparatoires. Ce n’est que lorsqu’il se croit assuré de son existence physique qu’il tourne son intérêt vers l’Homme « secondaire ». Mais l’Homme principal reste toujours lui-même…

Dans le prochain chapitre, nous aborderons les Signes d’Eau. Nous y verrons justement de quelle aide au développement l’Homme de type Vierge reçoit du rayonnement du Signe des Poissons – qui s’oppose à son Signe, comme c’est le cas pour le Capricorne et le Cancer ou le Taureau et le Scorpion. Mais pour l’instant, nous voulons conclure. Le Capricorne, le Taureau et la Vierge, les puissances respectivement décisive, magique et alchimique de l’Élément Terre, peuvent être le plus brièvement synthétisées ainsi:

  • le Capricorne est le Signe par lequel l’Homme entre dans la « Terre »;
  • le Taureau, le Signe par lequel il s’y installe;
  • et la Vierge le Signe par lequel il surmonte et quitte la Terre.

Laisser un commentaire