La stimulation électrique transcrânienne peut-elle doper le joueur d’échecs?

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Mihailov & Savulescu (2018) ont soulevé cette question, dont nous étendons la réponse à d’autres amplificateurs (électriques ou magnétiques). Ces chercheurs ont utilisé le jeu d’échecs pour se positionner contre l’utilisation des résultats expérimentaux actuelles liées à l’amélioration des performances pour justifier l’interdiction des stimulants cognitifs. Ils estiment qu’il est erroné de supposer que l’amélioration du fonctionnement cognitif dans les tests psychométriques est transférable aux performances échiquéennes, car l’expérience cognitive est très complexe et n’est pas simplement une fonction de la somme de sous-processus spécifiques.


Le développement d’amplificateurs cognitifs pharmacologiques devrait-il accroître les inquiétudes concernant le dopage dans les activités exigeantes sur le plan cognitif?

  • Le parallèle entre les stimulants physiques et les stimulants cognitifs pharmacologiques dans les sports d’esprit est trompeur. En effet, par sa nature, la performance cognitive est moins mécanique que la performance physique.
  • La stimulation magnétique transcrânienne (SMT) est une technique non invasive de stimulation des tissus nerveux (cortex cérébral, moelle épinière, voies motrices centrales et nerfs périphériques), sans douleur ni nécessité de sédation, qui permet d’interférer de manière contrôlée dans l’activité normale du cerveau humain.
  • Les échecs sont le paradigme d’une activité cognitive complexe et intégrée qui peut être jouée dans un environnement hautement compétitif. On ne sait pas encore si les stimulants cognitifs confèrent un avantage (ou un désavantage) aux échecs, ni quelle en serait sa nature et son étendue.

De notre cas d’école – le jeu d’échecs -, nous en inférons des leçons pour la réglementation de l’amélioration cognitive en général dans l’éducation et les professions. Une réglementation prématurée risque de créer une culture de suspicion préjudiciable qui attribue une responsabilité injustifiée à ces stimulants.

Peut-on améliorer les compétences liées aux performances sportives en appliquant la technologie à des zones spécifiques du cerveau?

Certains auteurs, comme Davis (2013), ont suggéré que les progrès des neurosciences signifieront « que les compétences et les capacités qui sous-tendent la performance sportive peuvent être améliorées à l’aide de technologies qui modifient l’activité cérébrale« . Ces facteurs peuvent inclure l’apprentissage moteur, l’amélioration de la force musculaire ou la réduction de la fatigue, voire des changements dans l’état mental ou la concentration.

En quoi consiste la stimulation électrique transcrânienne?

La stimulation transcrânienne à courant continu, connue sous le sigle anglais « tDCS », est officiellement connue depuis le début du XIXe siècle. Le traitement consiste à exposer le cerveau à un effet électrique constant et non invasif de 1,5 à 2 milliampères, qui stimule différents groupes neuronaux pour obtenir une formation accélérée des voies axonales associées à différents types d’activité physique ou mentale. En d’autres termes, un faible courant continu passe entre une cathode et une anode. Le courant anodique entraîne une dépolarisation de la zone située sous l’électrode, laquelle devient plus excitable. Le courant cathodique provoque au contraire une hyperpolarisation.

Depuis combien de temps cette technique est-elle connue?

La stimulation électrique transcrânienne directe est une technique très ancienne – 200 ans – qui, au cours des dix dernières années, a été remise au goût du jour en tant qu’outil très prometteur pour la réhabilitation neuropsychologique. Ces dernières années, elle a commencé à être appliquée dans des troubles tels que la maladie de Parkinson, la fibromyalgie, les difficultés d’apprentissage et, surtout, dans l’amélioration des fonctions exécutives et de la mémoire de travail. Dans ce dernier cas, la zone d’intérêt est le cortex préfrontal dorsolatéral, une zone cruciale pour ces fonctions.

Quelles améliorations sportives peut-on attendre d’une telle technique de stimulation électrique?

Depuis 2013 environ, on sait que l’une des principales différences entre les athlètes d’équipe d’élite et les amateurs réside dans la capacité dite de mémoire de travail et leurs fonctions exécutives, probablement au-dessus de toute autre caractéristique physique. Cependant, même dans les sports individuels, leurs praticiens peuvent améliorer des caractéristiques telles que la force musculaire ou la tolérance à la fatigue, car une partie de la variabilité de ces caractéristiques est due aux neurones supraspinaux, principalement ceux situés dans M1 (aire motrice primaire ou AB4). En 2007, M. Cogiamanian et son équipe ont montré qu’ils pouvaient augmenter la résistance à la fatigue de 15% grâce à une stimulation anodique des zones concernées de M1.

Combien de temps dure l’effet procuré par cette technique?

Bien que l’on ne dispose pas encore de statistiques précises à ce sujet, l’effet de la stimulation électrique transcrânienne directe a tendance à durer quelques minutes, parfois plus de 40 minutes ou même près d’une heure. En outre, les stimulations répétées ont tendance à avoir un effet structurel, en augmentant la densité des connexions synaptiques dans les zones stimulées, de sorte que l’épaisseur corticale de ces zones augmente.

Qu’est-ce que la stimulation magnétique transcrânienne?

La stimulation magnétique transcrânienne (SMT) est une technique non invasive de stimulation des tissus nerveux (cortex cérébral, moelle épinière, voies motrices centrales et nerfs périphériques), sans douleur ni nécessité de sédation, qui permet d’interférer de manière contrôlée dans l’activité normale du cerveau humain. Il s’agit d’un outil novateur dans l’étude et la recherche dans le domaine des neurosciences, ainsi que dans le traitement de diverses affections et de troubles neuropsychiatriques tels que la dépression, le syndrome de stress post-traumatique, le trouble obsessionnel-compulsif et d’autres pathologies non psychiatriques comme la sclérose en plaques, la maladie de Parkinson, la migraine et la schizophrénie.

De manière simple, quel est le mécanisme d’action de cette procédure?

La SMT génère un courant électrique dans des régions spécifiques du cerveau qui, selon le type de champ appliqué, produira une augmentation ou une diminution de l’excitabilité neuronale et, en outre, des modifications du métabolisme de certains neurotransmetteurs comme le tryptophane et la sérotonine dans certaines zones du cerveau.

Où et quand cette technique a-t-elle été appliquée pour la première fois?

Le Dr Anthony Barker, du département de médecine physique de l’université de Sheffield aux États-Unis, a décrit et utilisé cette technique pour la première fois en 1985 afin d’évaluer, de manière non invasive et indolore, l’intégrité des voies motrices centrales par la stimulation du cortex cérébral chez un être humain. Deux ans plus tard, en 1987, il l’applique à des patients atteints de sclérose en plaques, démontrant le ralentissement des voies motrices, ainsi que les avantages de la stimulation magnétique, par rapport à la stimulation électrique transuranienne.

Dans quels domaines de connaissance la recherche utilise-t-elle la SMT?

Fondamentalement dans trois domaines prioritaires:

  • Fonctionnement du cerveau, fonction exécutive.
  • Zones fonctionnelles, cortex cérébral, mémoire, etc.
  • Neurologie, neurosciences, neurosciences cognitives.

La stimulation transcrânienne pourrait-elle améliorer les performances des joueurs d’échecs?

Bien que nous manquions d’études concluantes sur le sujet, il est probable qu’il y ait un effet positif. Par exemple, Mihailov & Savulescu (2018), considèrent qu’un autre améliorateur cognitif potentiel dans les échecs est la stimulation transcrânienne à courant direct (tDCS). La tDCS stimule le cerveau en faisant passer un courant de faible intensité dans deux électrodes placées au-dessus de la tête qui modulent l’activité neuronale. Une récente méta-analyse a révélé un effet faible mais significatif, chez des participants en bonne santé, de la stimulation du cortex préfrontal dorsolatéral gauche en conjonction avec un entraînement de la mémoire de travail. Ces dispositifs sont largement utilisés dans les jeux vidéo et ne sont pas interdits.

Dans le cas des sports mentaux comme les échecs, l’assimilation d’un modèle mécanique comme celui des performances d’endurance physique est-elle envisageable?

Les preuves scientifiques suggèrent une réponse négative à cette question. Par conséquent, nous ne devrions pas envisager l’amélioration des activités cognitives exigeantes et spécialisées en fonction d’un modèle mécanique tel qu’illustré par les performances d’endurance physique. Il se peut que les interventions aient besoin de travailler de manière holistique sur l’ensemble du fonctionnement cognitif pour démontrer leur utilité, ou dans des domaines spécifiques plus complexes, mais bien compris. Une exploration future pourrait faire la lumière sur ce point en comparant, par exemple, les effets des substances pharmacologiques et de la stimulation cérébrale par des champs magnétiques (SMT) ou des courants électriques (tDCS), cette dernière pouvant influencer les zones du cerveau et la neuroplasticité du cerveau dans son ensemble.

Source : « The Irresponsibility of Playing God » (White, U. 2020), Mihailov, E., Savulescu, J. Social Policy and Cognitive Enhancement: Lessons from ChessNeuroéthique 11, 115-127 (2018).

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