Le Japon va rejeter à la mer, après traitement, plus d’un million de tonnes d’eau issue de la centrale nucléaire accidentée de Fukushima, a annoncé le 13 avril 2021 le gouvernement nippon. Cette décision met fin à sept années de débats sur la manière de se débarrasser de l’eau provenant de la pluie, des nappes souterraines ou des injections nécessaires pour refroidir les cœurs des réacteurs nucléaires entrés en fusion après le gigantesque tsunami du 11 mars 2011. Environ 1,25 million de tonnes d’eau contaminée sont actuellement stockées dans plus d’un millier de citernes près de la centrale accidentée il y a dix ans dans le nord-est du Japon.
Le Premier ministre Yoshihide Suga a déclaré que l’eau serait rejetée après un ajustement à un niveau de substances radioactives nettement en-dessous des normes de sécurité». Une décision était d’autant plus urgente que l’eau s’accumule rapidement: en 2020, le site a généré chaque jour environ 140 mètres cube d’eau contaminée. Les limites de la capacité de stockage sur place pourraient être atteintes dès l’automne 2022, selon Tepco, l’opérateur de la centrale. L’eau destinée à être relâchée dans cette opération, qui ne devrait pas commencer avant deux ans et pourrait prendre des décennies, a été filtrée à plusieurs reprises pour être débarrassée de la plupart de ses substances radioactives (radionucléides), mais pas du tritium, lequel ne peut pas être éliminé avec les techniques actuelles.
Toujours à la pointe du progrès et du déni de réalité, Greenpeace a répété son appel à poursuivre le stockage de l’eau jusqu’à ce que la technologie permette de la décontaminer complètement. Cette option, privilégiée au détriment d’autres scénarios, comme une évaporation dans l’air ou un stockage durable, est très contestée par les pêcheurs et agriculteurs de Fukushima qui redoutent que cela n’affecte davantage l’image de leurs produits auprès des consommateurs.
Début 2020, des experts commissionnés par le gouvernement avaient recommandé le rejet en mer, une pratique déjà existante au Japon et à l’étranger sur des installations nucléaires en activité. «Il y a un consensus parmi les scientifiques sur le fait que l’impact sur la santé [d’un rejet en mer de l’eau tritiée] est minuscule», a déclaré à l’AFP Michiaki Kai, professeur et expert des risques des radiations à l’université des sciences de la santé d’Oita. L’agence internationale de l’énergie atomique (AIEA) plaide aussi pour l’option d’une dilution en mer.
La très écologique et très transparente Chine a qualifié «d’extrêmement irresponsable» l’approche du Japon qui «va gravement nuire à la santé et à la sûreté publiques dans le monde, ainsi qu’aux intérêts vitaux des pays voisins». La Corée du Sud a de son côté exprimé de «vifs regrets» après cette décision qui représente «un risque pour l’environnement maritime». Le gouvernement américain, allié de Tokyo, a cependant exprimé son soutien à l’opération, notant que le Japon avait «pesé les options et les effets, avait été transparent dans sa décision et sembl[ait] avoir adopté une approche en accord avec les normes de sûreté nucléaire internationalement reconnues».